Hélas ! l'emploi du temps surchargé ou l'inutilité de la demande nous ont été opposés et bon nombre de questions sont donc restées en suspens.
Pourtant, l'enjeu est de taille : il s'agit tout simplement de savoir si les parlementaires désirent donner titre à l'actionnariat privé pour décider des modalités de la disparition de l'entreprise publique GDF et des conditions de sa fusion avec Suez. En bref, on nous demande d'autoriser une transaction dont on ne connaît ni le prix ni l'objet ! Tout est organisé pour que les remous de l'extérieur ne viennent pas perturber les discussions parlementaires. Il y aurait deux mondes hermétiques : le monde formel de la politique et celui des affaires.
Ainsi, rappelez-vous, monsieur le ministre, à la mi-octobre, vous annonciez que l'Autorité des marchés financiers allait se pencher sur les rumeurs d'OPA de l'homme d'affaires François Pinault, rumeur qui avait fait monter le cours du groupe, alors que Suez négociait sa fusion avec GDF. Vous ajoutiez que le projet d'OPA était un projet qui a eu lieu au mois de juin et est mort en septembre ; il a été exhumé, et l'AMF va regarder pourquoi et dans l'intérêt de qui. Depuis, on attend toujours ces conclusions ; autant dire qu'on ne les attend plus !
Il suffit de regarder le cours de l'action Suez pour comprendre à qui profite le crime ! Les actionnaires de Suez continuent de militer en faveur d'une revalorisation significative des termes de l'échange. Certains d'entre eux, détenant plus de 10 % du capital de Suez, ont proposé de distribuer plus de dividendes, soit de céder le pôle « environnement ». Encore une incertitude qui surgit ici !
Après le prix inconnu, autre brouillard, les contreparties exigées par Bruxelles et les concessions proposées par GDF et Suez ou l'objet inconnu.
Ainsi, nous avons appris, au cours des débats, que la Commission demandait aux groupes de céder 35 % de leur capacité d'approvisionnement en gaz, notamment par la vente de Distrigaz, filiale gazière de Suez en Belgique. L'information est venue d'un membre du conseil d'administration ; c'est dire la transparence des débats !
Ce n'est guère étonnant quand on apprend que ni le conseil d'administration ni les organismes de représentation du personnel n'ont encore été consultés sur la stratégie du futur groupe, son organisation, les prévisions industrielles, les conséquences en termes sociaux.
Il semblerait d'ailleurs, selon des responsables syndicaux, que les présidents de GDF et de Suez veulent à tout prix « cacher le plus longtemps possible la réalité de leur projet et ses conséquences pour le service public et pour le personnel ».
Pourtant, dans d'autres sphères, les informations circulent. Ainsi, les concessions proposées par les deux groupes satisfont désormais, semble-t-il, la Commission européenne. Mais, là encore, nous ne bénéficierons d'une telle information que le 14 novembre prochain, date à laquelle le projet de décision relatif aux services européens de la concurrence devrait être adopté par les commissaires européens.
Comme vous le voyez, s'agissant de la fusion entre Gaz de France et Suez, les ombres au tableau ne manquent pas.
Attachons-nous à l'unique certitude : le géant gazier qui justifiait le projet de privatisation de GDF n'existera pas, mais l'entreprise publique GDF est bel et bien en passe d'être bradée au profit du privé.
L'absence de transparence dans le déroulement des débats est le révélateur, s'il en fallait un, d'une politique gouvernementale dictée par le pouvoir du capital, déconnectée des préoccupations de nos concitoyens et des revendications salariales, et méprisante à l'égard de ce pourquoi elle devrait pourtant lutter : l'intérêt général.