Intervention de Anne-Yvonne Le Dain

Commission des affaires économiques — Réunion du 24 juin 2015 à 9h30
Audition de Mme Anne-Yvonne Le dain députée et M. Bruno Sido sénateur sur le rapport fait au nom de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques opecst : « sécurité numérique et risques : enjeux et chances pour les entreprises »

Anne-Yvonne Le Dain, députée, co-rapporteure :

Merci de m'accueillir dans votre commission. Députée de l'Hérault, je suis membre de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Nous avons, durant plus de six mois, réalisé plus de cent auditions, sur un sujet nous paraissant potentiellement créateur d'emplois plus que porteur de craintes. Or la question numérique est, en France, soit inexistante, soit présentée de façon inquiétante, en mettant en avant la problématique de la protection des données personnelles.

Entre l'autorégulation du secteur et son encadrement très strict, nous pensons cependant qu'il y a une voie plus positive à trouver, consistant à créer une excellence française - et même européenne - en matière de sécurité informatique. Nous avons de nombreux atouts en la matière : une solide école de mathématique, des ingénieurs compétents, des start up innovantes, des centres de recherche de premier plan, des connaissances poussées en cryptographie, cryptologie, langage informatique, codage, linguistique ... Nous devons inventer des solutions qui ne soient pas récupérées par notre premier concurrent, les États-Unis, ni par des pays comme la Russie, l'Inde ou la Chine.

Pour cela, il faut se débarrasser des préjugés et attitudes routinières, comme ceux liés à l'image des hackers. Si certains sont malveillants, d'autres sont des génies, que nous devrions être capables de mettre au service de l'intérêt commun. Certaines personnes nous ont rapporté le cas de jeunes entreprises innovantes rapidement rachetées par de grosses sociétés américaines, soit pour récupérer les technologies qu'elles développent, soit au contraire pour les neutraliser.

Nous devons, en tant que parlementaires, montrer l'exemple, personnellement mais aussi à travers nos assemblées et les collectivités territoriales dont nous sommes élus. Certaines de nos propositions vont en ce sens. Le projet de loi numérique en cours de préparation par la secrétaire d'État chargée du numérique, Mme Axelle Lemaire, devrait aborder les problématiques liées à l'usage de l'Internet. Le programme « French Tech » entend donner aux petites entreprises technologiques cherchant à se développer les moyens de le faire. Ce texte fait l'objet d'un appel à contributions sur Internet depuis une semaine environ.

Cette économie de l'Internet ne peut être appréhendée de la même façon qu'avant, en se bornant à exiger des autorisations ou fixer des contraintes. Il faut intégrer toutes ces nouveautés qui, de toute façon, vont s'imposer à nous, et faire de l'économie à partir du droit, en quelque sorte.

Nos comportements trahissent notre manque de vigilance, voire notre insouciance dans le domaine de la sécurité informatique. Il est vrai que ces enjeux n'ont longtemps pas été soulevés, l'informatique étant perçue très positivement - à raison d'ailleurs - mais sans prendre conscience de ses dangers. Et je vous rappelle qu'il y a cinq ans, un terminal comme l'IPhone n'existait pas. Il faut que nous ajustions nos modes de raisonnement à ces nouvelles réalités. Qui d'entre nous hésite à s'abonner à une messagerie électronique contrôlée par une firme étrangère ? La fluidité, l'instantanéité, la simplicité ou l'ergonomie priment sur la sécurité, la régularité et les considérations intellectuelles, morales et politiques. Qui prend le temps de réfléchir à la voie de transmission la plus sûre avant d'envoyer un message sensible ou confidentiel ? Nos propres services informatiques, au sein des assemblées, sont-ils performants en matière de sécurité ? Dans les entreprises, les postes de directeur des services informatique (DSI) sont relégués dans les services techniques, loin du comité de direction, alors qu'ils y auraient pleinement leur place. Les salariés amenés à voyager pour le compte de l'entreprise utilisent-ils à l'étranger des téléphones sécurisés ?

La question du langage est fondamentale en ce domaine. L'Éducation nationale a bien sûr un rôle important à jouer. Nous proposons, à cet égard, d'enseigner le codage dès la maternelle de façon ludique, et de développer une véritable filière d'enseignement en informatique intégrant des modules d'apprentissage des réflexes de sécurité. Il faut apprendre aux enfants à utiliser tout le potentiel, mais aussi à se méfier des technologies, dès le plus jeune âge, à cinq ou six ans. Or, aujourd'hui, l'informatique n'est pas ou peu présente dans les programmes, et en tout cas n'aborde pas les problématiques liées à la sécurité. Il faut aller en ce sens dans les écoles spécialisées et les universités. Où recruterons-nous les enseignants capables de faire passer ces messages et ces compétences ? La résistance de la communauté en place est forte : l'ancien ministre de l'Éducation nationale, Claude Allègre, s'y était heurté lorsqu'il avait cherché, il y a quelques années, à créer des postes dans le domaine des sciences et technologies de l'information. Il avait raison, en fait, comme l'a montré l'utilité des 900 postes créés par la suite à l'INRIA. Il faut aller vers des diplômes qualifiant ces compétences, mais en unifiant les différentes disciplines sollicitées.

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