J'aimerais, de par mon expérience au coeur de la diplomatie sanitaire, préciser que deux tiers du budget de la France à l'international en matière de santé est aux mains du ministère des affaires étrangères. Voilà déjà longtemps que je m'attache à sensibiliser les organismes et à les rapprocher des diplomates sur le sujet de la prévention des pandémies. Entre la diplomatie pour la santé et la santé pour la diplomatie, c'est-à-dire la santé prise comme une arme politique par les diplomates, la nuance est ténue. J'ai organisé au ministère une grande réunion sur ces sujets, transmis de nombreuses notes. Il reste vrai que changer la politique de la France en matière de diplomatie sanitaire est une tâche compliquée.
Dans le domaine de l'éducation, la réflexion porte sur la question du public à éduquer. Un grand groupe pharmaceutique finance aujourd'hui des interventions dans les écoles, car c'est bien « en temps de paix » et chez un public jeune qu'il faut marquer les esprits, au Nord comme au Sud. En outre, pour revenir à l'idée de pluridisciplinarité, nous avons tenté, à l'université Pierre et Marie Curie, de créer un nouveau master qui soit pluridisciplinaire. Mais les systèmes universitaires du Sud, calqués sur les nôtres, sont tels que nous n'avons trouvé, de l'Afrique subsaharienne à l'Asie du Sud-Est, aucune université intéressée. La réflexion doit donc se poursuivre.
La mobilisation est déjà effective en France, grâce à une bonne coopération entre les organisations de recherche et les bailleurs. Avec Jean-François Delfraissy, Bernadette Murgue et la complicité de l'ensemble d'Aviesan - Alliance des instituts de recherche pour les sciences de la vie -, nous avons monté des actions coordonnées, notamment sur les problèmes de résistance et les vecteurs, qui rencontrent un certain succès.
En termes de stratégie, le manque d'interaction est évident entre l'expertise de nos institutions de recherche, de nos ONG, de nos organismes sanitaires et les forces que nous mettons dans les grands organismes internationaux. Ce fossé doit être comblé. Le ministère des affaires étrangères ne peut s'appuyer que sur une seule expertise médicale pour gérer la totalité du budget considérable que la France consacre à sa diplomatie sanitaire.
Enfin, j'aimerais faire une proposition qui concerne l'état des lieux de la situation au Sud. Qui est en charge, actuellement, d'une analyse de terrain ? Qui est capable d'identifier les manques ? Je propose donc l'établissement d'un Haut conseil de santé pour le développement, par lequel et au travers duquel seraient intégrées les questions relatives à l'émergence des maladies infectieuses.