Je souhaite revenir, en préambule, sur la délimitation du MEDEF, car vous nous avez soumis un certain nombre de questions en amont de cette audition. Or le MEDEF n'est pas un organisme statistique. Il ne dispose que des données publiques fournies par le ministère de la recherche, Eurostat, etc. Certaines des questions que vous nous avez adressées sont complexes et impliquent de connaître des informations qui sont de nature confidentielle pour nos adhérents.
Ceci étant précisé, nous vous remercions de nous auditionner. Le MEDEF souhaite soutenir la croissance et la compétitivité des entreprises françaises dans la compétition mondiale. À ce titre, la R&D apparaît comme un élément essentiel de compétitivité, dans le prolongement des objectifs politiques de Lisbonne et Barcelone sur le développement de la R&D dans le PIB. Les entreprises doivent moderniser en permanence et de plus en plus leurs produits, leurs procédés et leurs processus. Ceci prend la forme d'études, d'essais et d'investissements tournés vers l'avenir, sans qu'ils ne donnent lieu à un retour simple ni immédiat. Les activités de R&D ne s'inscrivent pas dans un modèle simple et linéaire de retour sur investissement. Les espérances qu'elles portent sont parfois atteintes mais peuvent aussi être déçues. Il n'existe donc pas le même niveau de perception du risque pour cette activité que pour d'autres activités considérées comme risquées.
Ce niveau de risque supporté par les entreprises limite leurs investissements : n'ayant aucun retour garanti, elles tendent à s'entourer de précautions afin d'investir dans des domaines où les résultats sont les plus probables de se faire jour. Les aides publiques à la R&D sont extrêmement intéressantes en ceci qu'elles permettent aux entreprises de faire davantage de recherche et d'employer davantage de ressources ou de développer leurs collaborations avec des laboratoires, en partageant le risque collectivement.
Le crédit d'impôt recherche existe depuis très longtemps (près de trente ans) mais a changé de façon importante en 2008 puisqu'il est, depuis lors, calculé en volume, ce qui lui a donné une amplitude inédite. Jusqu'alors, le dispositif « récompensait » les entreprises lorsqu'elles accroissaient leur activité de R&D. Près de 3 000 entreprises en bénéficiaient sur environ 6 000 entreprises éligibles, alors que le dispositif actuel bénéficie à près de 20 000 entreprises, car celles-ci sont certaines d'en retirer de l'argent. Il ne s'agit pas d'un mécanisme complexe à mettre en oeuvre - même s'il n'est pas extrêmement simple non plus. Il est moins complexe que le précédent, qui avait subi une érosion considérable de sa base de bénéficiaires de 2 000 à 2008, puisque 50 % des déclarants avaient quitté le dispositif en cours de route. Il n'existait plus de mécanisme incitatif pour les entreprises en matière de R&D. Nous disposons enfin d'un dispositif bien orienté et bien conçu. Plus les entreprises consentent d'efforts, plus elles bénéficient du dispositif. Ses principes sont faciles à comprendre et faciles à mettre en oeuvre, tant par le directeur de la R&D que par les patrons de start-up ou le directeur financier. Tout le monde parvient à se comprendre pour élaborer un budget et une stratégie de long terme, par exemple si l'on veut embaucher de jeunes docteurs. Tout ceci est lisible et simple à calculer. Il s'agit donc d'un outil de programmation très efficace du point de vue de l'entreprise.
Certes, la compréhension du dispositif n'est pas la même pour les PME et les grands groupes, qui sont impliqués dans la compétition mondialisée. Ils subissent des coûts différents pour les ingénieurs suivant les régions du monde. Le crédit d'impôt recherche constitue un élément d'ajustement de ces coûts (lesquels ne peuvent toujours être plus élevés en France), ce qui est extrêmement important pour les grands groupes. En ce qui concerne les PME, le crédit d'impôt recherche constitue une incitation à s'engager davantage dans la recherche. Il favorise aussi une meilleure programmation de ces activités, en les incitant à réaliser une « bonne » recherche (du fait des normes définies par le ministère de la recherche), appuyée sur des méthodes précises et sur la recherche publique. Nous voyons progressivement les entreprises développer leur écosystème de recherche grâce à ce dispositif.
Nous mesurons la progression de la R&D de façon globale, avec quelques indicateurs qui sont publics et présents dans le rapport que publie chaque année le ministère de la recherche. En matière de dépenses de R&D, par exemple, nous sommes passés de 25 milliards d'euros en 2008 à plus de 30 milliards d'euros en 2012 et ces dépenses continuent de progresser. Les effectifs de la recherche ont progressé de 28 000 emplois (+ 22 %) au cours de la même période, ce qui est considérable. Il est d'autant plus remarquable que l'emploi ait progressé dans ce secteur qu'il a diminué dans de nombreux autres secteurs. Le dispositif a également permis d'inverser la part de la recherche publique et de la recherche privée, qui représente désormais 60 % de la recherche totale, alors que sa part était de 40 % il y a dix ou quinze ans. Dans les objectifs de Lisbonne, l'objectif de 3 % du PIB fixé pour la recherche table sur 1 % de recherche publique et 2 % de recherche privée. La France dispose d'un dispositif public bien dimensionné, mais son dispositif privé (1,2 % ou 1,3 % du PIB aujourd'hui) doit encore monter en puissance, avec une marge de progression significative.
Les docteurs continuent d'être embauchés. Le dispositif CIFRE, permettant à un jeune thésard de faire sa thèse dans le cadre d'un CDD financé en partie par l'ANRT, bénéficie à environ 1 300 thésards chaque année, ce qui est loin d'être négligeable. La majorité des jeunes docteurs sont aujourd'hui embauchés par le secteur privé, ce qui n'était pas le cas il y a cinq ans, où ils étaient embauchés majoritairement par le secteur public. Cet afflux de jeunes docteurs dans les entreprises constitue aussi un apport considérable sur le plan de la culture et du relationnel, car ils connaissent souvent les patrons de laboratoires, les méthodes de travail, la façon d'être compétitif, etc. C'est une culture nouvelle qui irrigue les entreprises en les familiarisant avec des démarches nouvelles.
Du point de vue de la sous-traitance avec le secteur public, on est passé de 200 millions d'euros à 500 millions d'euros en cinq ans, ce qui témoigne aussi de l'évolution des relations entre les laboratoires et les entreprises.
Nous considérons que le dispositif a aujourd'hui atteint un niveau satisfaisant de maturité, même si de petites évolutions législatives sont envisagées à la marge. La dépense fiscale semble atteindre un plafond, avec près de 5 milliards d'euros, après avoir beaucoup augmenté en 2008-2009-2010, sachant que 300 à 350 millions d'euros sont réclamés par les services fiscaux aux entreprises lors des contrôles.