Intervention de Yves Coquelle

Réunion du 24 octobre 2006 à 16h00
Secteur de l'énergie — Article 10

Photo de Yves CoquelleYves Coquelle :

Une fois de plus, vous jouez gravement avec votre pouvoir et vous alimentez dangereusement la crise de notre démocratie.

Mais revenons à l'énergie. Votre loi de 2004 avait été abusivement dénommée « loi de service public ». Et, déjà à l'époque, le service public était durement mis à mal : la poursuite de l'ouverture à la concurrence était entérinée avec l'extension des clients éligibles, et la privatisation bien amorcée avec les ouvertures de capital des deux opérateurs historiques.

La priorité était donc déjà accordée à la course à la rentabilité, à la bataille pour les parts de marché et à la recherche des hausses des dividendes.

Tout cela a trop peu à voir avec les principes de justice sociale, d'égalité d'accès pour tous, de respect de l'environnement, d'innovation technique, principes qui devraient pourtant guider l'action dans ce secteur !

C'est un désastre pour notre pays, car l'énergie n'est pas un bien avec lequel on peut transiger et que l'on peut livrer aux seuls calculs financiers. C'est une ressource dont nul être humain ne peut se passer, mais qui est pour partie en passe d'être épuisée ; elle requiert d'autant plus des choix collectifs et dégagés de la recherche de rentabilité !

Vous ne nous proposez pourtant dans cet article que la prolongation et l'aggravation de ce qui s'était tramé en 2004, dont on voit déjà les conséquences néfastes en termes de prix, d'emploi et d'aménagement du territoire, et j'en passe.

La privatisation de GDF, à laquelle l'article 10 ouvre la voie, ne pourra malheureusement qu'aggraver les logiques à l'oeuvre. Les pressions des actionnaires ne pourront que s'accroître, puisque la détention de 34 % du capital ne conférera à l'État aucun droit en matière de gestion quotidienne des affaires de l'entreprise. L'État perdra donc son droit de regard également en matière d'investissements ou de décisions stratégiques. C'est pourtant l'intérêt de l'ensemble de la collectivité qui est en jeu avec cette activité hautement stratégique qu'est le gaz. Car le gaz est non seulement une source d'énergie pour 11 millions de foyers, mais aussi une ressource indispensable pour tout un pan de notre économie ! Il contribue en outre à l'aménagement du territoire en assurant dans toutes les régions du pays, quelle que soit la densité de peuplement, une présence humaine et économique.

C'est donc un pas supplémentaire vers l'abandon de la maîtrise publique de l'énergie que l'on nous demande ici de franchir.

Quelles garanties aurons-nous, demain, sous la pression croissante des actionnaires, que GDF, entreprise nationale, pourra continuer à assurer les intérêts industriels, économiques et sociaux de la France ? Les exemples offerts par plusieurs grands groupes français, qui n'hésitent pas à avoir recours à des plans sociaux ou à des délocalisations, n'incitent pas à l'optimisme en la matière. Faut-il rappeler le comportement du groupe EADS, issu de la fusion d'un groupe public - Aérospatiale - et d'un groupe privé - Matra - dans l'affaire de la Sogerma ?

Après les autoroutes, après France Télécom, c'est une spoliation supplémentaire des biens de la communauté nationale que vous préparez, au mépris de l'intérêt général et des défis énergétiques qui sont devant nous.

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