Intervention de Jean-Claude Ameisen

Commission d'enquête Autorités administratives indépendantes — Réunion du 9 juin 2015 à 16h05
Audition de M. Jean Claude ameisen président du comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé ccne

Jean-Claude Ameisen, président du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé :

Oui, de manière totalement informelle. Elles ont été créées très récemment. Actuellement, la plupart des régions possèdent un espace de réflexion éthique.

Lorsque nous avons organisé la conférence des citoyens, la commission Sicard avait déjà tenu des débats citoyens dans une dizaine de villes. Nous avons pensé qu'il fallait y ajouter une dimension d'états généraux, et j'ai donc expliqué aux représentants de ces espaces de réflexion éthique, que j'ai rencontrés au ministère, qu'il serait utile, dans le cadre du débat public, qu'ils animent des réflexions selon les modalités qu'ils souhaitaient. Nous avons inclus ces dernières dans notre rapport sur le débat public. Une des missions de ces espaces de réflexion éthique régionaux est aujourd'hui d'animer la réflexion éthique dans leur région.

Des souhaits, j'en ai beaucoup mais, de façon générale, j'aimerais que les institutions qui nomment les membres du CCNE aient conscience de l'importance de la diversité des regards qui le composent. Je me souviens que, lors de l'audition qui a précédé ma nomination, j'avais dit à l'Assemblée nationale et au Sénat qu'un certain nombre de disciplines comme l'économie me semblaient faire défaut. Il y en a déjà eu dans le passé. L'économie est un élément important de la réflexion éthique. Nous la considérons souvent comme une contrainte externe, parce que nous avons du mal à l'intégrer.

Il faudrait également quelques membres européens francophones, afin que la réflexion éthique, en France, ne soit pas uniquement une affaire française. Ainsi, l'un de nos membres est pour la première fois un psychiatre suisse.

Il conviendrait aussi d'intégrer des personnes appartenant à des associations de malades ou de personnes handicapées. Ce n'est pas dans les critères retenus par le législateur, mais il est bon que certaines institutions admettent que ces éléments font partie de la diversité. L'anthropologie est une discipline importante dans la réflexion du CCNE.

Il est essentiel que les institutions pensent non seulement à la qualité des personnes, qui est essentielle, à leur intérêt pour le questionnement, pour l'écoute réciproque, mais aussi à d'autres contributions. Un artiste, un peintre, un écrivain apporteraient sans doute quelque chose au CCNE sur le plan de la sensibilité. Une des forces qui permet à notre réflexion d'évoluer provient de la diversité. C'est là la qualité majeure du CCNE. Plus les regards sont divers, et plus on peut penser que l'on va élaborer un avis véritablement original.

La conférence des citoyens, sur ce plan, m'a beaucoup éclairé. Le fait que des personnes différentes, tirées au sort, sur des critères qui représentent la diversité française en termes d'âge, de localisation, de profession, de niveau d'étude, réfléchissent ensemble, ont la possibilité de dialoguer avec des personnes que nous leur proposons - puis choisissent elles-mêmes les 10 personnes suivantes -, permet un phénomène d'appropriation qui constitue l' originalité de ces réflexion.

Dans notre société, le débat qui précède les décisions est vu comme un affrontement d'idées préétablies, et puis on choisit. Et le fait que le croisement des regards permette l'émergence d'une nouvelle opinion, n'est pas encore ancré dans notre mode de fonctionnement démocratique.

Par ailleurs, depuis le procès des médecins nazis, à Nuremberg, en 1947, on considère que le fait de dépasser l'expertise et d'avoir un regard transdisciplinaire ouvert est essentiel lorsque la biologie et la médecine ne se soucent pas de procédures techniques, mais du respect des droits de la personne. .

Pourtant la médecine est une activité qui, par vocation, vise le bien de la personne. Même là, ce n'est légitime que si le regard que l'on porte dépasse le regard du médecin et permet d'appréhender l'individu dans son ensemble.

Si on le fait en France dans le domaine de l'éthique biomédicale, pourquoi est-ce que dans d'autres domaines - économie, OGM, nucléaire - considère-t-on que le plus important réside dans l'avis des experts ? Pourquoi ce qui a été considéré comme indispensable en biologie et en médecine ne devrait-il pas l'être dans les autres cas ? Pour quel motif une réunion d'experts ne bénéficierait-elle pas, pour évoquer certaines questions, de la présence de philosophes, d'anthropologues, de juristes, de sociologues ?

Le CCNE n'est-il pas l'exemple de ce qu'il conviendrait d'étendre aux autres domaines ? Doit-il rester une exception ? Notre façon d'animer la réflexion démocratique ne doit pas se limiter au champ de la biomédecine !

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