Je voudrais souligner l'enjeu de la recherche et les difficultés auxquelles nous faisons tous face dans l'industrie pharmaceutique, en précisant le tournant qu'a pris Sanofi et les conséquences de ces choix pour la France.
Il faut d'abord comprendre les processus qui, classiquement, conduisaient à une découverte en recherche et développement dans l'industrie pharmaceutique. Ce processus durait dix à quinze ans et coûtait, selon les estimations, 1 à 3 milliards d'euros par molécule, avec un taux d'échec de 10 000 pour 1 environ. En d'autres termes, pour une molécule rencontrant le succès, il fallait en tester plus de 10 000. Le modèle classique passe d'abord par l'identification d'une cible. Prenons l'exemple d'une protéine, HMG-CoA réductase, qui sert à la synthèse du cholestérol. Il s'agit d'une cible pertinente pour diminuer le cholestérol dans le sang, à condition d'atteindre cette protéine. Pour y parvenir par les moyens chimiques, il y a des milliards de milliards de milliards de possibilités, car le nombre de molécules chimiques est considérable. C'est souvent par chance qu'on parvient à trouver quelque chose. Pour l'HMG-CoA réductase, c'est en étudiant des bactéries et en voulant trouver des antibiotiques qu'on a trouvé, par chance, une molécule chimique qui avait une action sur cette protéine. Nous nous sommes rendu compte que nous pourrions utiliser cette propriété pour une application totalement différente, à savoir la diminution du cholestérol. Nous avons ainsi abouti à des statines, qui sont des molécules très largement utilisées aujourd'hui.
Au cours des années 70, la molécule a été enregistrée par la FDA américaine (Food & Drug Administration). Elle l'a été partout dans le monde à la fin des années 1980. Vous voyez donc la longueur de ce processus. De ce fait, l'industrie a été confrontée à une forte diminution de productivité au cours des années 2000-2010 : la durée des essais cliniques nécessaires pour tester les molécules chez l'Homme a alors été multipliée par deux ou trois. Nous avons aussi assisté à une diminution de plus de 25 % du nombre de produits enregistrés par les agences réglementaires, tandis que le coût était multiplié par dix entre les années d'enregistrement de la Lovastatine et l'année 2010. Sanofi a alors décidé de changer son approche de la recherche et de pratiquer la médecine translationnelle. Il s'agit de comprendre d'abord la maladie afin d'identifier des cibles pertinentes pour cette pathologie, essayant de diminuer les risques d'erreur.
On a observé en 2003-2004 à l'hôpital Necker, à Paris, qu'une protéine, PCS-K9, était associée à des risques cardiovasculaires très importants lorsqu'elle fonctionnait plus que la normale suite à une mutation. Quelques années plus tard, on a constaté aux Etats-Unis que lorsque la protéine ne fonctionnait pas, le cholestérol diminuait dans le sang et que les individus restaient très sains du point de vue cardiovasculaire. Depuis 2003, des compagnies (dont Sanofi) ont adopté une approche biologique pour essayer de s'attaquer à ces cibles. Des anticorps monoclonaux s'attaquent à cette protéine avec une activité est dix fois plus importante que celle des statines.
Pour accomplir ce changement dans la structure et les méthodes de ses activités de recherche, Sanofi a dû faire évoluer ses activités internes, avec un impact sur les effectifs. De 2011 à 2014, les effectifs ont diminué de 14 % dans l'ensemble du monde, 15 % dans le reste du monde et 11 % en France. Les dépenses de R&D ont été maintenues à hauteur d'environ 4,8 milliards d'euros par an, la part de la France ayant augmenté de 2011 à 2014. Notre investissement en France reste donc extrêmement important.
Le type d'investissement peut varier, puisqu'un autre critère important pour nous réside dans l'innovation ouverte. Une très grande majorité des dépenses de santé sont dues à des maladies chroniques qu'on ne comprend pas. Même le diabète est encore mal compris. Il est important de travailler de la façon la plus ouverte possible avec des universités, des centres de recherche, des sociétés de biotechnologies, etc., qui vont nous aider à comprendre ce qu'il se passe. Dans notre modèle d'innovation ouverte, 25 % des collaborations nouées par la R&D de Sanofi ont lieu en France. Elles concernent notamment des instituts prestigieux comme l'Institut Pasteur, l'Institut Gustave Roussy, l'Institut Curie ou encore l'IRT (Institut de recherche technologique) BioAster à Lyon. Nous avons également contribué à la création d'un centre franco-allemand de recherche publique-privée, Silink, près de Strasbourg, où nous allons investir près de 40 millions d'euros entre 2015 et 2019. Nous contribuons aussi au fonds de recherche InnoBio à hauteur de 25 millions d'euros.