Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis pour aborder un sujet de société, un thème sensible qui concerne chacune et chacun d’entre nous, individuellement et collectivement.
La question de la fin de vie est trop souvent abordée à travers le prisme d’affaires judiciaires, nous montrant des personnes qui souffrent, des familles qui se déchirent, des médecins face à leur conscience dans un encadrement législatif qui est encore trop imprécis et qui reste sujet à interprétations.
Au-delà de ces rebondissements médiatiques, des centaines, voire des milliers de familles accompagnent un proche en fin de vie. Les situations sont variées, comme les manières de réagir. Le droit doit prévoir, préciser et accompagner les évolutions de la société.
Depuis 2012, le débat public a été engagé par le Président de la République : un large processus de consultation sur la fin de vie a été mis en place autour de la commission Sicard, du Conseil national de l’ordre des médecins et du Comité consultatif national d’éthique, le CCNE, notamment.
Comme à son habitude, le Comité consultatif national d’éthique, dont j’ai l’honneur de faire partie, a souhaité dépassionner le débat en se donnant le temps de la réflexion par des échanges et des rencontres, en prenant de la hauteur et du recul, évitant ainsi l’emballement médiatique, la précipitation ou les dogmatismes.
Remis à l’automne 2014, son rapport identifie les principaux points de convergence et de blocage, relevés au travers du débat public. Les convergences s’attachent au fait de rendre contraignantes les directives anticipées et de permettre l’accès, en phase terminale, à une sédation profonde jusqu’au décès ; les divergences touchent aux questions de l’assistance au suicide et de l’euthanasie.
Ces lignes de force sont également au cœur du rapport des députés Claeys et Leonetti comme de la proposition de loi qui en découle. Le texte que nous examinons aujourd’hui est consensuel, équilibré et transpartisan. Il porte, surtout, des dispositions utiles susceptibles d’améliorer concrètement les conditions de fin de vie des patients en phase terminale. Il contribue, en outre, à l’apaisement des souffrances et corrige les travers et les failles de la loi de 2005. Citons, notamment, l’accès inégal des patients aux soins palliatifs et l’absence de contrainte, comme de clarté, dans l’application de leurs volontés.
La proposition de loi des députés Claeys et Leonetti a pour objectif de remettre la volonté du patient au cœur des débats. Elle impose le respect des directives anticipées au corps médical ; elle crée un droit à la sédation profonde et continue, accompagnant l’arrêt du traitement du malade en phase terminale ; elle renforce la pratique des soins palliatifs, qui ne concernent aujourd’hui que 20 % des malades devant en bénéficier.
Certes, comme de nombreuses associations et plusieurs de nos collègues, on peut souhaiter aller plus loin. Dans le prolongement d’une proposition de loi déposée par Jean-Pierre Godefroy en janvier 2012, j’ai l’intime conviction qu’il faut permettre aux personnes atteintes d’une maladie grave et incurable entraînant une souffrance physique ou psychique insupportable, de mourir dans la dignité.
Il s’agit, dès lors, de passer du « laisser mourir » à l’aide à mourir, dans des cas de figure précis, stricts et encadrés. C’est tout le sens de l’amendement créant un article additionnel à l’article 2, que j’ai cosigné avec notre collègue Godefroy.
Cet amendement vise à permettre aux personnes dont l’état de santé ne laisse plus aucun espoir de guérison de ne pas finir leurs jours dans la souffrance et d’avoir le droit de choisir le moment de leur mort. Il tend à renforcer la proposition de loi et à lui donner encore plus de sens et de cohérence. Il s’agit pour nous de lancer le débat dans cet hémicycle, où nous avons l’habitude, s’agissant de ce genre de sujets sociétaux, de dépasser nos clivages politiques et partisans.
Au-delà de cette question, il faut dire sans ambiguïté que cette proposition de loi est un bon texte. Dans sa version issue des débats de l’Assemblée nationale, elle est nécessaire et attendue. Elle crée de nouveaux droits pour les malades et leurs familles et elle corrige le système actuel. Équilibrée et consensuelle, elle marque une étape – d’autres seront assurément franchies, car il faudra aller encore plus loin et continuer d’avancer, pas à pas, pour apaiser les souffrances, pour accompagner les familles et les proches, pour préserver les dignités.
Aujourd’hui, même si le chemin est encore long, nous avançons en votant cette proposition de loi émanant de l’Assemblée nationale.