Intervention de Stéphane Lacrampe

Commission d'enquête Réalité du détournement du crédit d'impôt recherche — Réunion du 9 avril 2015 à 13h50
Audition de M. Loïc Rivière délégué général de l'afdel de M. Stéphane Lacrampe président d'obeo et de Mme Diane duFoix responsable senior des affaires publiques de l'afdel

Stéphane Lacrampe, président de l'entreprise OBEO :

Je suis ici pour apporter un témoignage : que fait-on, dans une PME, avec le crédit d'impôt recherche ?

Je suis président de la société OBEO, que j'ai fondée en 2005. Nous comptons 65 collaborateurs. Nous réalisons 30 % de notre chiffre d'affaires à l'international et nous adressons essentiellement aux « grands comptes », c'est-à-dire aux grands groupes. Notre métier n'est pas très facile à expliquer : nous développons des logiciels permettant à nos clients de maîtriser la conception ou l'opération de systèmes complexes. Par exemple, dans le domaine spatial, nos technologies sont utilisées quand on doit passer d'une expression de besoins à un cahier des charges détaillé qui doit pouvoir être remis à des sous-traitants pour fabriquer le système. Cette phase de définition des spécifications détaillées nécessite la collaboration d'équipes larges et pluridisciplinaires. Pour faire collaborer toutes ces personnes, construire un système cohérent et optimal par rapport à l'ensemble des contraintes existantes, qui peuvent être de coût, réglementaires, physiques, des technologies avancées sont nécessaires : nous les développons et les déployons auprès de nos clients dans plusieurs domaines dont l'aéronautique, la défense et l'énergie.

Développer ces technologies demande un effort de R&D très conséquent : nous y consacrons 30 % de notre chiffre d'affaires depuis notre création. Nos collaborateurs sont quasiment tous de niveau bac +5 à bac +8. Ces investissements nous permettent de nous développer sur un marché dont les concurrents sont de grands éditeurs internationaux, américains notamment, tels qu'IBM. Nos clients recherchent, dans notre offre, des facteurs différenciateurs en termes d'innovation, de technologie et de savoir-faire.

Pour financer cet effort de R&D, nous recourons au bénéfice de notre activité commerciale. Le CIR, couplé à des subventions à travers des projets collaboratifs, vient jouer un rôle de démultiplicateur dans notre capacité à investir en R&D, de l'ordre d'un facteur deux. Développer des logiciels coûte très cher et nécessite d'être perpétuellement innovant.

Le CIR est un enjeu important pour une start up comme la nôtre. Non pas pour faire de l'optimisation fiscale, mais pour bénéficier d'un effet de levier direct, l'argent qui nous est reversé nous permettant d'embaucher du personnel de recherche. Tout changement de son cadre législatif est donc susceptible d'affecter notre trésorerie.

Ainsi, un Bulletin officiel des finances publiques-impôts (Bofip) du 4 avril 2014 est venu modifier la façon dont la sous-traitance est comptabilisée dans la déclaration du CIR. S'il était sans doute motivé par un désir louable d'éviter une double déduction, il fait peser sur le sous-traitant le risque d'un crédit d'impôt négatif, c'est-à-dire finalement d'imposer la R&D. Le Bofip nous oblige en effet à déclarer le chiffre d'affaires réalisé dans le cadre de la sous-traitance. Or, une société vend une prestation avec un objectif de marge. Ainsi, le chiffre d'affaires réalisé est par définition supérieur aux coûts, si bien que le crédit d'impôt, qui fait la différence entre le produit de la vente et les coûts, va être négatif. Certaines sociétés, dont la nôtre, ont donc décidé de se retirer de l'agrément du CIR pour éviter ce risque.

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