Intervention de Marie-Annick Duchêne

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 24 juin 2015 à 9h45
Conseils d'école — Présentation du rapport d'information

Photo de Marie-Annick DuchêneMarie-Annick Duchêne, rapporteur :

La communication que je vous présente aujourd'hui est le résultat d'un travail d'information conduit depuis le mois de janvier. Il s'agissait de se pencher sur l'instance méconnue qu'est le conseil d'école, lieu essentiel de la concertation au sein de l'école et qui réunit les membres de la communauté éducative : l'équipe éducative, les parents d'élèves et les élus.

À l'occasion de mon mandat d'adjoint au maire de Versailles chargé de l'éducation, puis en tant que présidente de l'Association des maires adjoints délégués à l'enseignement des Yvelines, j'ai pu constater à quel point certains conseils d'école connaissaient un climat délétère. J'ai également pu mesurer l'insatisfaction des différents acteurs et éprouver le sentiment que le conseil d'école a de la peine à trouver sa place. Alors que la refondation de l'école place l'enseignement primaire au coeur des efforts, elle ne s'est pas accompagnée d'une réflexion sur la gouvernance de l'école élémentaire, dont l'organisation a peu changé depuis 1886. Enfin, comme j'ai pu en prendre conscience sur le terrain, le conseil d'école constitue également une bonne porte d'entrée pour se rendre compte des faiblesses de l'école primaire et de son organisation.

Afin d'élaborer un constat objectif et étayé, je me suis déplacée dans quatre départements - les Yvelines, l'Indre-et-Loire, le Rhône et le Nord - pour y rencontrer l'ensemble des acteurs : directeurs d'école, enseignants, parents d'élèves, élus, mais également inspecteurs de l'éducation nationale (IEN), inspecteurs d'académie (IA-DASEN) ainsi que des délégués départementaux de l'éducation nationale (DDEN). Au total, plus de cent vingt personnes ont apporté leur témoignage en vue de l'élaboration de ce rapport.

Le constat que j'en tire est le suivant : le conseil d'école ne constitue pas le lieu d'un échange constructif, serein et instruit.

En effet, les sujets matériels y occupent une place démesurée, quand les questions d'intérêt - c'est-à-dire celles ayant trait à l'enseignement - sont peu abordées et souvent vécues comme une intrusion par les enseignants. Alors qu'il devrait être pleinement associé à l'élaboration du projet d'école, le conseil d'école se borne le plus souvent à approuver les décisions prises en conseil des maîtres, ce qui mène certains à le qualifier de « chambre d'enregistrement ». De même, si les conseils d'école ont été amenés à élaborer les projets d'organisation de la semaine scolaire à l'occasion de la mise en oeuvre des nouveaux rythmes scolaires, la décision appartenait in fine à la commune, qui finance les activités périscolaires. Cet état de fait nourrit l'impression que les débats et les décisions y sont sans portée réelle et que l'accessoire tend à y prendre la place de l'essentiel.

Le conseil d'école n'est également pas le lieu d'un dialogue serein. Si les conflits ouverts y sont rares, les oppositions y sont nombreuses et relativement fréquentes. Des élus m'ont confié avoir le sentiment d'être face à un « tribunal », ou d'être « livrés en pâture » à des parents d'élèves ou à des enseignants agressifs. Les tensions entre parents d'élèves et enseignants, si elles ne sont peut-être pas plus fréquentes, sont de plus en plus visibles. En particulier, le développement du « consumérisme scolaire » et l'immixtion de certains parents dans les méthodes et les contenus d'enseignement alimentent la défiance. En outre, la mise en place des nouveaux rythmes scolaires a été, de l'aveu général, particulièrement douloureuse.

Enfin, le conseil d'école n'est pas le lieu d'un dialogue informé. La méconnaissance par certains élus, mais surtout par les représentants des parents d'élèves, de l'organisation et du fonctionnement de l'école élémentaire - d'ailleurs fort complexes - tend à rendre les débats stériles, quand elle n'est pas à l'origine de conflits. Il faut prendre également en compte la faible participation des parents d'élèves aux élections, qui tend à miner la représentativité de leurs délégués, ainsi que le déclin des fédérations historiques, qui jouent un rôle important dans l'information et la formation des représentants.

Ainsi, nous sommes confrontés à l'impérieux défi de donner corps à la communauté éducative et de restaurer la confiance entre ses membres : enseignants, élus et parents d'élèves. Une coopération efficace en son sein est la condition sine qua non de la réussite de la refondation de l'école élémentaire.

Mes recommandations visent tout d'abord à améliorer le dialogue et la concertation à l'échelle de l'école, par des mesures simples et pragmatiques. Sur le plan réglementaire, il s'agit de clarifier les compétences et les attributions du conseil d'école, en distinguant clairement les matières qui relèvent de sa décision et celles où il ne formule qu'un avis. Il s'agit également, en ce qui concerne le projet d'école, de mettre fin à la dichotomie entre sa partie pédagogique et celle qui ne l'est pas ; cette distinction n'a aujourd'hui plus grand sens, à l'heure où les élus comme les parents d'élèves sont des partenaires à part entière de l'éducation nationale.

Le partenariat avec les élus doit emporter leur association à la préparation des réunions du conseil d'école, notamment en imposant la transmission préalable à la municipalité de toute question devant lui être adressée en conseil d'école. En aval de la réunion, le procès-verbal doit être transmis avant diffusion au maire, qui peut y adjoindre des observations. Afin de tenir compte de la nouvelle réalité de l'école, le responsable des activités périscolaires doit devenir un membre à part entière du conseil d'école. En outre, afin de limiter l'interférence de la vie politique locale, une obligation de neutralité serait imposée aux représentants de parents d'élèves.

Je recommande également un effort important de formation des acteurs. Il s'agit de mieux informer les parents d'élèves et leurs représentants, par exemple en généralisant des initiatives qui ont fait leur preuve, à l'instar de la « mallette des parents ». Il appartiendrait ainsi au ministère de l'éducation nationale d'élaborer et de diffuser à chacun - élu, représentant de parents d'élèves, DDEN - une notice sur le rôle, les droits et les attributions de chacun. Enfin, cet effort de formation doit également viser les enseignants, afin de les sensibiliser aux enjeux et aux réalités des relations avec les parents d'élèves, ainsi que les directeurs, en vue de développer leurs compétences en matière de conduite des réunions.

Si la mise en oeuvre de ces recommandations permettrait de renouer une relation de confiance entre les différents membres de la communauté éducative, les témoignages que j'ai recueillis m'amènent à conclure que l'on ne saurait faire l'économie d'une réflexion plus générale sur l'organisation de l'école élémentaire. Du professeur des écoles en début de carrière à l'inspecteur d'académie, la quasi-totalité des interlocuteurs s'accordent pour affirmer que le fonctionnement de l'école primaire est à bout de souffle. Ce constat n'est pas neuf et les difficultés sont connues :

- l'extrême dispersion des écoles, surtout en milieu rural, qui se traduit par de fortes inégalités en matière de qualité de l'offre pédagogique et qui rend difficile le travail collectif des enseignants ;

- l'absence d'autonomie et de responsabilité des écoles, qui privilégie la centralisation extrême des décisions et rend très difficile le pilotage pédagogique de l'école ;

- la complexification de la gestion du temps à l'école avec l'imbrication croissante des activités scolaires et périscolaires ;

- le cloisonnement avec le collège, facteur de difficultés pour les élèves ;

- l'élargissement du rôle du directeur d'école, dont la charge est de plus en plus pesante et qui n'est qu'un primus inter pares, dont l'autorité ne repose que sur son charisme et son engagement.

Dès lors, quelles mesures envisager ?

Premièrement, faire évoluer le statut de directeur d'école. La publication d'un référentiel-métier, la revalorisation des indemnités et l'augmentation des décharges constituent des avancées, mais qui sont encore insuffisantes. La rénovation de leur statut doit aller dans le sens indiqué par notre collègue Jean-Claude Carle à l'occasion de sa mission d'information sur le système scolaire, c'est-à-dire vers l'attribution d'un statut comparable à celui des chefs d'établissement et une professionnalisation de leur recrutement comme de leur formation.

Deuxièmement, dans le respect des impératifs de maintien de la proximité et du lien historique avec les communes, une politique volontaire de regroupement d'écoles doit être poursuivie. La stabilisation et l'évolution des regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI) vers des schémas concentrés doivent permettre d'améliorer la qualité de l'offre éducative et de préserver les moyens humains et financiers en zone rurale.

Enfin, l'expérimentation et l'évaluation de nouvelles formes d'organisation pour l'enseignement primaire sont nécessaires.

Deux modalités principales - et complémentaires - devraient faire l'objet d'expérimentations :

- premièrement, la transformation de l'école en établissement public, sur le modèle de l'établissement public local d'enseignement (EPLE), qui concernerait particulièrement les écoles ayant une masse critique suffisante ;

- deuxièmement, la constitution de « réseaux du socle commun », réunissant l'ensemble des écoles autour du collège dont elles constituent le secteur de recrutement. Les directeurs d'école deviendraient ainsi des adjoints du principal, à la fois responsables du fonctionnement d'un site et d'un mode d'enseignement. Cette organisation, plus facile à mettre en oeuvre, moins coûteuse et pleinement en phase avec l'exigence de maîtrise du socle commun, existe déjà dans certains établissements de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Afin d'éviter la « mainmise » de l'enseignement secondaire sur le primaire, crainte par certains, il paraîtrait nécessaire d'encourager le recrutement de personnels de direction parmi les enseignants du premier degré, qui ne représentent aujourd'hui que 20 % environ des admis au concours.

Je suis consciente que ces évolutions ne prendront pas effet à court terme. Toutefois, j'ai la ferme conviction qu'elles constituent l'horizon incontestable de l'école primaire dans notre pays, afin de permettre une réelle association de tous les membres de la communauté éducative et de garantir à tous les élèves une éducation élémentaire de qualité.

Vous me permettrez de conclure mon propos par une observation hors du champ de mon rapport. À l'occasion de mes déplacements, j'ai pu constater à quel point la mise en oeuvre des nouveaux rythmes scolaires était un sujet majeur de préoccupation - voire de controverse - pour les élus, les parents d'élèves comme pour les enseignants. Quand beaucoup semblent satisfaits, certains maires, particulièrement en milieu rural, éprouvent le plus grand mal à organiser des activités de qualité. En tant que représentant des collectivités territoriales et des élus, il est de notre devoir de relayer les difficultés qu'ils rencontrent.

J'approuve tout à fait la proposition que notre présidente a formulée lors de la dernière réunion du bureau de notre commission d'adresser un questionnaire détaillé aux maires afin de faire un point le plus objectif possible de la situation, avec pour seule ligne de conduite l'intérêt de l'enfant.

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