Même si ce point a sans doute été évoqué par Jean-Louis Borloo, je rappelle que le Conseil économique et social a été le premier à se pencher sur la question des stages. Présenté par M. Jean-Louis Walter, son avis met en avant des éléments qui doivent être notés : prise en compte des stages dans la formation professionnelle et reconnaissance d'un « statut » particulier par rapport au contrat de travail.
À cet égard, madame Morin-Desailly, vous avez évoqué le SMIC. Cette référence renvoie au contrat de travail. Or un stage n'est pas un contrat de travail. Sur ce point, la jurisprudence est claire.
Monsieur le rapporteur, vous avez interrogé le Gouvernement au sujet de la mission confiée à deux inspecteurs, s'agissant de la rédaction d'une charte des bonnes pratiques du stage
Je voudrais vous rappeler ce que Gilles de Robien, Jean-Louis Borloo, François Goulard et moi-même avons écrit, s'agissant de cette charte : « celle-ci devra mentionner, outre une qualification précise des stages, qu'ils soient obligatoires dans le cadre d'un cursus scolaire ou volontaires, les engagements des représentants des entreprises, ceux des représentants des établissements d'enseignement supérieur, et ceux de l'État. Elle comportera en annexe un projet de convention type de stage. Elle devra ensuite fournir des modalités statistiques permettant de mesurer précisément la réalité des stages. Elle devra enfin concevoir un dispositif de suivi précis et renforcé permettant de s'assurer des engagements des signataires. »
Plusieurs organisations sont associées à la préparation de cette charte et de cette convention type : les organisations représentant les entreprises - le MEDEF, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, l'Union professionnelle artisanale, l'Union nationale des professions libérales -, les organisations de l'enseignement supérieur - la Conférence des présidents d'université, la Conférence des grandes écoles, la Conférence des directeurs d'écoles et formations d'ingénieurs - et, naturellement, les organisations étudiantes - la Fédération des associations générales étudiantes, la Confédération étudiante, l'UNEF, l'UNI et le collectif « Génération précaire ».
Comme vous pouvez le constater, monsieur le rapporteur, le Gouvernement se préoccupe de cette question. À cet égard, je voudrais vous rappeler le calendrier.
La première rencontre a eu lieu à l'automne dernier, au ministère. Le 12 décembre dernier, M. le Premier ministre a annoncé la mise en place d'une « charte des stages » devant la Commission nationale de la négociation collective. Parallèlement, M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche, a reçu les syndicats étudiants et les représentants de l'enseignement supérieur. En outre, les organisations patronales et les cinq organisations représentants les salariés ont été reçues au ministère délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.
Ces rencontres ont abouti à un consensus sur la nécessité de développer les stages, de les reconnaître et d'en sécuriser le processus. L'idée d'une charte des bonnes pratiques associée à un dispositif de suivi a été retenue. Puis j'ai moi-même rencontré, à la fin du mois de décembre, des représentants du collectif « Génération précaire ». C'était leur deuxième rencontre avec le ministère. Une nouvelle réunion se tiendra vendredi dans le cadre de la mission confiée aux inspecteurs généraux.
J'en viens à présent à l'amendement n° 17 et aux différents sous-amendements.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 17, déposé par la commission.
Il est également favorable au sous-amendement n° 511 rectifié bis, présenté par Mme Morin-Desailly. En effet, les risques d'utilisation abusive font naturellement partie de nos préoccupations. Mais ce risque peut également être dans le temps, sauf si le stage est intégré dans un cursus pédagogique. Or certains stages, dans le cursus pédagogique, ont une durée parfois supérieure à six mois. La rédaction rectifiée du sous-amendement permet d'éviter les tentations d'abus, tout en respectant un certain nombre de cursus supérieurs à six mois.
S'agissant du sous-amendement n° 516 rectifié bis, je rappelle que le stage est associé à un projet pédagogique ; ce n'est pas un contrat de travail. Nous devons réellement, me semble-t-il, nous montrer extrêmement vigilants. Attention à ne pas passer d'une absence de cadre pour les stages, situation que nous connaissons depuis des années, à un basculement total dans le contrat de travail. Je reviendrai sur ce point, en évoquant une jurisprudence sur l'abus de stage requalifié en contrat de travail. Quoi qu'il en soit, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ce sous-amendement.
Dans le même esprit, nous comprenons vos préoccupations, madame Dini, mais nous ne pouvons qu'émettre un avis défavorable sur le sous-amendement n° 870 rectifié bis. En effet, le dispositif que celui-ci tend à mettre en place pour éviter le recours abusif n'offre aucune garantie d'efficacité.
S'agissant ensuite de la question abordée par M. Roland Muzeau dans le sous-amendement n° 874, le Gouvernement souhaite que la durée des stages longs soit prise en compte pour le calcul de l'ancienneté professionnelle dans le cadre de la négociation de branche. En effet, un tel sujet relève bien de la négociation de branche ; il appartient aux partenaires sociaux d'en définir les modalités. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ce sous-amendement, mais, je le répète, il reviendra naturellement aux branches de définir les conditions d'ancienneté. §
Le sous-amendement n° 875 m'amène à vous préciser l'état actuel de la jurisprudence et du droit en matière de stages. Il n'est pas possible de recourir à un stagiaire pour pourvoir durablement à un emploi permanent d'une entreprise sur un véritable poste de travail. D'une part, la présence en entreprise d'un faux stagiaire constitue un « délit de travail dissimulé », et l'inspection du travail est habilitée à en dresser procès-verbal. D'autre part, dans un arrêt du 16 novembre 1999, la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré que le faux stage devait être requalifié en contrat de travail. De même, le 3 décembre 2002, un nouvel arrêt a sanctionné l'employeur en se fondant sur le délit de « rétribution sans rapport avec le travail accompli » et - c'est très important de rappeler cette motivation - d'« abus d'une situation de dépendance ou de vulnérabilité », ce qui aggrave le délit ainsi constaté.
Par conséquent, la jurisprudence donne des définitions claires et apporte des éléments de protection qui répondent à votre préoccupation. Nous nous inscrivons dans ce cadre-là, et le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ce sous-amendement.
S'agissant du sous-amendement n° 876 de M. Muzeau, il peut exister des hypothèses où un stagiaire n'est pas étudiant, ni inscrit comme tel, avec le statut correspondant. C'est notamment le cas lorsqu'un jeune ayant terminé ses études a besoin d'effectuer un stage pour mieux connaître le monde de l'entreprise.
Une telle situation est encadrée par le dispositif que tend à instituer le sous-amendement n° 511 rectifié bis ; en effet, avec un tel système, la durée n'excède pas six mois. Mais, en même temps, nous n'entrons pas dans un système d'interdits qui empêcherait celui qui n'est plus étudiant d'effectuer un stage pour découvrir le monde de l'entreprise.
Cela évitera d'ailleurs certaines difficultés. Lorsque l'on évoque les conventions signées par les responsables de l'enseignement, on stigmatise souvent les entreprises. Or plusieurs rapports portant sur l'université nous démontrent qu'un certain nombre de responsables d'enseignements n'hésitent pas à multiplier les stages pour multiplier leurs étudiants. Cette réalité-là fait partie des abus. Et comme d'aucuns ont tendance à croire que seuls les uns seraient responsables, je rappelle les analyses qui ont été réalisées, notamment le rapport de M. Walter et ses travaux préparatoires.
Il nous semble donc important que la convention comporte un engagement tripartite, et que l'enseignement supérieur s'engage dans le suivi des stagiaires, qui demeure l'un des éléments faibles dans un certain nombre de cas. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ce sous-amendement.
S'agissant du sous-amendement n° 99 rectifié, votre préoccupation, monsieur Carle, rejoint totalement celle des auteurs du sous-amendement n° 511 rectifié bis. Vous soulignez vous-même un certain nombre de risques d'abus, et vous en tracez en même temps clairement les perspectives. J'aurais certes tendance à émettre un avis favorable sur votre sous-amendement, mais ce dernier devrait être satisfait par le sous-amendement n° 511 rectifié bis, et votre préoccupation sera donc prise en compte. (
J'ai déjà eu l'occasion de répondre sur le sous-amendement n° 868 présenté par Mme Dini. Je voudrais rappeler que c'est ce gouvernement qui a décidé de clarifier les modalités d'indemnisation des stagiaires en entreprise. Personne ne s'y était attaqué auparavant.
Le stagiaire n'est pas un salarié en tant que tel. Par conséquent, l'indemnisation prévue ne peut pas avoir comme références les éléments propres au salaire.
Le Gouvernement souhaite apporter au stagiaire une garantie d'indemnisation, mais également laisser aux employeurs et aux négociateurs des branches professionnelles la responsabilité d'évaluer dans le présent cadre législatif le niveau de l'indemnisation accordée, en fixant un plancher. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ce sous-amendement.
Il en va de même s'agissant du sous-amendement n° 869. Nous avons en effet une référence sur le salaire conventionnel et la grille. Nous avons parfois encore des grilles en dessous du salaire conventionnel et en dessous du SMIC, je le rappelle. Mais telle n'est de toute façon pas la motivation sur laquelle nous fondons notre opinion.
Le sous-amendement n° 871 aborde les mêmes sujets. Or nous préférons la négociation de branche à une fixation dans le cadre conventionnel ou par rapport au SMIC. L'avis est donc également défavorable.
S'agissant du sous-amendement n° 878, je pense avoir éclairé le débat tout à l'heure en rappelant la jurisprudence. Si le stage se déroule en dehors des stipulations de la convention de stage, nous entrons dans le cas du travail dissimulé, tel qu'il est défini par l'article L. 362-3 du code du travail. Je vous renvoie aux arrêts que j'évoquais à l'instant ; ils ont notamment fondé la décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation sur cet article du code. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ce sous-amendement.