Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 24 octobre 2006 à 16h00
Secteur de l'énergie — Article 10

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

C'est précisément parce que le secteur de l'énergie est vital pour les individus comme pour l'économie qu'aucun État européen ne peut supporter la mise en faillite des entreprises d'électricité et de gaz. On n'oubliera pas, de ce point de vue, la recapitalisation, au Royaume-Uni, de British Energy.

Pour cette raison, la nation française a fait le choix du statut d'établissement public, qui permet simultanément de se doter d'outils industriels pour mettre en oeuvre la politique énergétique française et pour préserver ainsi un secteur aussi vital pour l'économie.

Quels sont donc les arguments que l'on invoque pour justifier l'ouverture du capital de ces entreprises ?

En 2004, vous vous fondiez sur la situation financière d'EDF, l'objectif étant de la faire bénéficier des fonds nécessaires à son développement.

Curieusement, un tel raisonnement ne peut s'appliquer à GDF, dont les résultats sont florissants en France grâce aux marges réalisées sur le prix du gaz, marges historiques au regard des bénéfices semestriels annoncés.

En effet, je le rappelle à l'intention de notre collègue Jean-Pierre Fourcade, les dividendes reversés aux actionnaires sont en augmentation de plus de 60 %. Autant d'argent qui ne va pas au financement de l'entreprise !

Cette hausse exceptionnelle s'explique tout simplement par la promesse de M. Sirelli de doubler les dividendes d'ici à 2007, promesse contenue dans la lettre qu'il a adressée aux futurs actionnaires lors de l'ouverture du capital de GDF.

On le voit, l'augmentation du prix du baril sert également à masquer ces hausses de profits spectaculaires.

Pourtant, à l'échelon européen, les investissements à réaliser d'ici à 2020 sont chiffrés à 350 milliards d'euros dans le secteur du gaz. Les marchés financiers sont inefficaces pour fournir de tels niveaux de capitaux, dont la rentabilité ne peut s'évaluer que sur des dizaines d'années. C'est « ringard » de penser comme vous pensez, monsieur Fourcade, alors que nos propositions, elles, sont modernes !

Pour toutes ces raisons, nous estimons que la maîtrise du gaz doit rester publique et que, par conséquent, l'entreprise GDF doit retrouver le statut qui était le sien avant la loi de 2004, celui d'un EPIC, un établissement public à caractère industriel et commercial.

Du reste, celui qui était alors ministre de l'économie et des finances en 2004, déclarait qu'EDF et GDF étaient de grands services publics et qu'ils ne seraient pas privatisés. Peut-être avait-il pris à l'époque la mesure de la force que représente une entreprise publique. Pourtant, voyez à quelle bagarre doivent aujourd'hui se livrer les membres du groupe CRC aux côtés de leurs collègues socialistes !

Voilà quelques mois, le Conseil d'État a réaffirmé que GDF était un grand service public national. Pourquoi revenir sur ce constat aujourd'hui ?

De plus, aux termes de l'alinéa 9 du préambule de la Constitution de 1946 : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert des caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. »

En toute logique, GDF doit donc rester propriété de l'État, toute loi proposant sa privatisation étant, de fait, inconstitutionnelle. Ces arguments ont été rappelés lors de l'exposé de la motion référendaire et de celle tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Il faut donc, pour le Gouvernement, assumer clairement son objectif : faire adopter une loi inconstitutionnelle de privatisation de GDF.

Nous estimons, pour notre part, qu'il est nécessaire de soumettre ce texte au peuple et d'y consacrer les débats nécessaires. En effet, ni les parlementaires ni le Gouvernement n'ont la légitimité pour faire entériner à toute vitesse une loi, avant même que les termes du débat ne soient fixés. Pour cette raison, nous pensons que toute loi de privatisation de l'entreprise GDF doit faire l'objet d'un référendum populaire.

J'ajouterai que cette course de vitesse pour brader les fleurons de notre industrie - d'abord, France Télécom, puis Air France, et maintenant GDF - va mal se terminer. Ces privatisations se sont toujours faites au détriment des usagers, qui ont vu exploser la tarification pour l'accès à ces services.

Vous ne pouvez pas demander systématiquement au Parlement de vous faire confiance sur des projets plus que hasardeux. Je ne reviendrai pas, par exemple, sur la situation actuelle de France Télécom.

Votre projet de privatisation est plus que périlleux. Les contreparties demandées par Bruxelles reviendraient à donner au nouveau groupe une importance aussi grande que celle dont dispose déjà GDF. Votre justification pour privatiser l'entreprise publique est alors fallacieuse et ne peut permettre l'adoption de ce texte.

Nous ne pouvons débattre dans ces conditions. Les parlementaires et les citoyens doivent disposer de l'ensemble des informations avant d'émettre leur avis en connaissance de cause.

Pour toutes ces raisons, nous soutenons que la privatisation de GDF ne peut se faire à la hussarde, que les enjeux liés à la politique énergétique sont stratégiques et revêtent une importance telle que la décision doit revenir directement aux citoyens. En effet, ces entreprises appartiennent à la nation et, donc, aux citoyens eux-mêmes. La décision de les brader aux intérêts privés ne saurait être prise sans leur accord.

Pour toutes ces raisons, nous réclamons la mise en oeuvre d'un référendum concernant la privatisation de GDF. Et nous demanderons un scrutin public sur cet amendement.

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