Intervention de Guy Fischer

Réunion du 1er mars 2006 à 15h00
Égalité des chances — Article 3 ter

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

L'intervention que M. le ministre vient de faire préalablement à l'examen des amendements déposés sur l'article 3 ter démontre la réalité des pratiques abusives qui se sont installées.

Je connais ainsi le cas d'une jeune femme à bac + 8, stagiaire à 700 euros par mois, qui s'est vu conseiller par le DRH de préparer un mastère en management, préparation dont le coût s'élève, à l'école de management de Lyon, à 15 000 euros ! Bien entendu, ce n'est pas pour autant que cette jeune femme, qui a réussi brillamment, a pu être embauchée par un laboratoire très célèbre de Lyon.

Notre amendement vise à lutter contre le recours abusif aux conventions de stage comme substituts à des contrats de travail et à revaloriser le statut de stagiaire.

Nous nous réjouissons que M. le ministre apporte finalement aux manifestants une première réponse, car nous voulons prendre comme telle la réunion qui s'est tenue. Pour autant, nous resterons très attentifs, car, parmi les nombreuses formes atypiques d'emploi, apparaît aujourd'hui une nouvelle version : le stage.

Détourné de son objectif pédagogique, le stage et la convention qui en détermine le cadre sont devenus un mode d'embauche ordinaire, mais néanmoins abusif, pour des employeurs qui veulent profiter, bien souvent à peu de frais, de qualités professionnelles puisées dans le vivier d'un monde universitaire où la durée des études s'est accrue.

Dans un contexte de chômage massif frappant particulièrement les jeunes, les dirigeants d'entreprise utilisent le stage pour exercer un chantage dans l'accès à l'emploi et pour bénéficier d'une main-d'oeuvre bon marché, privée des garanties sociales attachées à un contrat de travail.

Nombreux sont aujourd'hui les jeunes recrutés par le biais d'un stage, parfois même sans convention, alors que, de par leur durée et leur qualité, les missions qui leur sont confiées relèvent du contrat de travail.

Les abus sont manifestes, tant dans le secteur privé que dans la fonction publique.

Comme le fait observer le collectif Génération précaire, cette multiplication des stages, en lien avec l'allongement des études, a fourni aux entreprises, administrations et associations un moyen d'éviter ou de retarder certaines embauches. C'est ainsi que des milliers de jeunes sont astreints à la précarité, sans assurance sur leur avenir professionnel et personnel, les charges reposant d'ailleurs parfois sur les familles.

L'objectif pédagogique relève en ce cas du prétexte et la convention avec les représentants de l'établissement d'enseignement et les responsables du monde professionnel, quand elle existe, ne sert que de caution.

Les stagiaires ne sont alors que des salariés déguisés, auxquels est dénié le droit au salaire, aux acquis conventionnels et aux protections sociales. Par ce procédé, les stages ne constituent plus un « tremplin pour l'emploi », mais deviennent « une forme d'emploi ».

Il faut lutter résolument contre cette dérive qui consiste à substituer aux contrats de travail des conventions de stage. Cela suppose de mieux définir l'objet et les conditions de validité des conventions pour réaffirmer le lien pédagogique entre les parties : l'employeur, l'établissement d'enseignement et l'étudiant. En luttant contre les abus, non seulement on préserve le statut émancipateur du salariat, mais on redéfinit le rôle complémentaire de la formation pratique vis-à-vis de la formation théorique.

Il est indispensable d'apporter des garde-fous légaux pour que ces périodes de découverte de l'entreprise et du monde du travail ne soient pas détournées de leur objectif pédagogique.

Le Conseil économique et social chiffre à 800 000 le nombre de stagiaires chaque année : 90 % des diplômés de niveau bac +4 et plus ont effectué au moins un stage au cours de leurs études supérieures, la moitié en ayant effectué trois ou plus.

La confusion entretenue entre contrat de travail et convention de stage permet la multiplication des statuts ambigus. Il apparaît dés lors nécessaire que le régime juridique soit adapté à cette évolution et remédie aux manquements les plus pénalisants pour la jeunesse.

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