Après l’« article Sephora » sur le travail de soirée, comme l’on dit pudiquement pour ne pas parler de travail de nuit, et l’« amendement Fnac » sur le travail le dimanche dans les commerces culturels, cet article relatif aux heures de délégation syndicale pourrait être surnommé l’« article Air France », la direction de la compagnie aérienne ayant trouvé un soutien auprès du Gouvernement pour contrecarrer par la loi une jurisprudence qui lui est défavorable.
Peut-être vous souvenez-vous, mes chers collègues, qu’Air France a tenté, en 2012, d’imposer la prise d’heures de délégation syndicale par journées entières. Le regroupement forcé des heures entravait la liberté des délégués d’organiser et de fractionner leur action syndicale en fonction des besoins et des imprévus : imaginez qu’un délégué doté de quinze heures par mois de délégation syndicale voyait son crédit utilisé en seulement deux journées ! La cour d’appel de Paris a sanctionné la compagnie aérienne pour violation de la liberté syndicale, et ordonné le rétablissement du décompte en heures au lieu du décompte en jours ; son arrêt a été confirmé le 16 avril dernier par la Cour de cassation.
Pourtant, l’Assemblée nationale a introduit dans le projet de loi le présent article, qui légalise une organisation du travail particulière en insérant dans le code des transports une disposition imposant pour le personnel navigant, sauf accord collectif contraire, le regroupement en jours du crédit d’heures de délégation. Selon nous, cet article porte atteinte à la liberté syndicale et souffre d’une inconstitutionnalité fragrante.
Puisque nous examinons un projet de loi portant notamment sur le dialogue social, il est important de savoir que neuf organisations syndicales représentant le personnel navigant d’Air France, la CGT, Sud Aérien, la CFDT, la CFTC, l’UNSA Aérien, le SNPNC, l’UNAC, le SNGAF et ALTER, ont demandé par courrier que cette mesure soit retirée du texte. Ces organisations ont des positions syndicales différentes, mais toutes estiment que la disposition prévue au présent article est une entrave au droit syndical. C’est également l’avis des auteurs de cet amendement, qui vise à supprimer l’article 7 ter.