Je voudrais revenir sur la commission tripartite créée il y a environ deux ans autour du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, du ministère des finances et les entreprises du numérique. Vous avez indiqué que vous aviez beaucoup avancé et qu'il existait aujourd'hui une meilleure fluidité et une plus grande compréhension entre les entreprises et les contrôleurs. Il existe deux types de contrôleurs : ceux de l'administration fiscale et les experts du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. On m'a dit que les experts du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche étaient aujourd'hui à peu près en nombre égal à ce qu'étaient leurs effectifs il y a quatre ou cinq ans. Le crédit d'impôt recherche représentait alors près de 3 milliards d'euros. Son montant atteint aujourd'hui près de 6 milliards d'euros, c'est-à-dire qu'il a doublé. Un même nombre d'experts est donc chargé de contrôler un parc d'entreprises et une masse d'activités de recherche beaucoup plus étendus. Pouvez-vous le confirmer ? Avez-vous l'impression que les experts du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui authentifient la réalité des travaux conduits et agréent la dépense, sont suffisamment nombreux et consacrent suffisamment de temps aux éléments qu'ils doivent contrôler ? N'effectuent-ils pas un contrôle relativement lointain, plutôt qu'un contrôle sur place et sur pièces, comme on pourrait le souhaiter ?
En ce qui concerne le rescrit, qui est un dispositif peu usité en France, à la différence d'autres pays (même si la situation évolue légèrement), vous avez indiqué avoir le sentiment que les avancées réalisées depuis deux ans étaient de nature à permettre de renforcer l'adhésion des entreprises au dispositif, en leur apportant davantage de sécurité.
Je voudrais aussi aborder la question de la sous-traitance. De ce point de vue, deux cas de figure existent. Les grands groupes, ETI (entreprises de taille intermédiaire) et PME peuvent engager des sous-traitants. Mais ceux-ci peuvent aussi effectuer eux-mêmes la recherche et la déclarer, auquel cas ils bénéficient du crédit d'impôt recherche, tandis que le donneur d'ordres bénéficie de la qualité du service rendu. Dans ce cas de figure, il semble que les donneurs d'ordres, qu'il s'agisse des grands groupes, d'ETI ou de PME, « pressurent » le sous-traitant, étant entendu que celui-ci va économiser, grâce au crédit d'impôt recherche, environ 30 % de sa masse salariale. Le donneur d'ordres lui impose, par la négociation, de baisser ses prix en le menaçant de se fournir ailleurs, notamment à l'étranger. Dans certains pays, la main-d'oeuvre est encore moins chère, même lorsqu'elle est hautement qualifiée, en dépit de l'absence du crédit d'impôt recherche. Il m'a été dit que ce problème prenait des dimensions inquiétantes. Partagez-vous cette analyse ? Dans le second cas de figure, l'entreprise sous-traite mais déclare elle-même le crédit d'impôt recherche, auquel cas cette difficulté n'existe pas.
Vous avez évoqué l'apport du CIR au numérique. J'ajouterai « aux start-up du numérique ». Pour les deux ou trois premières années, j'ai le sentiment que le crédit d'impôt recherche constitue en quelque sorte une avance de trésorerie. Sans le CIR, les entreprises ne peuvent fonctionner. Ce n'est pas une diminution du coût de la recherche ni de la masse salariale : il permet à l'entreprise de décoller, durant un, deux ou trois ans. Il existe donc une tentation à déclarer une assiette un peu plus large que ce qu'elle est en réalité.
Enfin, vous avez évoqué le crédit d'impôt recherche « innovation ». La frontière entre la R&D et l'innovation est difficile à tracer. Certes, il existe des codes, des chartes et des définitions. Ne pensez-vous pas que l'administration fiscale (en particulier les contrôleurs du fisc plutôt que les experts du ministère de la recherche) ne soit tentée de requalifier des dépenses de recherche en dépenses d'innovation ? Cela pourrait aisément se concevoir dans la mesure où les taux (respectivement 30 % et 20 %) sont différents et où les crédits sont plafonnés à 400 000 euros dans le cas du CI, tandis que ce plafond est de 100 millions d'euros pour le CIR. J'ai rarement entendu l'évocation de cette difficulté. Lorsque nous avons créé le crédit d'impôt « innovation », je me suis immédiatement demandé si l'administration fiscale n'allait pas être tentée de requalifier en crédit d'impôt innovation des dépenses potentiellement éligibles au crédit d'impôt recherche. Vos entreprises rencontrent-elles cette difficulté ?