Intervention de Lucien Hounkpatin

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 9 avril 2015 : 1ère réunion
Atelier de prospective : mieux prévenir et gérer les crises liées aux maladies infectieuses émergentes

Lucien Hounkpatin, maître de conférences en psychologie clinique et psychopathologie, spécialiste des rites funéraires :

Après tout ce que nous avons entendu, une question se pose : « Et maintenant ? » Il nous faut mener une réflexion sur la société dans sa profondeur.

Dans ce monde, qu'il s'agisse de naissance ou de mort, nous sommes toujours face à une notion de continuité de la vie. Les questions s'enchaînent : « Comment traiter le corps du nouveau-né pour qu'il devienne humain ? Comment traiter le corps du défunt pour qu'il devienne un ancêtre ? » Nous sommes dans un même processus de vie. Dans cette dimension, rien ne se perd. Tout est dans la créativité et la transformation. Ainsi les rituels traditionnels ont-ils eux-mêmes évolué : avant, on utilisait la calebasse comme contenant ; maintenant nombre de sociétés traditionnelles utilisent la bouteille, transparente.

La maladie, dans ce monde, est un message qu'un individu porte. Comment le traduire ? Nous parlions tout à l'heure de reconnaissance, puis de confiance : mais pour obtenir reconnaissance ou confiance, il faut traduire, trouver les mots qui touchent. Chacun sait ici qu'il n'y a pas de texte sans contexte. Quels mots peuvent permettre d'avoir accès à ces populations ?

Dans notre société occidentale, notamment en psychanalyse, on parle du travail de deuil. Mais dans les mondes africains, on parle du traitement des restes, du traitement du corps du défunt, pour l'accompagner par des techniques d'initiation vers le monde des ancêtres. Problème : un tel traitement suppose un contact avec le corps du défunt. Faut-il interdire ce contact en raison du risque de maladies infectieuses ? Peut-être. Dès lors, comment trouver les mots pour que les populations aient accès à ces pensées, pour les leur traduire dans leur contexte et leur environnement, pour que les mots fassent sens et force dans leurs pensées ?

N'oublions pas non plus la pédagogie. Chez les spécialistes du traitement des morts, la transmission passe par l'initiation. Que signifie chacun des gestes sur le corps du défunt ?

Jusqu'ici, il y a eu beaucoup de « mal morts », car ils n'ont pas bénéficié des rituels nécessaires à leur passage dans le monde des ancêtres. Ces corps ont dû être enterrés le plus rapidement possible. Il faut savoir mieux enterrer les morts pour que les vivants restent animés, sinon ils viennent nous agiter et agiter toute une population. Ne confondons pas réanimation interne et agitation sociale. Réanimons.

La transmission se fera à plusieurs niveaux : à l'école, dans l'institution familiale, auprès des représentants du village. Ces dynamiques nous installent dans la temporalité. Travaillons avec le temps.

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