Intervention de Annie David

Réunion du 24 octobre 2006 à 16h00
Secteur de l'énergie — Article 10

Photo de Annie DavidAnnie David :

Au moment même où l'on propose de privatiser GDF, nous souhaiterions revenir sur toutes les promesses qui avaient été formulées lors de l'élaboration de la loi de 2004, tant par l'ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Nicolas Sarkozy, que par vous-même, monsieur le rapporteur.

Lors de la séance du 8 juillet 2004 au Sénat, vous nous affirmiez, la main sur le coeur, que 70 % du capital d'EDF et de GDF demeurerait entre les mains de l'État et que ces deux entreprises resteraient nationalisées.

Depuis, deux années ont passé, et vous nous expliquez, là encore la main sur le coeur, que le Gouvernement maintiendra une minorité de blocage et que cette simple mesure lui permettra de garantir la maîtrise publique de l'énergie. Comment pourrions-nous vous croire ?

Je me permettrai, à cette occasion, de citer un courrier de M. Nicolas Sarkozy, ministre chargé de présenter le texte à l'époque et aujourd'hui « présidentiable », adressé le 29 avril 2004 au secrétaire général de la fédération nationale des mines et de l'énergie de la CGT :

« En premier lieu, si le Gouvernement entend bien donner à EDF et Gaz de France les moyens juridiques et financiers de devenir deux champions européens et donc soumettre au Parlement un projet de loi faisant évoluer la forme juridique des entreprises d'établissement public en société, je vous confirme que ces sociétés resteront publiques et ne seront en aucun cas privatisées. »

M. Sarkozy explicitait cet engagement en indiquant que « compte tenu de leur caractère déterminant pour les intérêts de la France, en termes de sécurité d'approvisionnement et de sûreté des activités nucléaires, l'État conservera en effet une part majoritaire du capital de ces entreprises et continuera de définir conjointement avec leurs présidents leurs orientations stratégiques. Le niveau du seuil de détention minimum par l'État d'EDF et Gaz de France est aujourd'hui fixé par le projet de loi à plus de 50 %. Je ne verrais pas d'obstacle à ce que ce seuil soit sensiblement relevé lors de la discussion au Parlement. »

En août 2004, c'est sur la base d'un engagement solennel de M. Sarkozy, selon lequel l'État détiendrait au minimum 70 % du capital des deux entreprises, que les parlementaires de la majorité votaient la loi.

Prenant le contre-pied de cette démarche de démantèlement du service public et des entreprises publiques, nous proposons, par cet amendement, que toute entreprise énergétique qui remplit une mission de service public permettant de garantir l'égal accès pour tous à l'énergie devienne propriété de l'État.

En effet, nous estimons que l'expérience d'ouverture du capital de ces entreprises est loin d'être concluante en termes de qualité du service public et qu'il nous faut maintenant envisager un système qui permettrait de garantir les intérêts des usagers plutôt que ceux des actionnaires.

Je souhaiterais maintenant revenir sur les fondements de la réflexion qui nous a amenés à présenter cet amendement.

Les services publics se trouvent aujourd'hui dans une situation paradoxale, notamment à l'échelon communautaire. En effet, dans une communication datant de 1996 sur les services d'intérêt général en Europe, la Commission européenne a reconnu que « les mécanismes de marché présentent parfois leurs limites et peuvent risquer d'exclure une partie de la population ».

Pourtant, cette observation intéressante n'a pas conduit la Commission européenne à modifier sa position, puisqu'elle a réaffirmé aussitôt son credo libéral, en indiquant que « les services d'intérêt général de caractère économique sont en principe soumis aux règles dont la Communauté s'est dotée pour établir un grand marché », autrement dit à la libre concurrence.

Malgré ces contradictions évidentes, c'est cette logique qui est retenue dans le présent projet de loi, qui tend à privatiser l'opérateur public GDF et à permettre une ouverture encore un peu plus importante du marché.

Comment ne pas reconnaître que c'est le statut public d'EDF et de GDF qui a permis la mise en oeuvre d'une politique énergétique appelant le développement économique du pays au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ? C'est à cette époque qu'EDF et GDF ont mis en place les moyens permettant l'accès de tous à l'énergie, grâce à une politique d'équipement des territoires ruraux et à la péréquation tarifaire.

Si, aujourd'hui, la France pratique les tarifs les plus bas en Europe, c'est grâce à la maîtrise publique de la politique énergétique, grâce aux établissements publics EDF et GDF. Ceux-ci ont en effet consenti des investissements dont la rentabilité n'a pu être qu'un objectif à long terme ; je veux parler de la politique de production nucléaire d'électricité. C'est grâce au statut public d'EDF qu'a pu être engagée la construction des centrales nucléaires, qui nous permettent aujourd'hui de bénéficier d'une véritable indépendance énergétique. C'est grâce au statut public d'EDF et de GDF que nous faisons partie des « bons élèves » au regard de l'application des accords de Kyoto.

En effet, parce qu'ils ne sont pas soumis à l'exigence de rentabilité à court terme que doivent respecter les entreprises privées, les établissements publics ont pu s'engager dans cette politique, répondant ainsi aux besoins du pays, dans des conditions acceptables pour tous. Seules des entreprises publiques pouvaient accomplir cela.

Tel est le sens de cet amendement, pour lequel nous demandons un scrutin public.

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