Les règles d’assurance chômage spécifiques aux intermittents du spectacle - les fameuses annexes VIII et X de la convention d’assurance chômage - constituent un dossier complexe techniquement et, on le sait, particulièrement sensible socialement. C’est devenu d’ailleurs un sujet récurrent...
Chacun sait ici, pour avoir, sur son territoire, à gérer des établissements culturels ou à participer à la naissance et à l’épanouissement d’un festival, d’un centre de danse ou encore d’un théâtre, combien la situation des intermittents est loin de la caricature que l’on en fait ici ou là.
Chacun sait aussi la responsabilité collective que nous avons concernant le statut de ces intermittents, ou du moins ce qu’il est devenu.
Disons-le tout net, la réforme est nécessaire, car le déséquilibre comptable des annexes VIII et X est exorbitant : 1, 2 milliard d’euros pour 200 millions d’euros de recettes. Ce n’est pas tenable longtemps !
Que se passe-t-il, en réalité ? Comme Alain Dufaut l’a souligné au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication lors de la discussion générale, depuis les nombreuses années que nous travaillons sur ce sujet, nous avons pu observer que les règles légitimes, c’est-à-dire adaptées à l’emploi discontinu dans le milieu du spectacle, sont devenues un régime, puis un statut, tout à fait contestable, puisqu’il est surtout financé par la solidarité interprofessionnelle au seul titre de l’assurance chômage.
En d’autres termes, on en fait trop porter par l’assurance chômage et la solidarité interprofessionnelle. Il faut donc rétablir une certaine proportion et, surtout, mener une réflexion pour une réforme plus large, qui traite de l’emploi dans le monde du spectacle, de l’activité culturelle, plutôt que du seul paramétrage des annexes VIII et X.
C’est précisément le travail qu’a conduit notre commission avec Maryvonne Blondin, rapporteur d’un groupe de travail sur le sujet. C’est aussi le travail de la mission lancée il y a un an avec Jean-Patrick Gille, Hortense Archambault et Jean-Denis Combrexelle.
Ces missions ont bien identifié les pistes de réforme, au-delà de la seule assurance chômage. Elles ont été d’ailleurs pour partie évaluées par un groupe d’experts reconnus. C’était une première et cela a été bénéfique à l’ensemble des partenaires sociaux, qui sont en conflit depuis des années sur ces sujets.
Cette mission de concertation propose une réforme plus vaste et une partie décisive de ses préconisations est traduite dans cet article 20. C’est pourquoi notre commission de la culture a adopté une position constructive, en concertation étroite avec la commission des affaires sociales.
Cet article est utile à la réforme, il en est même un gage : la reconnaissance de règles spécifiques ne fige pas la situation actuelle ; au contraire, elle sécurise la prise en compte des conditions particulières d’exercice des professions du spectacle, dans le droit fil de ce que nous faisons depuis près de cinquante ans. Le mécanisme de consultation, plus solide que la négociation déléguée, tout en répondant à la demande des professionnels, et le réexamen des contrats à durée déterminée d’usage, les CDDU, font espérer une nécessaire remise en ordre. Enfin, la meilleure prise en compte des « matermittentes » est tout simplement une mesure de justice sociale.
Mes chers collègues, l’heure est donc à l’évaluation des pistes de réforme et à la recherche concertée des meilleures solutions, et non à la caricature.
Pour toutes ces raisons, je voterai cet article 20 tel qu’il est issu des travaux de nos deux commissions.
S’il importe d’organiser dans le cadre interprofessionnel des mécanismes d’assurance chômage mieux régulés, il faut aussi mettre en place des mécanismes de financement de la création du spectacle qui ne pèsent plus de manière aussi lourde sur la solidarité interprofessionnelle.
En d’autres termes, il faut être conscient que les pistes évoquées sont essentielles, mais qu’elles n’apporteront que des solutions partielles au problème du financement du spectacle. En effet, celui-ci nécessite une intervention publique de l’État et des collectivités, on le sait, dans un contexte de rigueur budgétaire qui s’impose à tous.
Pour l’instant, je ne vois pas de perspectives sur ce sujet plus vaste ; il faudra donc travailler à nouveau la question, peut-être dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la création.