Intervention de Patricia Morhet-Richaud

Réunion du 16 juin 2015 à 14h30
Malades et personnes en fin de vie — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Patricia Morhet-RichaudPatricia Morhet-Richaud :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les travaux réalisés au sein de la commission des affaires sociales ont été passionnants. Je salue à cet égard le travail effectué, sous la présidence de M. Milon, par MM. les corapporteurs et M. le rapporteur pour avis.

Pour une première intervention, je souhaitais m’exprimer sur cette proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.

Il faut dire que ce texte ne laisse personne indifférent : l’effet qu’il produit sur chacun d’entre nous est fort. Partout, dans nos départements, dans nos familles, ce sujet anime les conversations et alimente nos échanges. Les points de vue sont différents ; ils font souvent référence à notre propre histoire, à notre ressenti personnel, à notre perception des choses.

Je dois l’avouer, aujourd’hui, c’est davantage une femme qui s’exprime devant vous, plutôt que le « législateur ». Néanmoins, qui peut prétendre sur ces travées, du fait de sa position de législateur, faire totalement abstraction de sa culture, de sa religion ou de son origine ?

Ce texte présente l’avantage de poser le débat, d’aider à la prise de conscience, de faire évoluer les mentalités. Cette proposition de loi permet aussi de préciser les termes de la loi du 22 avril 2005, dite « Leonetti », qui reste un texte essentiel, mais qui doit aujourd’hui évoluer.

En effet, nos concitoyens attendent que leurs parlementaires se saisissent des questions de société et y apportent des réponses conformes à leurs aspirations.

Alors que la France traverse une grave crise et que le climat y est anxiogène, je mesure le poids de notre responsabilité individuelle et collective dans un débat de cette nature. Même si, dans notre pays, il est difficile d’aborder cette question sans passion, comme chez certains de nos voisins européens, nous devons nous efforcer d’en établir la synthèse et de tendre vers ce qui nous paraît être le plus juste et le plus équitable.

Pour autant, ce sujet n’est pas anodin, puisqu’il est question de la fin de vie et, comment ne pas l’avouer, de notre propre mort.

Au fronton de la République, il est écrit : « Liberté, égalité, fraternité ». Mes chers collègues, si nous avions la possibilité d’interroger chaque Français à l’heure du grand départ, êtes-vous certains qu’il dirait que ces trois principes fondamentaux se sont vérifiés tout au long de sa vie ? Il s’agit donc de l’ultime requête de nos concitoyens, afin de garantir à tous les Français des conditions de fin de vie égalitaires, sans souffrance qui ne puisse être apaisée.

Comment concevoir en effet que certains seraient soulagés parce qu’ils auraient les moyens financiers de le faire, contrairement à d’autres ? N’est-ce pas là le minimum que la République puisse garantir ?

Depuis notre naissance nous avons, pour la majorité d’entre nous, le souci de préserver notre capital santé et nous cherchons à maîtriser la douleur, aidés par les médecins et les soins hospitaliers. Comment imaginer que, dans une société ayant réalisé des progrès considérables en science, en médecine, avec pour conséquence l’allongement de l’espérance de vie, on ne soit pas en mesure de calmer la douleur intense d’un patient dans la phase terminale d’une maladie incurable ?

Pour ma part, je crois qu’il est essentiel que la médecine accompagne la vie, y compris dans ses derniers instants. C’est pourtant là que survient une difficulté majeure. En effet, notre parcours d’administré est jalonné de formulaires, de déclarations administratives, notamment en matière de succession : testament, convention obsèques, etc. Pour autant, ces actes interviennent lorsque la personne est décédée, alors que, à travers les directives anticipées, il s’agit des derniers instants de la vie.

Dans ces circonstances très particulières de l’extrême limite de la fragilité, le plus grand geste d’amour n’est-il pas de laisser partir la personne que l’on aime ? Je suis convaincue que ce processus ne peut s’enclencher unilatéralement. Les soins palliatifs doivent faire l’objet d’un plan à grande échelle, qui garantisse à chaque Français une sédation profonde et continue à proximité de son domicile, voire à son domicile, où la famille sera aussi prise en charge !

Le développement des unités de soins palliatifs ne doit pas être réservé aux seuls grands centres hospitaliers. Il est important qu’il soit équitablement réparti sur le territoire national, notamment en zone rurale où la désertification médicale est une réalité.

La formation des professionnels de santé doit garantir une meilleure prise en charge des patients en fin de vie, par exemple dans les établissements pour personnes âgées. Vous le savez tous, mes chers collègues, les Français aspirent à mourir à leur domicile, sans souffrance et en dormant. Au regard du nombre de décès qui surviennent aux urgences, nous sommes bien loin de répondre aux attentes de nos concitoyens, et j’espère que nous pourrons aussi avancer dans cette direction !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion