Notre position sur l'EPR n'a pas varié depuis l'année dernière. J'ai déjà eu l'occasion à plusieurs reprises de m'exprimer sur ce point ; je me répéterai donc, sans trop m'étendre toutefois.
Nous considérons que la filière nucléaire, d'une manière générale, représente un atout pour la France, dans le respect du protocole de Kyoto. Cependant, nous considérons aussi, compte tenu des capacités de production existantes et des échéances prévues pour le renouvellement des centrales, que les experts envisagent pour 2020 ou 2030, qu'il n'y a pas d'urgence à décider la construction d'un nouveau réacteur nucléaire ni aucune raison de le faire dans la précipitation. En l'état actuel du parc nucléaire, l'EPR ne nous semble pas correspondre à un besoin réel.
Par ailleurs, alors que le principe de précaution a été validé dans la Charte adoptée lors du dernier Congrès de Versailles, le feu vert est donné à l'EPR et à la filière de troisième génération. Nous voilà donc engagés pour cinquante ans sans qu'ait auparavant été assurée la gestion, pourtant cruciale, des déchets nucléaires !
Ainsi, nous rendrions incontournable jusqu'en 2050 la troisième génération du nucléaire, alors que, à ma connaissance - mais je peux me tromper -, elle n'apporte pas d'avancée réellement majeure, significative, de cette technologie par rapport à celle des centrales actuelles, notamment en matière de sécurité ou de réduction des déchets.
Nous suggérons donc de consacrer plutôt le peu de crédits disponibles au développement du futur réacteur nucléaire dit de « génération IV » et au cycle de combustible associé, c'est-à-dire aux déchets.
Enfin, nous considérons que la filière nucléaire ne peut avoir d'avenir si les pouvoirs publics ne répondent pas aux exigences de nos concitoyens, qui veulent une plus grande transparence ; la question a été évoquée tout à l'heure, je n'y insiste pas davantage.
Par ailleurs, monsieur le ministre, comme je le soulignais hier dans la discussion générale, le nucléaire est pour vous la réponse à tout. Pourtant, nous persistons à l'affirmer, rien ne justifie aujourd'hui le choix de l'EPR. Au demeurant, nous ne pouvons que constater que votre choix a considérablement imprégné ce projet de loi d'orientation.
Mais le problème, monsieur le ministre, c'est que vous confondez débat sur l'électricité et débat sur l'énergie. Or l'électricité représente 40 % seulement de l'énergie que nous consommons : c'est dire si nous devons donner une réelle priorité à toutes les autres énergies, sans en écarter une seule.
Le deuxième problème, c'est que vous persistez à estimer que les insuffisances actuelles de certaines énergies renouvelables sont appelées à se prolonger encore vingt ou trente ans. Consentez plus de crédits à la recherche dans ce secteur, et vous verrez que les énergies renouvelables peuvent considérablement accroître leurs performances !
Enfin, troisième problème, vous ne prenez nullement en compte les progrès que l'on peut attendre des nouvelles technologies dans les quinze prochaines années en matière d'efficacité énergétique, de stockage de l'énergie, d'économies d'énergie, d'amélioration des énergies renouvelables, d'exploitation des nouveaux vecteurs de rupture, ou encore concernant la quatrième génération des réacteurs nucléaires, qui n'est pas forcément aussi éloignée de nous que vous ne le prétendez.
Au regard de toutes ces remarques, nous persistons à considérer que la décision d'engager la France pour cinquante ans dans la filière de troisième génération méritait plus de temps et de réflexion, et qu'elle est donc prématurée.