Pour bien situer notre propos par rapport aux contextes international, européen et national actuels, je souhaiterais insister sur la totale symbiose existant entre le numérique et la société. En général, chacun admet ce phénomène fusionnel mais sans accepter d'en tirer vraiment les conséquences. Ainsi, il ne sert à rien d'élever des digues juridiques ou technologiques si, dans le même temps, des accords internationaux ou la réalité d'un rapport de force non encadré viennent ruiner nos efforts.
Autant une partie de notre rapport entre dans le détail des systèmes informatiques, autant il nous a paru indispensable de faire précéder cette analyse par une vision d'ensemble. Tel fut le cas pour expliquer pourquoi la négociation actuelle du traité de partenariat transatlantique et le rythme d'avancée de l'élaboration de la directive et du projet de règlement européens, ainsi que la maturation de la stratégie numérique et du projet de loi sur le numérique en France, sont en réalité étroitement liées.
Vous pouvez trouver, dans les deux premiers chapitres du rapport, les raisons pour lesquelles il est très important que les droits et libertés soient respectés dans l'univers numérique tout en veillant à protéger la souveraineté numérique de la France comme de l'Union européenne. Il s'agit là d'objectifs vitaux qui doivent primer sur la libre circulation des marchandises, l'abaissement des droits de douane ou l'instauration d'une concurrence libre et parfaite.
Vos rapporteurs se sont d'ailleurs demandé s'il ne serait pas primordial de concevoir une exception numérique d'après le modèle de l'exception culturelle et pour les mêmes raisons. En effet, l'exception culturelle a permis de conserver une industrie cinématographique française dynamique alors qu'elle aurait pu être laminée par des principes commerciaux qui prétendaient la dominer. Les cinémas d'autres pays d'Europe en ont été victimes.
De même dans le numérique, toutes les chances doivent être mises de notre côté pour que des industries françaises et européennes puissent concevoir, fabriquer, voire au moins contrôler pour les labelliser, les matériels, les logiciels, les systèmes d'exploitation, les coeurs de réseaux qui forment la longue chaîne de la sécurité numérique. Cette idée n'a pu être qu'esquissée dans ce rapport mais elle mériterait d'être développée dans d'autres enceintes et, prioritairement, de se concrétiser avant qu'il ne soit définitivement trop tard.
Je voudrais aussi attirer votre attention sur les schémas figurant dans le rapport. Beaucoup d'entre eux ont été élaborés par l'OPECST, ce qui n'est pas si fréquent. Ils nous ont semblé indispensables pour expliciter une réalité numérique multiple difficile à appréhender autrement. C'est ainsi que le schéma de l'éléphant vous permet soudain de voir que, par exemple, la perception du numérique est généralement trop parcellaire, ce qu'illustre d'ailleurs au quotidien la multitude de rapports parlementaires traitant de ce thème. En effet, beaucoup de ces études n'ont traité que d'un aspect bien particulier du numérique. Et très peu ont approfondi la question transversale de la sécurité du recours croissant au numérique par les entreprises.
C'est ainsi qu'un rapport parlementaire a analysé l'ouverture des données ou « open data », un autre le traitement des données massives ou « big data », le troisième la gouvernance mondiale de l'Internet, un autre enfin le modèle proposé par les États-Unis d'Amérique, et ainsi de suite. Face à cela, le présent rapport n'a pas pour ambition de constituer une anthologie du numérique mais de montrer que, même si cela ne saute pas aux yeux, toutes les questions évoquées à l'instant sont interdépendantes.
La sécurité numérique est présente derrière chacune d'entre elles et permet, peut-être, de reconstituer le puzzle des Internets et de tous les aspects du numérique en général, pour en faire ce que vous trouvez à la page 73 du rapport sous la forme imagée d'un éléphant.