Autant il serait difficile d'affirmer que l'appréciation de tous nos membres est homogène sur le CIR, autant on peut constater qu'il n'y a pas d'oppositions tranchées. Pour les grandes entreprises, l'enjeu est dans l'attractivité du territoire et de leur site ; elles veulent défendre leur emploi en France. Quand le coût d'un chercheur est compétitif, cela est décisif pour la localisation en France du programme de développement d'un groupe international. Pour nos membres académiques, le CIR a facilité leur capacité à travailler avec les entreprises, et en particulier les PME. Les dépenses sous-traitées à un laboratoire public comptant double, le reste à payer, pour ces entreprises, n'est guère élevé. C'est un argument de vente pour les laboratoires publics. S'il y a des bémols, ce n'est pas sur le dispositif lui-même, mais sur la lourdeur de la procédure, en particulier pour les PME, car elle leur impose de rendre compte par projet, alors que ce n'est pas de cette façon qu'elles ont coutume de travailler.
Pour le reste, nous ne pensons pas que l'on ancre l'activité sur un territoire sur le fondement d'une décision unique, mais plutôt grâce à l'existence d'un faisceau d'acteurs qui veulent travailler ensemble. Plus le maillage sera innovant, plus il saura retenir car comme le disait Denis Randet, où est le cerveau, là est la maison.
Faut-il imputer la dépense à l'exécutant ou au donneur d'ordre ? Cette question est à l'origine de l'instruction fiscale de 2014, qui visait à éviter qu'une même dépense soit déclarée deux fois. Dans les grands groupes, qui font beaucoup appel à des sous-traitants, cette question est très sensible. Ils distinguent, dans leur déclaration, entre la partie sous-traitée et celle pour laquelle ils demandent pour eux-mêmes le bénéfice du crédit d'impôt recherche. Supprimer le lien au donneur d'ordre, cela revient à dire au sous-traitant qu'il faut qu'il devienne entrepreneur à son compte. C'est tout autre chose que d'engager un travail commandé par un donneur d'ordre, qui est prêt à payer un certain prix sur la base de spécifications qu'il a définies. C'est ainsi que se forme un écosystème. Tandis que si chacun touche sa part, et que la relation ne se construit qu'ensuite, on risque des pertes en ligne : pour chaque pièce de développement, la question se posera du meilleur fournisseur, qui pourra alors se trouver en Allemagne, en Angleterre, en Belgique. En la matière, la compétition est réelle entre pays d'Europe. Déboucler le système, comme l'a fait l'instruction fiscale du 11 avril 2004, pose problème. L'administration argue qu'elle n'agit qu'à législation constante, mais le fait est qu'elle a pris les acteurs par surprise. Ce n'est pas propre à asseoir la confiance. Il n'est pas bon qu'au sein des groupes internationaux dont les centres de décision ne sont pas en France, les troupes françaises ne soient pas capables de défendre une position stable.