Intervention de Christian Eckert

Commission d'enquête Réalité du détournement du crédit d'impôt recherche — Réunion du 7 mai 2015 à 13h55
Audition de M. Christian Eckert secrétaire d'état au budget auprès du ministre des finances et des comptes publics

Christian Eckert, secrétaire d'État :

Le secrétaire d'État au budget n'est pas nécessairement expert de tout, et il y a un certain nombre de questions sur lesquelles je ne serai pas en mesure d'apporter tous les éléments de réponse, notamment s'agissant du nombre des experts mis à disposition par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et de la méthode de leurs interventions. J'évoquais la création de cette instance de conciliation qui permettra, je crois, d'améliorer le dispositif.

En ce qui concerne les sous-traitants, le plafond de deux millions d'euros est parfois porté à dix en fonction des liens de dépendance entre les sociétés. Faire sauter ce plafond relèverait la dépense de plusieurs centaines de millions d'euros. Nos estimations se situent entre 400 et 700 millions d'euros de dépenses supplémentaires. Ce n'est pas le seul argument. Dans les échanges qu'il peut y avoir entre une entreprise et son sous-traitant, il existe aussi la marge que facture le sous-traitant. Faire porter le CIR sur la marge du sous-traitant interroge. L'administration, dans son instruction fiscale de 2014 mise en cause, n'a fait que reprendre les termes de la loi. Si un changement devait avoir lieu, il devrait intervenir par voie législative. Je n'y suis pas a priori très favorable, il y a un élément budgétaire important à prendre en compte.

Ciblage ou pas ciblage ? Une question vieille comme le monde, que l'on pose également et même plus pour le CICE. Seriez-vous absolument certain que la subvention répondrait forcément aux impératifs des contrôles et de la bonne égalité de traitement de chacun conformément aux règles européennes et autres ? Je n'en suis pas du tout certain. Je pense que nous avons là un dispositif plutôt ciblé, avec certainement des effets de bord que l'on peut contester. Le dispositif qui est complètement universel a priori, c'est l'impôt. Le CIR, dans la mesure où il porte sur certaines opérations, est forcément déjà plus ciblé que l'impôt. L'est-il suffisamment ? Chacun peut se faire sa propre doctrine. En matière de curseur entre le public et le privé, nous estimons, en 2012, que les dépenses privées de R&D s'élèvent à 30 milliards d'euros.

Nous étions, en 2008, à 4,5 milliards d'euros de créance de CIR. En 2012, nous sommes à 5,3 milliards d'euros. Les dépenses de R&D ont augmenté de plus du double de l'augmentation du CIR. Les courbes montrent bien que l'augmentation des dépenses de R&D est plus importante que celle du CIR, y compris en pourcentage. En 2011, les dépenses de CIR ont augmenté de 3,4 % ; l'assiette a, elle, augmenté de 4,1 %. L'écart est encore plus important en 2012 puisque la créance de CIR a progressé de 3,5 % quand les dépenses ont augmenté de 5,2 %.

En ce qui concerne la question de l'optimisation et des filiales, je dois quand même préciser qu'il existe beaucoup de groupes pour lesquels le taux de 5 % s'applique. Certes, vous trouverez des groupes disposant de plusieurs filiales dont les dépenses respectives de R&D permettent l'obtention du CIR à hauteur de 30 %, mais, dans la plupart des groupes, vous trouverez des dépenses excédant largement 100 millions d'euros pour beaucoup de leurs composantes. Vous devrez examiner cela très attentivement. Je n'en dirai pas plus car le nombre d'entreprises concernées étant assez faible, on peut les identifier assez vite, je dois donc m'en tenir là.

S'agissant des dépenses de R&D effectuées à l'étranger qui pourraient être éligibles au CIR, elles représentent 1,32 % du montant du CIR. Ces cas sont tout de même très marginaux. C'est moins d'1,5 % des dépenses de R&D donnant lieu au CIR qui sont effectuées à l'étranger.

Des entreprises réalisant de la R&D en France, bénéficient du CIR, puis vont exploiter les résultats de cette recherche à l'étranger. C'est une question qui dépasse le cadre du CIR : c'est la question de la compétitivité, non plus de la partie R&D, mais de la partie production. Les efforts du Gouvernement concernant la compétitivité-coût de la main d'oeuvre se manifestent sur différents types d'impôt, notamment par la mise en place d'un certain nombre d'allégements d'impôts ou de cotisations que le Parlement a bien voulu accepter.

Pardonnez-moi de ne pas avoir pu répondre à l'ensemble de vos préoccupations, nous le ferons par écrit.

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