Ces problèmes juridiques en viennent à polluer tous les actes médicaux, même en médecine, et plus particulièrement en oncologie : dans cette spécialité, on se borne de plus en plus souvent à une classification de maladies selon des critères français ou anglo-saxon. Puis, une fois cette classification établie, on se contente d’appliquer le protocole correspondant.
En effet, même si le praticien a l’intime conviction qu’une meilleure solution existe, il sera couvert juridiquement quoi qu’il en soit, même en cas d’accident médicamenteux, dans la mesure où il est resté dans le cadre du protocole. Vive la dictature du sanitaire et du juridique ! On est tout de même en droit de se poser quelques questions au sujet de la médecine de demain…
Ce constat étant dressé, il existe, manifestement, une inégalité flagrante entre nos concitoyens en matière d’offre de soins palliatifs de proximité et de qualité. La proposition de loi Claeys-Leonetti est de nature à gommer une grande partie de ces inégalités.
Je le répète, il ne s’agit pas d’un débat sur l’euthanasie ou sur une quelconque forme d’assistance au suicide. Je pose cette question au passage : combien dénombre-t-on, chaque année, de suicides non recensés, chez les patients atteints de maladies incurables ? Combien de patients décident, quand ils en ont la possibilité, de se supprimer par leurs propres moyens ?
Ne nous laissons pas influencer par l’actualité. Il ne s’agit pas de savoir s’il faut raccourcir, abréger, diminuer ou réduire la période de fin de vie. Le présent texte a pour but d’offrir à chaque malade atteint d’une pathologie incurable en phase terminale, dans un cadre très réglementé, la possibilité de s’éteindre dans la dignité, sans souffrance et de manière apaisée.
Cet objectif semble évident à atteindre, grâce à l’arsenal thérapeutique dont nous disposons aujourd’hui. Encore faudrait-il pouvoir l’utiliser plus largement. Dans les faits, les choses se passent bien différemment. On voit encore trop de patients souffrir des semaines durant, parce qu’ils n’ont pas eu accès à des soins adaptés ou parce que le dialogue avec la famille n’a pu aboutir.
Parallèlement, la présente proposition de loi permet à un plus grand nombre d’équipes de pratiquer la médecine de fin de vie en toute sérénité. Le cadre des actes médicaux est, bien entendu, un élément très important, et même un facteur essentiel.
Les directives anticipées doivent avoir été signées. Le ou les médecins doivent, après un diagnostic de mort imminente, avoir décrété une limitation d’actes thérapeutiques. Le dialogue avec le patient et la famille doit avoir lieu sans tabous. Quand toutes ces conditions sont réunies, le praticien responsable peut administrer les médicaments nécessaires pour plonger le patient dans un état de sédation profonde et se limiter à une simple hydratation. Il pourra ainsi doser ces sédatifs, de sorte à ne pas prolonger inutilement la fin de vie de son patient.
La reconnaissance de cet acte est de nature à aider et à conforter le médecin dans sa pratique. Il rassurera également le patient, qu’angoissent très souvent les ultimes souffrances qu’il devra endurer, notamment dans les cas de détresse respiratoire ou d’apparitions d’états réfractaires aux antalgiques.
Ne nous voilons pas la face. La sédation profonde est un endormissement définitif du patient. Il est impératif d’assurer une réelle préparation et une prise de conscience de l’entourage du malade quant à la situation transitoire et finale de ce dernier.
Nous l’avons vu, le présent texte est nécessaire au patient, à la famille, à l’entourage et à toute l’équipe médicale. Il doit permettre de faciliter et de généraliser les prises en charge à domicile, en permettant l’approvisionnement en médicaments souvent réservés à l’usage hospitalier.
Mes chers collègues, si le Sénat est souvent un lieu de consensus, de sagesse et de tempérance, il doit également être une instance de progrès et de justice. Nous devons voter ce texte, pour encadrer des gestes couramment dispensés et ainsi, en les légitimant, rétablir l’égalité de tous lors de notre fin de vie. Je compte sur vous pour que cette proposition de loi, qui constitue, à mon sens, une réelle avancée, connaisse une issue positive !