L'article 10 du projet de loi, dont nous demanderons d'ailleurs qu'il soit mis aux voix par scrutin public, prévoit d'abaisser le seuil légal de la participation de l'État de 70 % à un tiers du capital de Gaz de France. Il est l'illustration du peu de poids des engagements de la majorité en matière de préservation du secteur public de l'énergie !
Nous avons déjà cité les propos tenus par M. Nicolas Sarkozy en 2004. Celui qui était alors ministre de l'économie se prononçait contre la privatisation de Gaz de France et d'EDF, en soulignant qu'il était nécessaire de conserver le caractère intégré des deux entreprises.
Monsieur Poniatowski, à l'époque, vous étiez rapporteur, au nom de la commission des affaires économiques, de ce projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz.
Dans votre rapport, on pouvait lire, dans un paragraphe intitulé U n modèle original à préserver : l'entreprise intégrée, ceci : « EDF et GDF ne sont pas des entreprises comme les autres : ayant placé le service public au premier rang de leurs préoccupations, elles ont mis au point des moyens spécifiques pour le prendre en charge grâce à leurs services communs et au développement d'activités complémentaires. »
Dans un autre paragraphe, intitulé Un épouvantail à laisser au placard : le spectre de la privatisation, on pouvait lire : « La transformation des deux établissements publics EDF et GDF en société n'emporte nullement leur privatisation. Il s'agit simplement d'une sociétisation pour reprendre l'expression utilisée habituellement par votre commission pour désigner un tel processus. »
Et vous ajoutiez : « EDF et GDF sont appelés à devenir des sociétés nationalisées à capitaux publics dans lesquelles l'État ne pourra détenir moins de 70 % du capital, alors même que la limite en deçà de laquelle il est nécessaire d'obtenir l'autorisation du Parlement pour privatiser une société est fixée à 50 % de son capital. De ce fait, le vote d'une nouvelle disposition législative reste un préalable incontournable à toute privatisation, contre laquelle le Gouvernement a déclaré son hostilité ».
Vous écriviez également : « EDF et GDF sont appelés à rester des sociétés nationales opérant des activités de service public à côté de leurs métiers concurrentiels. Leur caractère public est même réaffirmé avec force par ce projet de loi. »
Or, monsieur le rapporteur, deux ans plus tard, vous défendez la privatisation de Gaz de France !
De la même façon, dans cet hémicycle, le 8 juillet 2004, M. Patrick Devedjian, alors ministre délégué à l'industrie, s'exprimait sur un amendement, déposé par M. Marini, qui tendait, notamment, à ramener la participation de l'État au capital de Gaz de France de plus de 70 % à plus de 50 %.
Tels étaient les propos de M. Devedjian : « Monsieur Marin, il fallait conduire cette réforme et la réussir. Nous avons dû faire des concessions, comme il se doit dans des négociations. En conséquence, nous tiendrons les engagements que nous avons pris, et je vous demande, madame la sénatrice, monsieur le rapporteur pour avis, de bien vouloir aider le Gouvernement à tenir sa parole pour que nous puissions conduire cette réforme jusqu'à son terme. » Ces quelques rappels étaient utiles.
Or monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues de la majorité, vous ne nous proposez rien de moins aujourd'hui que la privatisation de Gaz de France ! L'engagement solennel, pris au nom du Gouvernement et du Président de la République, se trouve remis en cause.
Un tel reniement de la parole publique est inacceptable, d'autant qu'il entraînera de lourdes conséquences pour les usagers des services publics concernés. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement, qui vise à maintenir la participation de l'État dans le capital de Gaz de France à plus de 70 %.
En outre, monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur la gouvernance de la future entreprise et sur les dissensions apparues entre MM. Sirelli et Mestrallet.
En interne, il se dirait que M. Sirelli a perdu la bataille, et que le management de la future entité comprendrait trois dirigeants issus de Suez pour un de GDF. Si cette information était avérée, il s'agirait d'une prise de contrôle ou même d'une absorption de GDF par Suez.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner toutes les précisions utiles sur les rumeurs qui circulent à ce sujet ?