Nous essayons de traiter les saisines de la meilleure façon qui soit. Nous espérons qu'un trop grand nombre n'arrivera pas au même moment. Nous le faisons en fonction du calendrier qui nous a été demandé et du temps nécessaire pour arriver à une élaboration qui nous paraisse satisfaisante. Nous ne pouvons rendre dans les temps quelque chose que nous considérons comme inutile. Souvent, nous dépassons même les délais. Le but, c'est d'aider, et pas spécialement de respecter les délais.
Il existe toujours une priorité des saisines sur les auto-saisines, et ce pour une raison simple : si nous sommes saisis, c'est que le Parlement, le Gouvernement, ou une institution estiment qu'il y a urgence. Nous considérons nos auto-saisines comme importantes, mais elles passent après les saisines. Le seul cas où nous pourrions ne pas répondre, c'est si nous considérions que le sujet est hors du champ de compétences du CCNE.
Certains avis ont été suivis d'effet immédiat ou à terme ; d'autres ne l'ont pas été ; certains sont suivis d'effet très longtemps après. Le premier avis du CCNE, en 1984, qui a été suivi de plusieurs autres, recommandait avant la première loi relative à la bioéthique de 1994 une autorisation de recherche sur l'embryon et les cellules embryonnaire en raison d'un raisonnement éthique assez simple : si l'embryon est détruit pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la recherche, mais avec la médecine, cela poserait un problème éthique de ne pas tirer de connaissances en termes de recherche à partir d'un acte dont on a décidé qu'il était acceptable.
Ce raisonnement, bien qu'il ait été développé de manière différente, n'a pas changé pendant des années au Comité, mais cela ne fait qu'un an et demi environ que le Parlement a adopté une loi en ce sens. On pourrait considérer que c'est efficace parce que le législateur a pensé que la façon de raisonner du CCNE était bonne. On peut estimer que c'est totalement inefficace puisqu'il a fallu 30 ans, mais ce n'est pas ainsi que l'on peut juger de l'utilité du CCNE. On peut le faire que si l'un de ces avis a permis d'enrichir la réflexion, de faire émerger des questions nouvelles, de s'apercevoir de la complexité de problèmes que l'on n'avait pas cernés, et de trouver une solution qui aurait peut-être été différente s'il n'y avait pas eu d'avis du CCNE.
Le service que nous rendons consiste à apporter des éléments qui aident à la réflexion et à la prise de décision. C'est en cela que je considère que nous sommes utiles.
Vous avez employé le terme de « boule de cristal » ; mais il n'en existe pas. Tout ce que l'on peut faire, c'est s'appuyer sur le passé pour essayer de se projeter dans l'avenir. Le CCNE le fait. Il est frappant - et nous l'avons écrit - que l'on ne considère le problème que lorsqu'il se pose, sans jamais l'anticiper. Dans un avis de 2007, portant sur un test génétique néonatal très particulier, nous avons considéré que les questions dont nous étions saisis seraient bientôt obsolètes du fait du prochain séquençage total du génome et, toutes les dispositions que le législateur a prévues sur le conseil génétique, le consentement libre et informé s'effaceraient, qu'il étant temps de réfléchir à ce qui allait devenir la routine.
Lorsque nous nous sommes penchés sur la question de la recherche sur l'embryon, nous avons pensé qu'il n'était pas utile d'émettre de recommandation, le CCNE ayant déjà rédigé six avis dans lesquels il recommandait les recherches. Nous avons écrit, il y a quatre ou cinq ans, qu'un des problèmes éthiques majeurs, à terme, ne serait pas celui de l'utilisation des cellules embryonnaires pour la recherche, mais de la conception d'un embryon à partir de cellules de la peau. Nous essayons de souligner non seulement les problèmes d'aujourd'hui, mais ce que pourraient être les problèmes de demain, avant qu'ils ne se posent.