Intervention de Michelle Demessine

Réunion du 24 octobre 2006 à 16h00
Secteur de l'énergie — Article 10

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine :

Le II de l'article 10 du projet de loi tend à introduire deux nouvelles dispositions dans la loi de 2000.

Tout d'abord, un article 24-1, qui prévoit la transformation des actions détenues par l'État dans le capital de GDF en actions spécifiques.

Monsieur le ministre, vous proposez ainsi l'instauration d'une golden share qui doit assurer, selon vous, la continuité et la sécurité des approvisionnements du secteur énergétique.

Or nous ne pensons pas que cette proposition soit suffisante pour garantir la maîtrise publique de la politique énergétique, car elle permet non pas de décider des investissements de l'entreprise ni d'orienter sa politique, mais seulement de s'opposer à des décisions de cessions d'actifs ou d'activités stratégiques.

En effet, golden share ou pas, l'État sera désormais un actionnaire minoritaire, incapable par conséquent d'influer directement sur la politique de l'entreprise ainsi privatisée.

Si la golden share accorde un droit de veto sur certaines actions, comme le changement d'objet social, les OPA ou d'autres opérations de fusion-acquisition, elle ne s'accompagne pas de pouvoirs particuliers, s'agissant, notamment, de la fixation des tarifs.

Cette disposition ne change rien à la pression majoritaire qu'exerceront les actionnaires privés afin de rentabiliser au maximum leurs investissements, ce qui conduira à des hausses des tarifs sans précédent et à une rationalisation extrême des coûts, au détriment de la sécurité des installations, des réseaux, des personnels et des populations.

Par ailleurs, nous ne pouvons ignorer que ces golden shares sont actuellement mises en cause par la Commission européenne.

Ainsi, dans son arrêt Total de 2002, la Cour de justice des Communautés européennes a considéré qu'un État ne saurait conserver un droit de regard « injustifié » dans une entreprise privatisée ; en effet, en 1993, au moment de l'ouverture du capital d'Elf-Aquitaine, le gouvernement français s'était vu attribuer une golden share lui permettant de bloquer tout processus d'OPA hostile. Plusieurs autres golden share ont été jugées illégales, notamment celles qui étaient détenues par le gouvernement espagnol dans les entreprises Telefonica, Repsol YPF, Endesa, Argentaria et Tabacalera.

La commission des affaires économiques prétend aujourd'hui que cette disposition ne sera pas remise en cause, mais permettez-nous d'en douter, monsieur le rapporteur ! D'ailleurs, compte tenu de votre soumission aux directives de la Commission européenne, il ne fait aucun doute que si celle-ci n'acceptait pas cette clause, elle disparaîtrait, y compris après l'adoption du projet de loi.

Enfin, une question fondamentale reste posée : le nouveau groupe sera-t-il « OPéAble » ? Bien évidement, la réponse est positive !

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression du II de cet article, qui instaure une golden share au profit de l'État et prévoit la nomination d'un représentant du Gouvernement au conseil d'administration de la nouvelle société.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion