Intervention de Hermeline Malherbe

Réunion du 16 juin 2015 à 14h30
Malades et personnes en fin de vie — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Hermeline MalherbeHermeline Malherbe :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la question de la fin de vie n’est pas, à proprement parler, au cœur des préoccupations quotidiennes des Français. Pourtant, cette question est universelle ; elle concerne chacun d’entre nous. À un moment ou à un autre, nous y sommes tous confrontés pour un parent, un ami, un proche.

Parfois, on refuse catégoriquement d’imaginer sa propre fin de vie ; parfois, on se prend à rêver de pouvoir disposer de sa vie jusqu’à son ultime moment, que l’on aurait alors choisi. Certains préfèrent une mort brutale et rapide, d’autres souhaitent mourir dans leur sommeil, apaisés, mais personne n’imagine mourir dans d’atroces souffrances ; or c’est bien de cela qu’il s’agit ici. Ce qui inquiète, ce qui fait peur, n’est pas tant la mort que la peur de souffrir.

Ainsi, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé et la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie ont permis de développer les soins palliatifs et d’améliorer la prise en charge de la douleur et de la souffrance, même si l’on reconnaît régulièrement qu’il nous faut encore progresser en vue de mettre en œuvre, sur l’ensemble du territoire, une véritable culture du soin palliatif.

Dès 2005, cette loi a permis de poursuivre le processus d’autonomisation des malades en condamnant l’obstination dite « déraisonnable ». Elle a aussi autorisé la rédaction par la personne en fin de vie de directives anticipées et prévu une procédure collégiale d’arrêt des traitements, y compris lorsque la souffrance du patient en fin de vie ne pouvait être évaluée.

Néanmoins, ce texte initial m’apparaissait, déjà à l’époque, plutôt perfectible. Il semblait ne pas répondre à toutes les attentes de nos concitoyens sur ce sujet, qui nous concerne toutes et tous.

Je remercie très sincèrement le député Jean Leonetti d’avoir accepté de reprendre et de poursuivre le travail avec son collègue Alain Claeys. Leur audition, dans le cadre de la commission des affaires sociales, fut non seulement très intéressante, mais aussi constructive, pour nous permettre d’avancer dans la réflexion sur la proposition que nous examinons en séance aujourd’hui. Ce texte constitue une réelle avancée dans le traitement de la douleur et de la souffrance des personnes en fin de vie.

Pour certains d’entre nous, l’accompagnement médical de la fin de vie jusqu’à la mort, tel qu’il est proposé dans le cadre de cette proposition de loi, va trop loin. Pour d’autres, on ne va ni assez loin ni assez vite.

C’est pourquoi je salue le travail des corapporteurs, MM. Michel Amiel et Gérard Dériot, et l’équilibre qu’ils ont su trouver. Ce texte semble en effet répondre davantage aux attentes de chacune et de chacun d’entre nous ; il tend à atteindre cet équilibre, ce qui, vous en conviendrez, mes chers collègues, n’était pas évident sur un tel sujet.

Je le rappelle et j’y insiste, la loi s’adresse exclusivement aux personnes qui vont mourir, et non à celles qui le souhaitent, quelle qu’en soit la raison. Cette dernière question continuera, j’en suis certaine, de faire l’objet d’un débat profond au sein de notre société, mais elle ne concerne en rien le texte d’aujourd’hui. En effet, la proposition de loi que nous nous apprêtons à examiner, mes chers collègues, vise à accompagner toutes celles et tous ceux pour qui les jours et les heures sont malheureusement comptés.

Nous avons tous des exemples et des témoignages en tête, celui d’une personne malade en soins intensifs dont on dit qu’elle risque de ne pas s’en sortir et qui, à la suite d’un accompagnement à la fois médical, familial et amical, donc psychologique, retrouve la force de vivre encore douze ans, ou au contraire, celui d’une personne malade qui chaque jour semble souffrir un peu plus et qui, même si elle ne peut plus parler, exprime par le regard ou les comportements, sa volonté de ne pas poursuivre plus longtemps ce que l’on appelle parfois l’« acharnement thérapeutique », ou encore « obstination déraisonnable ».

Les exemples, les témoignages et les ressentis sont importants pour travailler ce texte de loi, mais il nous faut aussi et surtout objectiver et penser la fin de vie en termes de droit.

C’est pourquoi ce texte ouvre l’accès à la sédation en phase terminale et affirme le caractère contraignant des directives anticipées. Ainsi, il est prévu qu’un personnel médical qualifié puisse administrer à tout malade en fin de vie une sédation profonde et continue, qui lui permette de partir avec le plus de sérénité possible, et sans souffrance.

Ce texte comporte de nombreuses autres mesures visant à garantir les droits des personnes malades en fin de vie, qui constituent selon moi de réels progrès par rapport à la situation actuelle.

Je pense notamment à l’accès, pour les étudiants et professionnels médicaux et paramédicaux, à une formation plus approfondie aux soins palliatifs, au statut du témoignage de la personne de confiance, qui est dans ce texte explicité juridiquement, au renforcement et à une meilleure opérationnalité des directives anticipées énoncées par la personne en fin de vie, auxquelles le médecin ne pourra déroger et qu’il devra consulter en premier, sauf cas exceptionnel, à la réaffirmation du droit du malade au refus de son traitement.

Si les droits des personnes malades en fin de vie sont mieux pris en compte, l’autre grande satisfaction de ce texte est la garantie apportée au personnel médical en matière de sécurité juridique.

Il est primordial, pour des raisons que tout le monde comprendra aisément, de mettre les professionnels de santé à l’abri d’éventuelles poursuites judiciaires lorsqu’ils mettent fin à la souffrance d’un malade qui en a exprimé la demande, tout en définissant de manière très précise le cadre de cette intervention.

Il reste beaucoup de chemin à parcourir, notamment sur l’aide médicalisée à mourir. Mes collègues du groupe RDSE et moi-même avons d’ailleurs déposé un amendement en ce sens, reprenant en partie une proposition de loi de 2012 émanant de notre groupe. Je me félicite que nous ayons trouvé dans le présent texte un consensus pour améliorer les droits des malades en fin de vie, toujours dans le respect de la dignité humaine.

Je crois que la manière d’appréhender la fin de vie, donc la mort, en dit beaucoup sur nous-mêmes et sur l’état de civilisation de notre société. Je me félicite que, au travers de ce texte, nous contribuions, certes modestement, à son élévation.

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