Intervention de Arnaud Fontanet

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 9 avril 2015 : 1ère réunion
Atelier de prospective : mieux prévenir et gérer les crises liées aux maladies infectieuses émergentes

Arnaud Fontanet, chef de l'unité d'épidémiologie des maladies émergentes à l'Institut Pasteur :

Le principe du Mooc est de proposer vingt à trente vidéos de dix minutes chacune, avec un ou plusieurs intervenants. Celles-ci sont étalées sur quatre à six semaines, mais peuvent être visionnées hors connexion si le Mooc est archivé. Vous pouvez visionner quand vous le souhaitez et sur n'importe quel support numérique - ordinateur, tablette, smartphone -, donc y compris dans les transports en commun.

Les professeurs interagissent grâce à des questionnaires à choix multiples et des forums d'échanges, qui rendent le Mooc vivant. Les étudiants posent des questions, se répondent mutuellement. Un modérateur peut intervenir. Dans le cadre du Mooc en épidémiologie que j'ai développé, je me connecte le vendredi soir et reprend les quatre ou cinq questions les plus discutées sur le forum. Je le fais en direct sur Youtube, avec la participation des étudiants à l'origine desdites questions. Une telle conférence dure environ une heure. La première a été suivie par neuf cents personnes, de cinquante pays différents.

Bruno Dondero l'a dit, le Mooc donne lieu à une attestation, et non à un diplôme, mais les choses sont en train d'évoluer. Le coût de production estimé est très variable, de 30 000 à 50 000 euros.

Le premier intérêt d'un Mooc est d'être accessible partout où internet est disponible. Il s'ouvre à un public très large. Le Mooc que j'ai conçu est assez spécialisé, tant dans les concepts de l'épidémiologie que dans les méthodes. Il a attiré, pour moitié, des étudiants en master et des doctorants, et, pour l'autre moitié, des personnes présentant des niveaux de formation très variables.

Le Mooc étant gratuit, beaucoup papillonnent et ne vont pas au bout : seuls 5 % à 10 % des inscrits terminent un Mooc et passent l'examen final. Il ne faut pas du tout s'en offusquer. Le principe même du Mooc, c'est avant tout de toucher un très large public, de manière flexible. Chacun est libre de gérer son suivi comme il l'entend.

Le produit est attractif, d'une grande qualité audiovisuelle, sur de courtes durées, ce qui permet une meilleure assimilation des connaissances. Nous sommes loin des conférences filmées. L'interactivité des forums et des réseaux sociaux permet en outre de créer une véritable communauté.

Par rapport au coeur de notre sujet, les maladies infectieuses, notamment Ebola, j'ai d'ores et déjà pu trouver cinq Mooc disponibles. Le premier « Ebola, vaincre ensemble » a été produit par l'Université de Genève en janvier 2015, sous la direction d'Antoine Flahaut. Quatre autres sortent ces jours-ci, que l'on doit à la London school of hygiene and tropical medicine, ainsi qu'aux universités de Lancaster, d'Emory et d'Amsterdam-Utrecht. Tout cela est logique : un Mooc ne s'improvise pas et nécessite un temps de conception conséquent.

Il y a deux temps et deux usages des Mooc.

En « temps de paix », quand aucune épidémie majeure n'est en cours, le Mooc est très adapté à la formation continue des professionnels en exercice, et dix, vingt minutes par jour suffisent. En outre, des Mooc pourraient être préparés pendant ces périodes de paix, en amont. Lors des épidémies récentes - Sras, MERS-CoV, Ebola -, on a pu constater que l'une des grandes difficultés était la transmission des agents responsables en milieu de soins, à l'origine d'infections chez les soignants et les patients, désorganisant complètement le fonctionnement des établissements de santé, d'où un coût indirect extrêmement élevé en termes de morbidité et de mortalité. Au sujet d'Ebola, on estime qu'il y aura eu plus de morts pour cause de paludisme non diagnostiqué, de femmes qui n'auront pas pu accoucher dans de bonnes conditions, que de morts liées à la maladie elle-même. Tout un travail de prévention et de contrôle de la transmission dans les lieux de soins reste à faire. Ainsi, un Mooc dont l'objet porterait sur le contrôle des infections en milieu de soins, à l'adresse de toutes les catégories de professionnels de santé, prenant des exemples précis, pourrait être très utile.

En « temps de guerre », plusieurs difficultés se présentent. Le délai de production d'un Mooc est relativement long, de trois à six mois. Les problèmes de connexion internet peuvent constituer un obstacle. Le choix du public visé doit déterminer si le Mooc est le meilleur instrument à utiliser pour informer, ou si les revues de grande qualité déjà diffusées gratuitement sur internet par les journaux médicaux suffisent. Enfin, dans la mesure où les scientifiques ne sont pas des professionnels de la communication, la fonctionnalité des réseaux sociaux reste un point à surveiller, y compris sur les plateformes d'échanges des Mooc, pour ce qui est de contrer la rumeur.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion