Je suis honoré de vous présenter le dispositif du crédit impôt recherche. Scientifique de formation, je dirige la DGRI depuis trois ans. Je suis accompagné de M. Jamet, issu du monde de l'industrie, puisqu'il a longtemps dirigé la valorisation d'une grande société du numérique et de Mme Sachwald, économètre, impliquée dans l'évaluation et la conception même du CIR.
Je précise d'emblée que je suis convaincu que le CIR, renforcé depuis 2008, est utile et efficace. Cette incitation fiscale aux activités de recherche et développement (R&D) des entreprises est étroitement liée au développement de la recherche publique en France. Les scientifiques que nous formons dans nos laboratoires ont vocation, en effet, à irriguer tous les secteurs d'activité, publics comme privés, y compris la haute administration. Tel est l'esprit de la loi du 22 juillet 2013. Tel est l'objectif de l'action du Gouvernement, à travers les conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) par exemple. En soutenant l'industrie, nous offrons des débouchés à nos chercheurs. Le soutien à l'industrie est un volet du financement des laboratoires publics. Si nous chercheurs ne trouvent pas leur place en entreprise nous aurons manqué notre mission.
Le premier objectif est d'accroître la recherche des entreprises. La recherche a des conséquences positives pour les entreprises, en favorisant l'innovation et les gains de productivité. Au niveau macroéconomique, elle a un impact positif sur la croissance et l'emploi. La recherche publique en bénéficie aussi, grâce aux postes de chercheurs en entreprises créés et aux contrats pour les laboratoires publics. Outre les gains directs qu'elle procure aux entreprises, la recherche privée est source de gains indirects, liés aux externalités. L'innovation se diffuse dans le tissu économique, grâce aux spin-off par exemple. Les analyses empiriques montrent que le rendement social des dépenses de recherche est supérieur au rendement privé pour les entreprises. Or, dans notre pays, les entreprises tendent à sous-investir dans la recherche et le développement. Le CIR, à la différence du crédit d'impôt innovation, les incite directement à investir en ce domaine.
Tous les pays performants en matière de recherche et développement conjuguent aide à la recherche publique et aide à la recherche des entreprises. Historiquement, en France, la majeure partie des aides a été constituée de subventions. Notre rapport Développement et impact du CIR entre 1983 et 2011, publié en avril 2014, montre qu'en 2014 l'ensemble de notre aide à la R&D, CIR et subventions confondus, représentait 0,37 % du PIB, soit un niveau comparable à celui des années 1990. Ainsi, après une baisse des aides dans les années 2000, due à leur réduction dans le secteur de la défense, le niveau de l'aide tend simplement à retrouver son niveau des années 1990. Il ne s'agit donc pas d'une explosion des crédits en faveur de la recherche, comme on le lit parfois dans la presse...Toutefois, il y a eu un basculement des aides directes vers les aides indirectes, et le CIR est devenu le principal instrument de cette politique.
Toutes les entreprises qui font de la recherche et développement, quelle que soit leur taille, sont éligibles au CIR. Le renforcement du CIR a été très attractif : plus de 20 000 entreprises déclarantes en 2012, contre 5 800 en 2003, dont 11 600 PME. Il bénéficie davantage aux PME que les autres aides aux objectifs très ciblés, telles que les aides en faveur des jeunes entreprises innovantes, du financement de la recherche collaborative, ou les crédits d'aide à l'innovation de la Banque publique d'investissement (BPI). Toutefois, le CIR peut s'ajouter à ces aides. Ainsi, les PME bénéficient d'un taux de financement public de leurs dépenses de R&D de 48 %, supérieur à celui des grandes entreprises, de 23 %, même si les volumes versés à ces dernières sont plus importants, car elles représentent plus de 60 % des dépenses totales, soit 29 milliards d'euros en 2012. Avec 843 millions d'euros perçus au titre du CIR, l'industrie électrique et électronique reste le premier secteur bénéficiaire, devant le conseil et l'assistance informatique (633 millions d'euros), puis la pharmacie et la parfumerie (plus de 500 millions d'euros), l'architecture et l'ingénierie (quelque 230 millions d'euros). Cette répartition est due à l'entrée de nombreuses PME du numérique et du secteur de l'ingénierie depuis 2008, qui travaillent d'ailleurs souvent pour les industries manufacturières.
Pour évaluer les effets du CIR, nous avons constitué des groupes de recherche et d'économètres qui se sont inspirés des bonnes pratiques en matière d'évaluation des politiques publiques. La commission nationale d'évaluation des politiques d'innovation (CNEPI), mise en place par le Gouvernement il y a quelques mois, sera aussi saisie. Elle est présidée par M. Pisani-Ferry et Mme Frédérique Sachwald y participe. Le but consistait, comme pour toute étude d'impact, à établir un point de comparaison. Le ministère a d'abord cherché à prendre en compte l'impact de la désindustrialisation sur les dépenses de recherche et développement, en mesurant l'intensité de la recherche et développement en fonction du PIB. Ensuite, il a demandé à des chercheurs d'isoler, par des analyses économétriques, l'effet du CIR des autres politiques publiques.
Ces travaux montrent l'effet incitatif du CIR : lorsqu'une entreprise perçoit un euro au titre du CIR, elle dépense un euro en plus pour le R&D. Il s'agit bien d'un effet additif, et non d'un effet d'aubaine. En outre, cet impact se serait renforcé depuis 2004. Depuis 2008, les entreprises ont intensifié leurs dépenses de recherche et développement dans de nombreux secteurs. Au niveau national, l'intensité en recherche et développement a augmenté, en dépit de la désindustrialisation, pour atteindre 1,44 % du PIB en 2012, soit le haut niveau historique. De surcroît, le CIR se conjugue avec les autres mécanismes en faveur de l'innovation : pôles de compétitivité, instituts Carnot, jeunes entreprises innovantes (JEI). En conséquence, le nombre de chercheurs employés en entreprise s'est accru, de 125 000 en 2007 à plus de 160 000 en 2012, selon une pente croissante. De même, le CIR s'accompagne d'un développement de la recherche partenariale. Le montant des contrats pour les laboratoires publics est passé de 220 millions d'euros en 2008 à 450 millions d'euros en 2012. L'évaluation du CIR sera au programme de la CNEPI en 2015. D'autres travaux sont en cours pour mesurer l'impact sur le recrutement de chercheurs en CDI ou pour comparer le CICE et le CIR. Bref, un ensemble d'études nous permet de mieux évaluer l'efficacité de ces quelque 5,3 milliards d'euros de dépense fiscale.