Intervention de Benoît Thieulin

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 9 avril 2015 : 1ère réunion
Atelier de prospective : mieux prévenir et gérer les crises liées aux maladies infectieuses émergentes

Benoît Thieulin, président du Conseil national du numérique :

La vague numérique a déjà révolutionné la médecine, la santé et la gestion des crises. Je retiens quatre observations, que nous avons tirées d'expériences passées, notamment avec Ebola.

Tout d'abord, le numérique peut être un excellent moyen pour cartographier et prendre la mesure d'une épidémie. Il permet une veille sanitaire très détaillée, quasiment en temps réel. Ainsi, l'étude des requêtes que le grand public fait sur Google en matière de symptômes rend possible, grâce à de simples algorithmes, la détection de signaux faibles à l'échelle d'un pays, d'un territoire, et d'obtenir, en temps réel, une cartographie de la diffusion et de la dissémination d'une maladie de manière parfois plus précise que ne le font les outils traditionnels. Le téléphone mobile est aujourd'hui largement répandu en Afrique. Dans le cas d'Ebola, les opérateurs de télécommunications ont pu, de ce fait, participer au suivi des mouvements de population.

Avant même d'être un support de communication, le numérique constitue un outil formidable pour comprendre les mécanismes de propagation d'une maladie, d'un virus.

Ensuite, les expériences des quinze dernières années lors de crises sanitaires ont montré qu'il n'est pas forcément besoin de technologies « dernier cri » ou de connexion internet. Même lorsque les gens utilisent des outils basiques, des technologies très légères, comme le portable et les SMS, le suivi est possible et fiable. La coordination sur le terrain en a été grandement facilitée, par exemple aux Philippines ou en Haïti.

Cela étant, la communication numérique provoque évidemment une explosion de la rumeur, qui est précisément quantifiable. Face à ce phénomène, le défi est immense. Mais internet a ce grand avantage qu'il matérialise la rumeur. Il est possible de savoir où la rumeur est diffusée et dans quelle proportion, si elle augmente ou au contraire si elle diminue, si son influence est massive, et où elle est localisée. Il reste vrai que l'on assiste à un changement de positionnement de la parole experte, et que cela constitue un défi. Le temps où le ministère de la santé pouvait donner des instructions sans trop les expliquer est révolu. Les populations veulent comprendre et choisir ; elles sont, de ce fait, moins dociles.

Finalement, le numérique est un moyen, lors de graves crises sanitaires, de maintenir la continuité de services essentiels tels que la sécurité, l'éducation, l'alimentation et l'accès à l'information. Il est une « infostructure » susceptible de résoudre les défaillances d'infrastructures physiques.

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