Intervention de Laure Reinhart

Commission d'enquête Réalité du détournement du crédit d'impôt recherche — Réunion du 9 avril 2015 à 13h50
Audition de Mme Laure Reinhart directrice des partenariats et écosystèmes — Innovation de bpifrance

Laure Reinhart, directrice des partenariats et écosystèmes - innovation de Bpifrance :

Je le ferai.

BPIfrance, comme vous le savez, résulte de la fusion de CDC Entreprises, du Fonds de soutien à l'investissement (FSI) et d'Oséo - elle-même fruit de la fusion de l'Anvar, l'Agence nationale de valorisation de la recherche, et de la Banque de développement des PME (BDPME). Le rapprochement de l'expertise scientifique et technique de l'Anvar et de l'expertise financière de la BDPME avait déjà permis à Oséo de proposer des dispositifs très nouveaux pour les entreprises, qui s'appuyaient sur cette double expertise. A été ainsi mise en place ce que nous appelons la mobilisation du CIR, qui assure aux entreprises la trésorerie du CIR une fois établie la créance de l'État. Ce dispositif était assorti d'une expertise externe, pour s'assurer de la légitimité des dépenses. Cette activité de financement de court terme, qui était partagée avec des banques, a reculé à partir du moment où des mesures ont été mises en place pour rembourser les PME dès l'année de leur déclaration. Seule une vingtaine d'entreprises de taille intermédiaire bénéficie encore de ce dispositif.

À partir de 2009, à la suite du vote de la loi de modernisation de l'économie de 2008, nous avons reçu délégation de l'État pour instruire, avec le ministère de la recherche et l'Agence nationale de la recherche, le rescrit fiscal au bénéfice des entreprises qui le demandaient. C'est une activité qui ne prend que lentement de l'ampleur. En 2013, nous avons instruit entre 150 et 200 rescrits, sur un total qui ne dépasse pas 250. Cela peut paraître peu au regard du nombre des entreprises déclarantes - 13 578 PME ont bénéficié en 2012 du CIR.

Le rescrit est pourtant intéressant pour les PME, car il les aide à s'engager dans leurs projets de recherche, en sécurisant le bénéfice du CIR. Il soulève pour elles, cependant, deux difficultés. Quand l'instruction d'une demande de rescrit débouche sur une réponse négative, nous communiquons ce résultat à la direction de la législation fiscale, ce qui revient à rendre le projet tout ou partie inéligible. Si bien qu'un certain nombre d'entreprises préfèrent tenter de passer à travers les mailles du filet. La deuxième difficulté tient au fait que le rescrit était, jusqu'en 2014, accordé sur le fondement d'un programme de recherche. Or, on sait bien qu'en la matière, le parcours n'est jamais conforme au programme initial, il se modifie au fur et à mesure de son déroulement, si bien que le rescrit ne correspond plus au programme effectivement réalisé.

La troisième difficulté tient, enfin, à notre budget de fonctionnement, qui, depuis 2014, n'est plus en rien alimenté par l'État. Nous souhaitions donc qu'il nous soit permis de demander une compensation financière aux entreprises sollicitant un rescrit, ce qui nous a été refusé. J'ajoute que la Cour des Comptes, dans son rapport de 2013, recommande que Bpifrance cesse l'activité de rescrit, qu'elle ne juge pas compatible avec le préfinancement du CIR.

Ce préfinancement du CIR est une opération assez nouvelle et que nous sommes les seuls à mener. Elle consiste, en somme, à financer une entreprise sur le fondement d'une créance qui n'est pas encore née. Ce dispositif a été mis en place en 2013. Il a représenté, dès la première année, un volume de 36 millions d'euros, pour 177 entreprises, puis 37 millions d'euros l'an dernier pour 200 entreprises. Ce n'est pas énorme au regard du volume global du CIR, mais c'est un dispositif qui fonctionne bien. Les prêts ainsi octroyés sont garantis à 60 % par des fonds de garantie alimentés par l'État, et nous supportons les 40 % restants sur nos fonds propres.

Nous avons été attentifs aux réflexions qui ont été conduites sur le CIR, et souvent sollicités pour des auditions. Nous avons trois pistes d'amélioration à suggérer.

Il s'agirait, en premier lieu, d'ouvrir la possibilité de cumuler le CIR avec l'aide à l'innovation, créée en 1979 à l'initiative de Raymond Barre avec deux objectifs : fournir un apport de trésorerie à l'entreprise au moment du démarrage de son projet et partager les risques, puisque les entreprises ne remboursent qu'en cas de succès. Jusqu'en 2007, les entreprises pouvaient inclure dans l'assiette du CIR l'ensemble de leurs dépenses de recherche, à l'exception de celles qui étaient financées par subvention. À partir de 2007, on leur a demandé de déduire les avances remboursables, au motif que les inclure revenait à solliciter une deuxième fois une aide qu'elles avaient déjà obtenue. Nous demandons sans succès depuis plusieurs années que l'on revienne sur cette restriction. Le cumul de l'avance remboursable et du CIR est pourtant parfaitement vertueux. Le CIR n'intervenant qu'une fois la dépense réalisée, l'avance remboursable permet de faire la soudure. Il en va de même pour le prêt à taux zéro en faveur de l'innovation que nous avons mis en place en 2010.

Nous avons, ensuite, deux interrogations. Le CIR peut induire une concurrence déloyale entre entreprises. Entre les sociétés de R&D privées et les laboratoires publics, tout d'abord. Vous savez que les entreprises peuvent doubler leurs dépenses de sous-traitance en R&D lorsqu'elles s'adressent à des laboratoires publics. Cela pose un vrai problème de concurrence, en particulier dans le domaine médical, où les dépenses de sous-traitance sont énormes, les études cliniques étant généralement sous-traitées à des laboratoires.

L'autre interrogation est suscitée par les abus des sociétés de conseil, qui, au moment de l'élargissement du CIR, se sont empressées de proposer leurs services aux PME en contrepartie d'un pourcentage du CIR, voire des dépenses figurant dans la déclaration.

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