Intervention de Thierry Pineau

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 9 avril 2015 : 1ère réunion
Atelier de prospective : mieux prévenir et gérer les crises liées aux maladies infectieuses émergentes

Thierry Pineau, chef du département santé animale de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) :

Mon angle d'analyse est évidemment celui de l'interface homme-animal-environnement et de la santé publique vétérinaire. Il importe de mieux connaître les déterminants des maladies infectieuses émergentes pour être mieux préparés, pour reprendre le concept de preparedness développé par l'OMS et l'Organisation internationale de la santé animale (OIE). Je citerai quelques chiffres révélateurs : 60 % des 1 400 pathogènes de l'homme sont partagés avec les animaux ; les maladies zoonotiques représentent 75 % des émergences et sont responsables de 20 % des pertes en production animale, ce qui accroît encore davantage l'empreinte carbone des élevages.

Huit déterminants peuvent être avancés dans l'explication de ces émergences. Je citerai d'abord l'accroissement de la population, la facilitation des déplacements rapides et à longue distance d'hommes, d'animaux et de denrées. Il y a les changements globaux, les nouveaux équilibres des écosystèmes et l'impact de phénomènes climatiques extrêmes. La modification des usages des terres, l'urbanisation, l'empiètement sur les zones sauvages ont entraîné des interactions inédites aux interfaces de l'homme, de l'animal et de l'environnement. La seconde révolution de l'élevage a poussé à une intensification, à un recours accru aux intrants, médicamenteux en particulier, ainsi qu'à la sélection d'animaux pour des objectifs de production, élevés à de très fortes densités ; la robustesse a été mésestimée parmi les critères de sélection.

Je rappelle également les changements de pratiques en agriculture. Personne n'a oublié l'alimentation des bovins avec des farines animales. Qui plus est, les phénomènes de pauvreté tendent à accroître la promiscuité entre l'éleveur et l'animal et à faciliter la transmission de certains agents pathogènes. Je souligne les problèmes d'instabilité sociale et politique, qui entraînent une désorganisation puis défaillance des services sanitaires et vétérinaires. Les États concernés deviennent des maillons faibles dans le dispositif international et ne remplissent plus leurs missions régaliennes d'évaluation, d'anticipation, de surveillance, de détection, d'alerte et de gestion des risques.

J'aimerais attirer l'attention sur deux éléments précis, qui sont autant d'enjeux pour l'avenir. D'une part, la diffusion des résistances aux antibiotiques, qui, du point de vue épidémiologique, se révèle une véritable pandémie. D'autre part, en lien avec les changements globaux, le déploiement, sur de nouveaux territoires géographiques, d'insectes ou d'acariens qui se trouvent prépositionnés pour recevoir et diffuser des maladies émergentes ou réémergentes, humaines et animales. Ces maladies infectieuses vectorisées sont des enjeux de santé publique et de santé publique vétérinaire du futur.

Heureusement, des actions engagées dans le cadre de la dynamique One Health portent déjà leurs fruits, notamment sur la vaccination et en matière de gestion de l'usage des antibiotiques en élevage. En France, le plan EcoAntibio 2017 est exemplaire à ce titre puisqu'il vise, au travers de quarante mesures, à diminuer de 25 % les usages d'antibiotiques en élevage en cinq ans, objectif largement atteignable au regard de tout ce qui a été d'ores et déjà réalisé en l'espace de seulement deux ans. Je citerai également la mise en place, depuis janvier dernier, dans l'esprit de One Health, d'une task force française consacrée à l'antibiorésistance et la préservation de l'efficacité de l'arsenal antibiotique à notre disposition.

Il existe un réseau français pour la santé animale, mobilisé pour chaque émergence. Les expériences successives nous permettent d'être toujours plus rapides. Ainsi, pour la maladie de Schmallenberg, un vaccin a été mis au point en un temps record, seulement quatre mois.

Je me réjouis de constater que la recherche anticipe. Elle évalue les manques. Elle priorise ses actions. L'Union européenne finance d'ailleurs à cet effet des réseaux de coordination internationale de priorisation à l'échelle mondiale (programme Star-Idaz).

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