Intervention de Heidi Charvin

Commission d'enquête Réalité du détournement du crédit d'impôt recherche — Réunion du 4 mai 2015 à 16h00
Table ronde de syndicats de chercheurs

Heidi Charvin, membre du Secrétariat National du Syndicat national de l'enseignement supérieur (SNESUP - FSU) :

Sur l'asséchement des fonds dédiés à la recherche publique, c'est un élément préoccupant dans les EPSCT : le fait que la recherche industrielle soit un élément central de financement, y compris par les appels à projet, entraîne une désertification de la recherche fondamentale et des secteurs non industriels. Or, si un certain nombre de rapports insistent sur l'importance de développer de hautes compétences dans les secteurs tertiaires et quaternaires, il faut pouvoir assurer une formation de haut niveau sur l'ensemble du territoire. L'industrie ne correspond qu'à 13% des emplois : l'ensemble des autres secteurs doivent continuer à évoluer pour se maintenir sur le plan mondial et, tel que les financements sont actuellement organisés, nous voyons des pans entiers de recherche en difficulté, avec des carences de recrutement. On peut penser que les répercussions à moyen et long termes seront non négligeables, tant sur l'emploi que sur la compétitivité.

Quant au décrochage de la France par rapport à l'Allemagne, les vidéos du colloque national sur le doctorat qui a eu lieu il y a quelques semaines sont relativement édifiantes. Les représentants de grandes entreprises semblent considérer que le doctorat n'est pas un diplôme de premier plan et ne comprennent pas que les ingénieurs ne soient pas plus reconnus au plan international, au contraire du doctorat, qui, dans le monde, est considéré sanctionner la plus haute compétence. Il est quand même surprenant que les chefs d'entreprise français ne se posent pas la question de savoir pourquoi le doctorat est une référence au plan international. Quand l'embauche de docteurs est finalement envisagée, c'est celle de doctorants allemands. L'explication donnée, c'est que les docteurs allemands ont été sélectionnés, contrairement aux docteurs français issus de la formation publique française plus ouverte. Il y a une réelle méconnaissance de la sélection qui existe à l'université. Pour donner un exemple de mon domaine, la psychologie, il y a en première année 800 étudiants. Seuls 80 étudiants rentrent chaque année en master et deux ou trois docteurs sont diplômés chaque année. S'il n'y avait pas de sélection, comment expliquer un tel resserrement ?

Je précise que je ne mets pas en concurrence docteurs et ingénieurs, chacun d'entre eux ont des compétences complémentaires. Mais la capacité des premiers en termes d'analyse critique, de réflexion ou de synthèse n'est pas reconnue par la plupart des chefs d'entreprise. Un des arguments donnés dans ce colloque était le suivant : nous disons à nos ingénieurs d'obtenir un doctorat car il importe qu'ils développent leurs aptitudes en matière d'expression écrite et orale. On peut comprendre, à partir de là, pourquoi un certain nombre d'entreprises françaises sont vieillissantes, et pourquoi elles souffrent d'un retard d'équipement et d'innovation par rapport à leurs concurrentes internationales. Tant qu'il y aura aussi peu d'embauches de docteurs dans les entreprises, il existera sans doute une carence au détriment de la R&D. Le CIR doit donc être orienté, en étant conditionné à l'embauche de docteurs.

Je précise que le monde économique est aujourd'hui très présent dans les universités. La loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche (ESR) a ouvert la possibilité de faire une thèse par validation des acquis. En bénéficieront les ingénieurs qui feront valoir les acquis de leur expérience, et qui ainsi, au lieu de trois ans minimum, ne feront que deux ans de formation, sans aborder la recherche fondamentale s'ils sont en apprentissage. Or, c'est cette dernière qui est centrale dans le renouveau au sein des entreprises.

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