Intervention de Françoise Laborde

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 9 avril 2015 : 1ère réunion
Atelier de prospective : mieux prévenir et gérer les crises liées aux maladies infectieuses émergentes

Photo de Françoise LabordeFrançoise Laborde, journaliste, ancienne conseillère du CSA :

Je salue l'initiative d'aujourd'hui, avec le souhait que la réflexion se concrétise en action. Que nous puissions arriver à un call to action tel que le pratiquent les Américains ou, pour le dire plus simplement, à une boîte à outils qui fonctionne.

Pour moi, la question principale est : « Comment ne pas se laisser déborder par le numérique ? » En la matière, en effet, on trouve le pire, à l'image de ces sites qui cherchent à convertir les jeunes au djihad, comme le meilleur. Une autre question est : « À qui s'adresse-t-on ? » Pour la communauté scientifique, l'outil numérique est bien sûr fondamental car il permet un formidable partage des connaissances. À l'égard de l'opinion publique, est-ce le meilleur outil ? Je n'en suis pas sûre. Sur le net, la moindre idée avancée est réceptionnée par des milliers de personnes qui réagissent et polémiquent. Cela nous propulse très vite dans la théorie du complot et dans le mensonge. En outre, la politisation des opinions publiques peut très bien se retrouver à l'occasion d'une grande épidémie, qui serait concomitante avec une élection.

Je retiens de ce qui a été dit ce matin l'importance de réagir vite, mais avec souplesse, pour justement gagner la confiance de l'opinion, ce qui est fondamental. La confiance n'est pas le fruit du hasard, elle s'organise. Il faut travailler de concert, de façon interdisciplinaire et responsable.

L'intérêt du numérique n'est plus à démontrer, mais les médias plus anciens, comme la radio et la télévision, fonctionnent aussi très bien. Il faut communiquer en permanence. Une information peut être contredite l'instant d'après, comme nous l'avons vécu encore récemment, au moment du crash de l'avion de la compagnie Germanwings. Le fait de dissimuler est vain car tout finit par se savoir. En l'espèce, les porte-parole du Bureau d'enquêtes et d'analyses l'ont appris à leurs dépens après que le New York Times a sorti une information démentant leurs propos tenus lors d'une conférence de presse. Après tout, la langue de bois fait aussi partie de la communication. Tout le monde parle, y compris ceux qui en savent le moins. La plus grande transparence possible est donc de rigueur.

Il convient de garder en tête quelques fondamentaux et de faire passer des messages d'intérêt général adaptés au public visé. C'est ce que s'était efforcé de promouvoir le CSA lors de l'épidémie de chikungunya.

Les médias sont demandeurs d'information continue. Il faut « nourrir la bête » et désigner des experts pour aller sur les plateaux, sinon la parole est donnée à des personnes mal informées, ce qui peut provoquer beaucoup de dégâts. Cet aspect doit être contrôlé au moins autant que les réseaux sociaux. Les briefings quotidiens ne sont pas à négliger. Il n'est nul besoin d'opposer télévision sociale et télévision classique, qui relèvent d'un seul et même domaine : la communication.

J'ai écouté attentivement tout ce qui s'est dit ce matin en matière d'éducation. Peut-être pourrait-on réfléchir avec les écoles à la possibilité de faire des exercices de simulation, comme cela se pratique pour les accidents nucléaires dans les communes proches de certaines centrales ?

En termes de communication, l'atelier d'aujourd'hui offre une matière formidable pour créer les conditions d'une modélisation du système, afin d'identifier, en cas de problème, les actions urgentes : mise en place d'un numéro vert, ou diffusion d'un communiqué de presse, ou encore rencontre de quelques spécialistes en plateau, voire les trois en même temps. Il me semble utile de prévoir une procédure qui permette à chacun de connaître la marche à suivre. La diffusion de l'information est rapide, en France, ce qui est positif, mais elle ne doit pas non plus s'éparpiller.

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