La déception dont je faisais part tout à l'heure ne portait pas uniquement sur le CIR, mais également sur l'impact sur l'innovation : tous les indicateurs montrent que les entreprises françaises n'arrivent pas à progresser sur le plan de la compétitivité innovatrice - hors prix, comme le disent certains - pas même par rapport à leurs homologues ou concurrentes européennes.
C'est sur ce point que je voulais intervenir ; le débat qui a eu lieu démontre que l'évaluation du CIR, d'une certaine manière - même si ce n'est pas l'objet d'une commission parlementaire - ne peut échapper à la question de ses effets sur l'économie en général, que ce soit sur l'innovation, l'emploi, etc.
Malgré tout, j'ai lu en différents endroits que la faible progression des dépenses de recherche et développement constitue en fait une formidable explosion des dépenses de recherche et développement si l'on prend la structure du PIB et la place de l'industrie telle qu'elles existaient il y a quinze ans. J'inverserai plutôt l'argument : les causes de la désindustrialisation, qui viennent d'être plus ou moins nuancées, mais qui sont cependant réelles, sont multiples, mais la perte de compétitivité de l'industrie tient, au moins en partie, à cette faible ou insuffisante compétitivité hors prix.
Pour moi - et j'ai essayé de le démontrer dans un travail avec ma collègue Catherine Sauviat - c'est sur la compétitivité hors prix, en particulier l'innovation, que se fait la différence.
La désindustrialisation est, d'une certaine manière, la conséquence de l'effort insuffisant d'innovation, et voilà qu'aujourd'hui on reconstruit à l'inverse une situation fictive où l'on imagine que l'industrie française occupe la même place en 2015 qu'en 2000. On nous dit qu'à structure égale, les entreprises françaises sont formidablement intensives en recherche et développement. Je pense qu'on inverse encore une fois l'effet et la cause : la désindustrialisation est une conséquence de l'insuffisance d'innovation, et non la cause de cette progression simulée des dépenses de recherche et développement.
Je ne me prononcerai pas sur la question de l'emploi. Je pense que les études de cas sont indéniables, ainsi que les observations sur le terrain. Je voulais poser le problème général soulevé par un certain nombre d'études et qui, selon moi, mérite d'être abordé, d'autant que, ainsi que vous l'avez souligné, monsieur le président, la définition et la qualification des dépenses de recherche et développement par rapport aux dépenses d'innovation est un sujet difficile. Ce n'est pas seulement une question de fraude ou d'optimisation fiscale, mais dans la nature même de la recherche et développement qu'il existe une ambiguïté.