Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, avec cette proposition de loi relative à la fin de vie, le Sénat aborde aujourd’hui un sujet extrêmement sensible et délicat – madame la ministre, vous l’avez indiqué en ouvrant nos travaux.
Nous ne saurions nous contenter de réduire cette discussion à une simple prise de position ou à un débat sociétal sur l’euthanasie. Demeurent encore, dans notre société, trop de tabous et un déni évident autour de la mort. La proposition de loi Claeys-Leonetti ne répond pas à cette question, mais elle apporte des solutions pratiques à la fin de vie, dans le cas de maladies incurables. Tous, nous sommes, ou serons un jour, confrontés à ce problème.
Ayant longtemps été impliqué professionnellement dans le domaine de la pharmacie cancérologique, en tant que responsable d’un centre de lutte contre la douleur, et dans le secteur de l’organisation de soins et de réseaux palliatifs, je bénéficie d’une bonne expérience de terrain. À mon sens, il est nécessaire, avant d’aller plus loin, de dresser un état des lieux de ces structures dans notre pays.
Le premier problème auquel nous nous heurtons est, hélas, un cruel manque de lits de soins palliatifs dans nos établissements de santé. Cette carence n’est que partiellement compensée par les lits d’hospitalisation à domicile et par les réseaux de soins palliatifs, lesquels interviennent également au chevet du malade.
Ces réseaux regroupent des équipes pluridisciplinaires spécialement formées à l’accompagnement de fin de vie. Le but est d’assurer une organisation coordonnée entre, d’une part, l’hôpital ou la clinique, et, de l’autre, le domicile du malade. Les équipes hospitalières doivent s’assurer de la continuité des soins lors du retour du patient à son domicile.
Or, à l’heure actuelle, on estime à 60 % la proportion de patients qui, notamment dans le monde rural, voire dans « l’hyperuralité » – j’emprunte une expression chère à l’un de nos collègues –, ne peuvent bénéficier de ces soins faute de prise en charge.
Le deuxième problème découle du manque de formation évident des praticiens libéraux, qu’il s’agisse des médecins, des infirmiers, des kinésithérapeutes ou des pharmaciens. Ces professionnels prennent en charge une grande partie des malades en question, hors du cadre hospitalier. Or on voit trop souvent les équipes de soins et les familles désemparées face à des cas très lourds.
À mon sens, la fin de vie, en particulier le maniement des antalgiques et des morphiniques, doit désormais figurer obligatoirement au programme de toutes les spécialités médicales et paramédicales susceptibles d’être employées dans ce domaine.
En assurant la couverture de notre territoire par des maisons de santé ou des pôles de santé pluridisciplinaire, on pourra rassembler les professionnels concernés au sein de mêmes structures. Ainsi, l’on facilitera leur formation et l’on favorisera l’interdisciplinarité, indispensable quand ces praticiens interviendront dans des cas de palliatifs non recensés.
Le troisième et dernier problème est d’ordre juridique et éthique. La médecine palliative est devenue la médecine de fin de vie. Dès lors, ce geste d’interrompre ou d’abréger la vie est très délicat à appréhender et à envisager.