Intervention de Nadine Leclair

Commission d'enquête coût économique et financier de la pollution de l'air — Réunion du 5 juin 2015 à 10h00
Audition de M. Christian Chapelle directeur des développements chaînes de traction et châssis de M. Pierre Macaudiere expert en dépollution moteurs de Mme Mathilde Lheureux déléguée aux relations avec les institutions publiques et le parlement et de M. Jean-Baptiste Thomas directeur presse informations médias du groupe psa peugeot citroën de Mme Nadine Leclair membre du comité de direction en charge de la filière d'expertise de Mme Martine Meyer responsable environnement et santé à la direction du plan environnement de M. Jean-Christophe Beziat directeur des relations institutionnelles innovation et véhicule électrique de Mme Maria Garcia coudoin chargée d'affaires publiques et de Mme Louise d'Harcourt directeur des affaires politiques et parlementaires de renault

Nadine Leclair, membre du comité de direction de Renault, en charge de la filière d'expertise :

Je vous remercie de m'avoir invitée à m'exprimer devant votre commission d'enquête et, ce faisant, devant la Haute assemblée dont la vocation est de prendre de la hauteur et du recul. Cette audition fait suite à la table ronde organisée par le Sénat en janvier dernier sur les effets des motorisations diesel sur la santé et l'environnement, ainsi qu'à un rapport du sénateur Louis Nègre.

Nous, constructeurs automobiles, n'avons pas la légitimité pour évaluer la qualité de l'air et les effets éco-sanitaires de nos véhicules. Nous avons néanmoins un intérêt pour la compréhension de ces phénomènes et soutenons la recherche dans ce domaine ; nous sommes attentifs aux données produites afin de mettre notre offre en cohérence avec les attentes et d'imaginer l'automobile du futur, adaptée aux besoins de l'homme et de la planète.

L'automobile fait partie du problème, elle doit faire partie de la solution. Néanmoins, elle ne saurait porter seule la responsabilité d'un problème aussi multifactoriel que la pollution atmosphérique urbaine. Des auditions conduites en janvier 2014 par le Sénat ont ainsi montré que la problématique dépassait la responsabilité du transport routier et devait être étendue à l'ensemble des secteurs d'activité responsables.

Nous faisons évoluer notre production dans le strict respect de la réglementation européenne, mais les contraintes de plus en plus sévères dans ce domaine nous conduisent également à anticiper et à préparer des solutions en rupture. Le rythme de renouvellement du parc automobile est un facteur essentiel : toute aide des pouvoirs publics pour favoriser les technologies les plus récentes est bénéfique.

La Commission européenne n'a cessé de durcir la réglementation sur les échappements depuis son introduction en 1992. La réglementation dite Euro 6, qui s'applique à tous les véhicules mis en vente à partir du 1er septembre 2015, est la dernière étape de cette évolution. Au total, Renault a investi 1,5 milliard d'euros pour le passage aux réglementations Euro 5 puis Euro 6.

Entrée en vigueur en janvier 2011, Euro 5 a rendu obligatoire l'installation d'un filtre à particules sur tous les véhicules. L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) a reconnu l'efficacité de ce système fermé. L'émission de particules de plus de 23 nanomètres est réduite de 95 % en masse et de 99,7 % en nombre, ce qui positionne le diesel moderne à un niveau équivalent à celui de l'essence en matière de pollution. Concernant les oxydes d'azote, des évolutions réglementaires sont également en préparation. Enfin, nous travaillons avec la Commission européenne à une meilleure prise en compte, dans les mesures de pollution, de l'usage réel. En tant que constructeurs, nous avons besoin d'éléments précis en matière de niveau d'émission exigé et de délais compatibles avec l'adaptation de nos chaînes de production.

Certes sensibles à l'amélioration de l'environnement, nos clients ne sont pas pour autant prêts à - ou capables de - supporter le coût additionnel des solutions technologiques indispensables, en particulier pour le diesel. C'est pourquoi nous procédons à un rééquilibrage de notre offre entre l'essence et le diesel : la nouvelle Twingo ne sera disponible qu'en version essence. Nous faisons également évoluer nos moteurs essence grâce à des technologies comme l'injection directe, la suralimentation ou le downsizing. Au total, nous estimons que les ventes de véhicules essence et diesel arriveront à parité à l'horizon 2020, voire plus tôt si la tendance à la baisse des ventes de véhicules diesel se poursuit au même rythme.

La prise en compte des enjeux liés à la qualité de l'air ne doit pas nous faire perdre de vue les autres enjeux planétaires. La COP 21 nous rappelle ainsi que l'industrie automobile est attendue sur la baisse des émissions de gaz à effet de serre. Premier constructeur à se fixer des objectifs chiffrés dans ce domaine, Renault a réduit les émissions de gaz à effet de serre de ses véhicules de 12,4 % entre 2010 et 2014, soit une baisse moyenne de 3,3 % par an - c'est 10,1 millions de tonne d'équivalent CO2 évités, soit la moyenne d'émissions d'une ville européenne de 900 000 habitants.

Rappelons que la réglementation européenne impose une limite de 95 grammes de CO2 émis par kilomètre à l'horizon 2020. Or les émissions des véhicules diesel sont inférieures de 15 à 20 % à celles des meilleurs véhicules essence de gamme équivalente. Renault est devenu en 2013 le leader européen dans ce domaine en passant en-dessous des 115 grammes par kilomètres d'émissions moyennes pour les véhicules particuliers, avant de céder cette place à PSA. Ce positionnement a été reconnu par la profession, à commencer par nos partenaires Nissan, Daimler et General Motors à qui nous fournissons des moteurs. Cela concourt à l'activité des usines françaises.

La politique volontariste de Renault en matière d'environnement s'est traduite par notre engagement en faveur de la mobilité électrique, publiquement annoncé en 2008. Depuis, Renault-Nissan a investi 4,3 milliards d'euros dans cette technologie et lancé une gamme de véhicules dès la fin 2011 : la Twizy, véhicule deux places, l'utilitaire Kangoo Z.E., la Fluence Z.E. et la Zoé, fer de lance de la gamme.

Le véhicule électrique est aujourd'hui une réalité. En Norvège, il a représenté plus de 10 % des ventes en 2014, plus encore sur les premiers mois de 2015. La France occupe le deuxième rang européen en termes de ventes, avec 15 500 véhicules en 2014, et le quatrième en termes de parts de marché, soit 0,72 %. Depuis 2010, Renault-Nissan a mis sur les routes 250 000 véhicules électriques dans le monde.

Le soutien de l'État est indispensable, à la fois pour compenser les surcoûts liés à l'utilisation de cette technologie et pour inciter à mettre en place des infrastructures de charge visibles pour les consommateurs. C'est d'autant plus nécessaire que le véhicule électrique répond à la fois aux problématiques du réchauffement climatique et de l'utilisation des ressources renouvelables.

Une étude que nous avons conduite en partenariat avec ARIA Technologies et la ville de Rome montre que dans l'hypothèse d'un parc automobile comptant 10 % de véhicules électriques, avec une zone centrale à trafic limité où cette part atteindrait 20 %, les niveaux maximum de concentration baisseraient de 30 % pour les particules fines et de 45 % pour le dioxyde d'azote. Preuve qu'une action volontariste peut faire baisser fortement la concentration de polluants.

Au-delà du développement de l'offre, Renault investit également dans la promotion de la connaissance scientifique. Depuis 2013, nous finançons, en partenariat avec PSA, une chaire Mobilité et qualité de vie en milieu urbain à l'université Pierre et Marie Curie et soutenons les travaux de recherche dans le cadre du mécénat.

Quelques principes de réussite, pour conclure. Il convient d'abord de mener une réflexion en amont avec les pouvoirs publics sur les futures réglementations. Ensuite, les réglementations communautaires devraient être l'unique référence pour les mesures relatives au traitement de la pollution urbaine, afin d'éviter les incohérences et ne pas faire de la technologie un critère. Nous nous associons au communiqué publié par le Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA) et la Chambre syndicale internationale de l'automobile et du motocycle (CSIAM) à propos du système d'identification des véhicules présenté le 2 juin par le ministère de l'Environnement, qui réserve la pastille n°1 aux véhicules à essence.

Nous recommandons également la mise en place de mesures favorisant le renouvellement du parc automobile roulant, qui comptait 38,5 millions de véhicules en janvier 2015. L'âge moyen de ces véhicules est de 8,7 ans, et les 9 % les plus anciens sont responsables de 20 % des émissions de particules de diamètre inférieur à 10 microns.

Nous demandons un soutien des pouvoirs publics aux technologies de rupture, à travers des incitations fiscales et le développement d'infrastructures.

Enfin, il conviendrait d'adopter une approche intégrée du problème, en prenant en considération l'environnement d'utilisation des véhicules et l'ensemble des sources de pollution - industries manufacturières, agriculture, résidentiel et tertiaire. Le transport routier n'est pas la source principale de pollution. Grâce à notre département de recherche et développement, nous avons réduit nos émissions de 40 à 50 % en dix ans ; 70 % de notre effort de R&D a été consacré à l'adaptation aux réglementations Euro 5 et Euro 6, et 75 % de ce total concerne la France. C'est dire l'importance que Renault attache au respect de l'environnement et à la problématique de la pollution.

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