Intervention de Laurent Martel

Commission d'enquête Réalité du détournement du crédit d'impôt recherche — Réunion du 5 mars 2015 à 13h45
Audition de M. Laurent Martel inspecteur des finances rédacteur d'un rapport de l'inspection générale des finances sur le crédit d'impôt recherche

Laurent Martel, inspecteur des finances :

À titre personnel, je suis réservé à l'égard de toute conditionnalité. La force du CIR est justement sa simplicité et sa prévisibilité. L'idée semble simple mais il faudrait définir la notion de jeune docteur, veiller aux effets d'éviction, tenir compte de nombreux paramètres, comme la part de sous-traitance auprès d'organismes publics ou de PME, etc.

Le CIR, avec la baisse des charges, est l'un des dispositifs publics qui a été le plus abondamment étudié. Toutes les études, quelle que soit leur méthodologie, mettent en évidence un effet de levier à court terme de un, voire de 1,1 dans l'étude de 2014 du ministère la recherche. Toutes montrent un effet de long terme supérieur : 3,6 chez Mulkay et Mairesse dans une étude de 2004, ou 2,7 dans une étude norvégienne de 2007.

Sur la sous-traitance ma position personnelle a évolué par rapport à la prudence qui caractérisait notre rapport de 2010. Donner directement le CIR aux entreprises pour la recherche qu'elles réalisent elles-mêmes plutôt qu'aux donneurs d'ordre pourrait être sous-optimal puisqu'on ne toucherait plus directement celui qu'on souhaite encourager. Cependant, si l'on accordait le CIR aux sous-traitants l'atténuation de son effet incitatif pourrait être modérée du fait de la perspective d'une restitution via les prix du sous-traitant. Toutefois, cela résoudrait bien des problèmes de contrôles. Enfin, cela contribuerait, tout en respectant le droit communautaire, à atteindre l'objectif du CIR de développer les externalités de la R&D en France et non encourager la sous-traitance à l'étranger. À court terme, cette modification aurait un coût budgétaire : dans le système actuel, la sous-traitance est plafonnée, mais si le sous-traitant déclare lui-même la dépense, le coût total sera plus élevé. Malgré tout, les avantages me semblent aujourd'hui l'emporter sur les inconvénients.

Il est effectivement important que les filiales bénéficient effectivement du CIR et non leurs maisons-mères. Il me semblait que c'était le cas, mais je n'ai plus le souvenir de la situation de toutes les entreprises que nous avions visitées.

Le secteur financier peut être source de R&D, en matière de cartes à puces, ou de mathématiques appliquées par exemple. Il existe d'ailleurs un pôle de compétitivité « Finance Innovation ». Il serait paradoxal d'exclure les services financiers du CIR. On sortirait alors d'une logique d'aide horizontale, qui bénéficie à toutes les entreprises de manière non ciblée, ce qui risquerait de nous mettre en infraction avec le droit communautaire. De plus comment justifier devant le Conseil constitutionnel qu'un secteur économique ne réalise pas, par nature, de R&D ? D'autant plus qu'il est toujours possible de contrôler qu'une opération correspond bien à la définition du manuel de Frascati. De plus, l'interdiction serait aisément contournable en confiant la recherche à un sous-traitant qui n'appartient pas au secteur.

S'agissant de la désindustrialisation, le CIR, à la différence des subventions, n'est pas un outil d'orientation de l'évolution sectorielle de l'économie. Il est vrai toutefois qu'indirectement, vu son volume, il encourage les secteurs intensifs en R&D, comme l'industrie. Mais pour soutenir un secteur, les aides directes sont plus efficaces car plus ciblées.

Les entreprises assimilent volontiers à des contrôles les demandes de vérifications complémentaires que les services gestionnaires peuvent leur demander, notamment lorsqu'il s'agit de jeunes entreprises. Certaines ont l'impression d'être contrôlées tous les ans alors que ce n'est pas le cas...Pour y remédier, nous avons défini une grille d'analyse en fonction du risque pour éviter de demander des documents de manière excessive. Toutefois, notre niveau d'exigence reste élevé ; on est loin des contrôles de TVA, traités à 80% en circuit court, sans demandes complémentaires. La déclaration du CIR est dématérialisée depuis cette année. Enfin, Bercy s'est toujours opposé à substituer à une logique de charge forfaitaire à une logique de charge au réel. Cela créerait des injustices entre les entreprises, sans compter que cette possibilité d'option compliquerait la gestion.

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