Intervention de Jean-Claude Ameisen

Commission d'enquête Autorités administratives indépendantes — Réunion du 9 juin 2015 à 16h05
Audition de M. Jean Claude ameisen président du comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé ccne

Jean-Claude Ameisen, président du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé :

Le CCNE a été créé en 1983 ; c'est le premier comité consultatif national d'éthique de ce type créé au monde. Depuis, tous les pays européens, et une grande partie des pays du monde, ont un comité semblable. L'UNESCO, la Commission européenne, le Conseil de l'Europe et l'OMS essaient, dans les pays qui n'en disposent pas encore, de le mettre en place, ce qui pose parfois des problèmes, ce genre de structure devant être indépendante en plus d'être transdisciplinaire.

Les missions du CCNE, définies par la loi relative à la bioéthique du 6 août 2004, consistent à donner des avis sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevées par les progrès des connaissances dans le domaine de la biologie, de la médecine et de la santé. C'est un champ très large. Le législateur a ajouté que le CCNE peut adjoindre des recommandations à ces avis, s'il le juge utile.

Dans la loi relative à la bioéthique du 7 juillet 2011, le législateur a ajouté qu'en cas de projet de loi portant sur le champ des missions du CCNE, celui-ci devait organiser des états généraux, des conférences de citoyens, et faire un rapport sur l'ensemble du débat public. Ce nouveau rôle, nous l'avons assumé en 2013, lorsque nous avons été saisis par le Président de la République, après la remise du rapport de la commission Sicard sur la fin de vie, le Président de la République ayant par ailleurs indiqué qu'un projet de loi serait élaboré au terme de ce débat.

Nous avons donc rendu un avis sur la fin de vie en juillet 2013, et considéré que ces nouvelles dispositions s'appliquaient. Nous avons organisé une conférence de citoyens, ce qui était nouveau pour le CCNE. Cette conférence a rendu son avis en décembre 2013.

Pour donner à ce débat un caractère plus large d'états généraux, nous avons demandé aux espaces régionaux de réflexion éthique d'organiser, selon les modalités qu'ils souhaitaient, des débats sur la fin de vie. Nous avons remis un rapport en octobre 2014 sur l'ensemble de ce débat, après plus de deux ans de discussions.

Une autre activité du CCNE a vu le jour, le Conseil d'État ayant saisi le CCNE, l'Académie de médecine, le Conseil de l'ordre des médecins et M. Jean Leonetti pour demander des observations générales sur la notion d'obstination déraisonnable, dans le cas où des personnes malade se trouvent, comme Monsieur Vincent Lambert dans un état de conscience minimale ou un état dit « végétatif ». Nous avons émis nos observations en mai 2014, et les avons rendues publiques à partir du moment où le Conseil d'État a publié son avis.

Les modalités de nomination des membres du CCNE n'ont pas changé depuis trente-deux ans. Le président est nommé par le Président de la République pour un mandat de deux ans renouvelables, sans limite. Tous les autres membres sont nommés pour quatre ans, renouvelables une fois. Cinq membres sont nommés par le Président de la République pour leur appartenance aux principales familles philosophiques et spirituelles, dix-neuf membres sont nommés pour leur intérêt ou leurs compétences dans le domaine des questions éthiques, et quinze membres sont nommés du fait de leur appartenance au monde de la recherche. Nous sommes quarante au total.

Une quinzaine d'institutions, de mémoire, participent aux nominations au CCNE, dont le Collège de France, le ministère de la santé, l'INSERM, le CNRS, l'INRA, le Conseil d'État, le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat, ce qui constitue une spécificité par rapport à d'autres comités de l'Union européenne. Nous nous réunissons en comité plénier une fois par mois. Une section technique de douze membres se réunit également une fois par mois.

Le président de la section technique et le président du CCNE nomment deux rapporteurs chaque fois qu'une réflexion est engagée. Un groupe de travail se constitue sur la base du volontariat ; il se réunit autant de fois que nécessaire, et présente l'avancement de ses travaux à la section technique, qui demande des compléments d'information ou décide que le projet peut être présenté au comité plénier. L'élaboration d'un avis peut prendre trois mois selon les sujets, voire, lorsqu'il s'agit une auto-saisine, trois ou quatre ans, l'avis n'étant achevé que lorsque le CCNE pense que sa diffusion rendra service à la société. Plusieurs avis sont élaborés en parallèle pendant l'année.

Le CCNE rencontre également une à deux fois par an l'ensemble des comités de l'Union européenne, et l'ensemble des comités mondiaux une fois tous les deux ans. Pour des raisons historiques, nous tenons une à deux fois par an une réunion trilatérale avec nos collègues anglais et allemands, ce qui nous permet de réfléchir à nos avis sous un éclairage international.

Mis à part le rapport sur le débat sur la fin de vie et les observations écrites au Conseil d'État, le CCNE a rendu cent vingt-trois avis ; ils figurent sur notre site Internet et sont tous traduits en anglais, afin de pouvoir être lus de la manière la plus large.

En ce qui concerne les modalités de fonctionnement, le budget du CCNE est inscrit sur le budget des services généraux du Premier ministre, et dépend de la direction des affaires administratives et financières. Les dépenses de personnel sont de l'ordre de 340 000 euros par an. Quatre personnes travaillent à plein temps pour le CCNE, la secrétaire générale, Marie-Hélène Mouneyrat, un documentaliste, le législateur ayant prévu un service de documentation au sein du CCNE, une secrétaire et un comptable. Depuis plus d'un an, une conseillère de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) qui est en congé spécial du Parlement nous assiste ponctuellement lors des conférences de presse ou de manifestions comme la conférence de citoyens.

Nous avons essayé de réduire le budget de fonctionnement du CCNE. Il s'élevait à 560 000 euros en 2012 ; il est passé à 500 000 euros en 2013, incluant l'organisation de la conférence de citoyens qui, après un appel d'offres limité à 130 000 euros, a représenté une dépense de près de 150 000 euros.

Le budget de fonctionnement est passé à 250 000 euros en 2014, et pour 2015, nous avons prévu 230 000 euros. Nous avons provisionné 500 000 euros pour un colloque international que nous comptons organiser dans le cadre de la COP 21, en novembre, avec nos collègues des différents comités mondiaux, en particulier les pays du sud. Nous rendrons à cette occasion un avis sur les problèmes éthiques posés en matière de santé humaine par l'érosion de la biodiversité, les atteintes à l'environnement et le changement climatique.

Nous travaillons également sur un avis qui porte sur les indications sociétales de l'assistance médicale à la procréation et, d'une manière générale, sur les questions éthiques liées à celle-ci. Nous avons, pour le cas où un projet de loi aurait été déposé sur ce sujet, demandé 150 000 euros, dans l'hypothèse où nous devrions organiser une conférence de citoyens sur ce sujet.

Tous les membres du CCNE exercent leur activité à titre bénévole. En décembre 2008, un arrêté a fixé une indemnité de 1 500 euros par mois pour le président. Quand j'ai pris mes fonctions, en novembre 2012, j'ai décidé de refuser cette indemnité pour avoir le même statut que les autres membres du comité.

Enfin, il me semble que le rôle essentiel du comité dans la réflexion publique n'est pas de se substituer à celle-ci en proposant ce qu'il convient de faire, mais d'aider la société à réfléchir, essayer de montrer la complexité des problèmes, les enjeux implicites ou méconnus et d'aider les pouvoirs publics, le législateur et l'institution judiciaire à réfléchir et à trancher en tout connaissance de cause.

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