Cet amendement va à peu près dans le même sens que celui que vient de défendre M. le rapporteur ; une fois n'est pas coutume ! Il a pour objectif d'accroître l'efficacité de l'« action de préférence », notamment dans le domaine de la politique industrielle.
Le 6 septembre dernier, le commissaire européen Charlie McCreevy a fait part de son hostilité à l'égard des actions spécifiques : « Ma conviction profonde est que les droit spéciaux que les gouvernements s'attribuent afin de contrôler des entreprises privées créent des obstacles aux investissements directs visant à influencer la gestion de ces entreprises, et sont donc contraires au Marché unique. » Voilà qui ne présage rien de bon quant à la durée de vie de cette action spécifique !
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous soutenez que l'action spécifique vise à assurer la continuité et la sécurité de nos approvisionnements. Or je m'interroge sur son efficacité, au regard des cessions d'actifs qui ont été exigées par Bruxelles et qui risquent de remettre en cause notre sécurité d'approvisionnement en gaz !
Sur ce sujet, comme sur le tableau relatif à l'impact des remèdes qui nous a été transmis par la commission, je reste très perplexe. En effet, vous privilégiez une approche en termes de clients, alors que les évolutions doivent être analysées du point de vue de la sécurité de nos approvisionnements, c'est-à-dire sous l'angle du contrôle des sociétés. Cela implique la capacité de maîtriser à la fois la stratégie, les orientations du groupe et la politique industrielle de l'entité, tout en développant une vision sur le long terme.
Dans ce tableau, monsieur le ministre, vous ne prenez en compte que les sociétés que vous vendez en totalité. Pour reprendre l'exemple qu'a évoqué notre collègue Nicole Bricq, je rappelle que la perte de la majorité dans Fluxys entraîne une perte de contrôle sur cette société. En d'autres termes, Fluxys sort du groupe, ce qui n'est pas sans conséquences sur la dynamique d'ensemble.
Je prendrai un autre exemple. Il est soutenu que la nouvelle entité gardera la totalité de ses clients résidentiels en Belgique. Pourtant, en cédant Distrigaz, le nouveau groupe issu de la fusion perd ses contrats à long terme : il est donc dépouillé ce qui lui conférait son indépendance énergétique. Dès lors, se pose la question de savoir comment se feront, à terme, les approvisionnements des clients.
Du point de vue de la sécurité d'approvisionnement, les chiffres traduisent une perte, et non un renforcement, dans le cadre de la fusion GDF-Suez et des remèdes proposés le 13 octobre dernier. Sur les 650 térawattheures dont la France et la Belgique disposent, la perte engendrée par la fin des contrats à long terme s'élève à 170 térawattheures, ce qui représente une source complète d'approvisionnement, par exemple l'approvisionnement de la France auprès de la Norvège pendant vingt ans. Les remèdes proposés ramènent cette marge de sécurité à 480 térawattheures, soit l'équivalent actuel de Gaz de France.