Sur le rescrit, leur nombre a en effet chuté. Nous étions à 342 rescrits en 2010, 189 en 2013. C'est vrai que la peur du contrôle joue. Mais peut-être manque-t-il une part de pédagogie sur le rescrit, qui engage les deux parties, y compris l'administration. Pour des entreprises qui ne sont pas assez bien conseillées, notamment par certains cabinets de conseil qui ont des stratégies très offensives, le rescrit pourrait être utile. L'instrument en tant que tel n'est pas mauvais : il est préventif et apporte même une garantie aux deux contractants, l'administration et l'entreprise. Il existe des dispositions particulières pour les PME.
La fiscalité est le royaume des idées fausses. En matière de CIR, le taux de couverture est assez faible : moins de 7 % des entreprises qui bénéficient du CIR font l'objet d'un contrôle de leur comptabilité. Mais les entreprises peuvent comprendre comme un contrôle des demandes d'informations, plus ou moins informelles, de la part de l'administration fiscale. En réalité, le « vrai » contrôle fiscal est assez peu développé. À partir du moment où existe une information statistique fiable d'une part sur l'ampleur des contrôles, et une pédagogie sur les différents outils qui existent, le rescrit pourrait regagner quelques couleurs. Il en va différemment du contrôle à la demande, même si l'entreprise qui demande un contrôle n'aura pas de majoration de 40 ou 80 %.
Le nombre d'entreprises redressées a effectivement augmenté, parce que le nombre d'entreprises bénéficiaires a lui aussi fortement crû. Aujourd'hui, nous ne disposons pas du détail du type de majorations qui seraient appliquées aux redressements de CIR - et cela fait d'ailleurs partie du suivi qualitatif que nous appelons de nos voeux. L'administration fiscale le connaît, puisqu'elle utilise une base de données assez complète (le module « Alpage ») : elle peut dire combien d'entreprises ont été redressées en matière de CIR et les majorations applicables, qui en théorie doivent s'élever à 40 ou 80 %.
Une de nos difficultés réside dans le fait qu'à la suite des contrôles, sont fréquemment déposées des réclamations contentieuses. Nos agents sont relativement désarmés pour gérer ce type de dossier : au stade du contentieux, la plupart des entreprises envoient d'épais dossiers face auxquels les agents sont assez démunis, puisqu'ils ne peuvent avoir recours au MESR, au point que certains font eux-mêmes leur propre expertise. Le plus frustrant, pour les agents des finances publiques, c'est de ne pas être en capacité de donner un avis éclairé, en l'absence de l'appui technique du MESR. Il me semble que l'effort doit se porter sur ce sujet.
Peut-être également faudrait-il redéfinir les orientations du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, dont les activités sont davantage tournées vers la promotion du CIR. Entre la promotion et le contrôle, il y a une dualité qui est presque schizophrène. Au-delà des moyens, il nous semble qu'existe peut-être un défaut dans les orientations du ministère. À législation inchangée, ou même changeante, ce point est central.
Quant à la propriété intellectuelle, dont je ne suis pas spécialiste, on peut imaginer qu'une entreprise va porter son brevet au niveau européen. Dans le contexte de libre-circulation de l'Union européenne, rien ne l'empêche de céder son brevet. On pourrait imaginer que, lorsqu'un projet bénéficiant du CIR donne lieu à l'établissement d'un brevet, celui-ci est incessible, par exemple du fait d'un instrument fiscal plus dissuasif que le taux réduit qui existe aujourd'hui. On pourrait également considérer que pendant cinq à sept ans, il est impossible de demander des redevances sur ce brevet. Se poserait alors immédiatement la question du suivi, donc du contrôle, de ce type de mesures.
Il nous semble en tous cas anormal qu'une entreprise qui a bénéficié du CIR puisse ensuite bénéficier d'une déduction sur le brevet qui découle de ces recherches : il en résulte une « double peine » pour le système financier public. Une autre solution serait de revoir tout le dispositif et de passer par des aides directes, mais cela ne règle pas complétement le problème.
Toutes les dépenses éligibles au CIR ne donnent pas lieu à un brevet : il peut y avoir également d'autres formes de propriété intellectuelle. Dans le cas où les projets ayant reçu du CIR débouchent sur brevet, les principales pistes de réflexion nous paraissent résider dans un meilleur suivi des brevets - ce qui se traduira par un alourdissement des obligations déclaratives des entreprises. Un débat sur la taxation des cessions de brevet mériterait sans doute de se tenir : aujourd'hui, s'applique un taux réduit d'IS à 15 %. Malheureusement, dans un contexte de concurrence fiscale européenne, où les autres États font un effort sur la question, il paraît difficile de faire évoluer le taux.
Sur la coopération entre le ministère des finances et celui de l'enseignement supérieur et de la recherche, un protocole a été signé entre nos deux administrations, sur lequel nous n'avons pas assez de recul, mais il semble nécessaire, à notre sens, de développer au sein de la DGFIP une cellule technique qui permettrait, sur des demandes émanant de la DVNI, des DIRCOFI, de suivre au quotidien les demandes attribuées au MESR - éventuellement de renforcer les échanges d'information, la réactivité. Le MESR - mais je sors là de mon domaine de compétence - pourrait peut-être développer une cellule plus spécifiquement dédiée au contrôle, afin d'éviter la schizophrénie entre promotion et contrôle que j'évoquais à l'instant.