Intervention de Michel Berson

Commission d'enquête Réalité du détournement du crédit d'impôt recherche — Réunion du 7 mai 2015 à 13h55
Audition de M. Christian Eckert secrétaire d'état au budget auprès du ministre des finances et des comptes publics

Photo de Michel BersonMichel Berson :

Avant de mettre le doigt sur un certain nombre de problèmes qui à l'évidence se posent, je voudrais tout d'abord faire une réflexion d'ordre général. Nous menons une enquête sur une dépense fiscale qui avoisine les six milliards d'euros, soit une somme considérable, la deuxième dépense fiscale du budget de l'État après le CICE. Ces six milliards d'euros doivent être comparés aux 16 milliards d'euros de dotation budgétaire de la recherche. L'État consent à un double effort : de 16 milliards d'euros pour la recherche publique, et de six milliards d'euros pour la recherche privée qui s'élève à 30 milliards d'euros. On comprend que le CIR soit un sujet passionnel, qui fasse l'objet de beaucoup de débats, quelques fois déraisonnables. Mais c'est certainement l'un des débats sur lesquels le Parlement intervient le plus fréquemment.

L'État doit inciter à et soutenir la recherche publique et privée, mais où placer le curseur entre l'effort en direction du public et celui en direction du privé. J'ai le sentiment que, depuis un certain nombre d'années, nous ne nous posons pas cette question, et c'est la raison pour laquelle nous avons ces débats parfois vifs sur le CIR. Quel est votre sentiment, M. le ministre, sur ce sujet ?

Les auditions auxquelles nous nous livrons font apparaître qu'il est inenvisageable de supprimer un dispositif dont l'efficience et l'efficacité sont avérées, même s'il est difficile de les mesurer. Mais une difficulté réside dans le fait que le dispositif est universel, concerne toutes les entreprises, quelle que soit leur taille ou leur branche. La pertinence du CIR pour Carrefour, Darty, des maisons d'édition ou l'audiovisuel, sans parler des banques et des assurances, pose problème. Certes, le cadre juridique, constitutionnel et européen ne facilite pas le règlement de cette question. Qu'est-ce qui est le plus efficace ? Avoir un dispositif universel, du type du CIR, ou avoir une politique de subvention ciblée sur certaines branches et filières, comme dans le cadre des 34 plans de la France industrielle ?

Le CIR est beaucoup plus utile, efficace et efficient pour les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) que pour les grands groupes industriels. Je schématise, le CIR revient pour un peu plus d'un tiers aux PME (moins de 250 salariés), un peu plus d'un tiers aux ETI (de 250 à 5 000 salariés) et un peu moins d'un tiers aux entreprises de plus de 5 000 salariés. La limite des 100 millions d'euros déclenchant l'application des 5 % permet de plafonner et maîtriser le CIR dans les grandes entreprises. Mais l'effort ne devrait-il pas être encore plus important pour les PME au détriment le cas échéant des grandes entreprises ? Des responsables de grandes entreprises nous ont dit qu'ils ne seraient pas choqués que nous incitions davantage à la recherche au niveau des PME et ETI plutôt qu'au niveau des grandes entreprises.

Ma dernière question est un peu plus technique. À l'heure actuelle, la sous-traitance pose problème. Des entreprises sous-traitent des dépenses de recherche. Ces dépenses sont plafonnées. Ce ne sont pas ceux qui effectuent la recherche qui déclarent et bénéficient du CIR, mais les donneurs d'ordre. N'y aurait-il pas, sur ce sujet-là, nécessité de faire évoluer le dispositif, dans le sens où ce serait celui qui cherche qui bénéficierait du CIR et où, par là-même, seraient beaucoup plus aidées les PME qui sont principalement sollicitées pour sous-traiter des opérations de recherche à la demande des grands groupes ?

Le contrôle est effectué de deux façons : par un agent de l'administration fiscale et par un expert du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Seul l'expert est en capacité de dire si la dépense relève ou non de la recherche. Toutes les auditions ont montré que nous manquons d'experts et que, par conséquent, le contrôle n'est pas conduit de manière satisfaisante. Lorsque ces experts participent au contrôle, ils le font dans leur bureau : pas de contrôle sur place. Le débat contradictoire n'intervient qu'entre l'entreprise et l'agent de l'administration fiscale, mais pas entre l'expert et le chercheur de l'entreprise, et c'est un vrai problème. Il y a un dialogue, mais il ne s'agit pas d'une véritable procédure contradictoire, la contre-expertise n'est pas non plus de droit. Des moyens supplémentaires devraient être, à mon sens, mis à la disposition du ministère pour que davantage d'experts soient en capacité de réaliser leur analyse non pas en chambre mais sur place.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion