Intervention de Marcel Deneux

Réunion du 3 mai 2005 à 21h45
Énergie — Article 10 ter

Photo de Marcel DeneuxMarcel Deneux :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais vous livrer quelques réflexions que m'inspire l'article 10 ter tel que nous l'a transmis l'Assemblée nationale.

Il faut être clair : le maintien de l'amendement Poignant concernant les éoliennes signifierait la mort de la filière en France.

En effet, si les Français sont très majoritairement favorables aux éoliennes, y compris dans les régions où elles sont déjà implantées - c'est le cas de la mienne -, ils n'acceptent pas les parcs de grandes dimensions, qui modifient trop les paysages proches de chez eux. En revanche, comme le montrent toutes les enquêtes publiques auxquelles ont été soumis des projets éoliens, les parcs de six à dix machines paraissent assez bien acceptés. Or, l'amendement adopté par l'Assemblée nationale empêcherait la création de tout parc de moins de 25 ou 30 mégawatts, soit quinze éoliennes : c'est déjà au-delà du plafond d'acceptabilité par les populations locales.

Par ailleurs, aux termes du texte proposé par l'Assemblée nationale, les préfets définiraient des zones éoliennes exclusives. Cette proposition soulève des difficultés. En effet, l'implantation d'éoliennes répond à des critères techniques et réglementaires si nombreux qu'il est impossible de définir les zones favorables sans une étude, longue et approfondie, menée par des techniciens expérimentés. La précédente disposition, qui faisait intervenir les schémas régionaux et aboutissait à identifier des zones non souhaitables pour les éoliennes, même si elle pouvait être améliorée, était beaucoup plus opérationnelle.

En tout état de cause, la définition de telles zones par l'administration prendra un temps considérable, pour un résultat incertain. Cette démarche centralisatrice est au demeurant bien peu respectueuse de la volonté qu'affiche le Gouvernement de favoriser la décentralisation.

La conséquence évidente d'une telle modification du statut de l'éolien sera l'impossibilité pour la France de respecter la directive européenne sur les énergies renouvelables. En effet, l'énergie éolienne, même si elle n'est pas la seule énergie renouvelable qu'il faille mobiliser, est la seule qui soit techniquement et économiquement à même de fournir les 25 térawattheures nécessaires pour atteindre les 21 % d'électricité renouvelable en 2010, même s'il est clair que le retard déjà pris sera difficile à rattraper. La France ferait-elle si peu de cas de ses engagements européens ?

Miser sur l'hydroélectricité ou sur le solaire est un leurre : le potentiel hydroélectrique réel se monte à quelques mégawatts, et le kilowattheure électrique solaire coûte environ douze fois plus cher que le kilowattheure éolien tout en requérant des surfaces immenses. Quant au potentiel électrique de la biomasse, il n'est pas mis en valeur, ce à quoi il faudra remédier.

Une autre conséquence du changement envisagé sera d'acculer à la cessation d'activité toute une série d'opérateurs qui ont fait confiance à la parole de l'Etat français et se sont investis dans la filière éolienne sur la base de la loi de 2001 encore toute chaude. Le délai de gestation d'un projet étant, dans le labyrinthe administratif actuel, de l'ordre de trois années, de très nombreux projets inférieurs à 30 mégawatts pourraient passer à la trappe du fait des nouvelles dispositions, sans aucun revenu possible pour les opérateurs qui ont investi des sommes importantes en études.

En tout état de cause, il serait absolument inéquitable que le délai d'application de la nouvelle loi soit trop court, car cela reviendrait à rayer d'un trait de plume plusieurs années d'efforts consentis par les opérateurs. Le délai minimal doit être d'au moins un an pour être acceptable, année au cours de laquelle les projets en cours d'instruction devront être traités par l'administration et par EDF.

Il est donc impératif, si Kyoto n'est pas un vain mot, que l'amendement Poignant soit corrigé. C'est sans doute, mes chers collègues, ce que nous allons faire.

Permettez-moi de suggérer quelques mesures favorables au développement de la filière, dans le respect des populations et des paysages.

Il faudrait d'abord renforcer les schémas régionaux existants et définir éventuellement des zones interdites.

Il conviendrait ensuite de confier en la matière les plus grands pouvoirs possible aux présidents de communauté de communes ou d'agglomération, ou, mieux, aux structures de « pays », pouvoirs s'exerçant après consultation des communautés voisines et des services de l'Etat. Qui, en effet, mieux que ces collectivités locales étendues peut définir les zones adéquates ou, au contraire, indésirables ?

Une bonne disposition consisterait également dans une nouvelle répartition de la taxe professionnelle : une part minoritaire, mais significative, reviendrait aux communes d'accueil, une part majoritaire aux communautés de communes ; une « compensation » serait reversée aux communes limitrophes.

Il serait par ailleurs indiqué de supprimer le plafond de 12 mégawatts pour l'obligation d'achat.

En outre, il serait utile de favoriser l'implantation de « fermes » d'une ou deux machines près de zones industrielles et commerciales en limitant les périmètres de protection « anti-chute ».

Le respect des délais d'instruction des permis de construire devrait être une évidence, de même que la garantie, pour ces investissements, de la pérennité de leur statut fiscal.

Enfin, le balisage aérien, qui s'avère très gênant pour les riverains au moment des enquêtes, devrait être supprimé.

Monsieur le rapporteur, je soutiendrai votre démarche, car elle va dans le sens de la plupart des suggestions que je viens de citer. C'est donc avec plaisir que les membres de mon groupe et moi-même contribuerons à améliorer ce texte, et vous pourrez compter, monsieur le rapporteur, sur notre soutien.

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