Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 24 octobre 2006 à 16h00
Secteur de l'énergie — Article 10

Photo de Gérard LonguetGérard Longuet :

J'ai beaucoup de respect, madame Borvo Cohen-Seat, pour la mémoire de Marcel Paul, comme j'en ai pour Pierre Guillaumat, Paul Delouvrier ou André Giraud, qui a été mon collègue au gouvernement.

Mes chers collègues du groupe CRC et du groupe socialiste, vous nous parlez d'un monde qui n'existe plus. D'ailleurs, vous le savez parfaitement, puisque c'est le gouvernement que vous souteniez, celui de Lionel Jospin, qui représentait la France au Conseil européen de mars 2002 à Barcelone et qui a fixé les principes généraux des directives de dérégulation énergétique en matière de gaz et d'électricité.

Je le concède, vous avez toujours refusé la dérégulation de la consommation pour le grand public ; vous ne l'avez acceptée que pour la consommation industrielle. Quand bien même seriez-vous de bonne foi et cohérents sur ce point très particulier, je vous rappelle que la France est totalement dépendante en ce qui concerne l'énergie fossile. Elle doit donc accepter des règles du jeu qui sont notamment fixées par les pays producteurs et par les autres consommateurs.

Nous ne sommes plus dans la situation d'une économie fermée où Marcel Paul pouvait dire que l'on devait fixer les règles et s'y tenir. L'économie est désormais ouverte, et personne dans cette assemblée ne pense un seul instant pouvoir singulièrement changer cette situation.

Messieurs les ministres, je soutiendrai l'article 10. Si j'ai déposé un amendement, c'est afin de poser la question suivante : quelle est la meilleure façon de défendre l'intérêt de l'État actionnaire ?

Si nouvel ensemble il y a, la nation française, au travers de son gouvernement, en sera le premier actionnaire : 40 % appartiendront à l'État, à la Caisse des dépôts et consignations et, je pense, aux salariés solidaires d'un même projet. Quelle sera la stratégie de ce nouvel actionnaire ?

S'agissant de la défense du service public, les directives transposées laissent à la loi le soin de fixer les missions de service public. Celles-ci sont clairement définies ; elles seront supportées par l'ensemble des opérateurs et, naturellement, répercutées sur tous les consommateurs. L'État actionnaire doit donc se poser la question de savoir ce qu'il fera de sa participation et quel est son objet.

En matière d'investissement, la taille de l'entreprise commande le succès. Dans le même temps, elle suppose des moyens financiers considérables.

Je reconnais donner l'apparence d'apporter de l'eau au moulin des détracteurs du plancher, car je me pose moi-même la question de savoir comment le gérer. L'entreprise aura besoin d'argent pour acheter des parts de marché, réaliser des investissements, financer des gisements. Avec le plancher de 33 %, il n'y a que deux solutions : soit elle s'endette, soit l'État apporte de nouveaux capitaux afin de suivre son montant de participation.

Entre parenthèses, nous connaissons les conséquences de l'endettement sur France Télécom ou sur EDF. Par curiosité, mes chers collègues, comparez les capacités d'intervention d'E.ON et d'EDF. Alors qu'EDF est meilleure sur le plan de la productivité et de la rentabilité, son endettement et ses provisions font que sa capacité d'intervention est de moitié inférieure à son principal concurrent sur le marché européen.

C'est justement pour que l'entreprise dont nous serons collectivement le premier actionnaire ne soit pas demain dans une situation de faiblesse que nous avons besoin, messieurs les ministres, de connaître la stratégie de l'actionnaire : choisira-t-il la rentabilité immédiate, mais en menaçant l'autonomie de l'entreprise à moyen et à long terme, ou bien optera-t-il pour le développement ? Dans ce dernier cas, acceptera-t-il la dilution, qui, dans certaines circonstances, peut être la meilleure protection contre une OPA, comme nous l'avons vu dans des exemples capitalistes ?

Que vous le vouliez ou non, mes chers collègues, nous sommes dans un système capitaliste. Si l'État est le premier propriétaire, il doit accepter cette règle du marché qui s'impose à lui. Tel est le sens de mon amendement.

Je n'ai pas l'ambition de régler le problème GDF-Suez, mais j'aimerais en savoir un peu plus sur la volonté du gouvernement, premier actionnaire d'un premier ensemble industriel.

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