Intervention de Dominique Thormann

Commission d'enquête Réalité du détournement du crédit d'impôt recherche — Réunion du 20 mai 2015 à 14h05
Audition de Mm. Dominique Thormann directeur financier et gaspar gascon abellan directeur de l'ingénierie et de la recherche du groupe renault

Dominique Thormann :

Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les sénateurs, permettez-moi, tout d'abord de vous remercier d'inviter le groupe Renault à s'exprimer devant la commission d'enquête sur la réalité du détournement du CIR de son objet et son incidence sur la situation de l'emploi et de la recherche dans notre pays.

Ce sera l'occasion pour nous de rappeler l'importance du dispositif du CIR pour notre groupe, mais aussi pour la recherche de notre pays.

Chaque mot de l'intitulé de votre commission d'enquête a son importance. C'est pourquoi je me permets, de manière liminaire, de partager avec vous trois affirmations clés. Tout d'abord, la réalité du groupe Renault dans son emploi du CIR, c'est-à-dire de moyens publics consentis par la collectivité nationale, c'est l'absence de détournement de l'objet du CIR.

J'ai la chance d'être aujourd'hui auditionné au Sénat, devant une commission d'enquête de la Haute Assemblée. C'est le Sénat qui a produit, en 2012, un rapport bipartisan, qui fera référence pendant de nombreuses années, et dont le rapporteur était le sénateur Michel Berson, membre de votre commission d'enquête, rapport relatif au CIR.

Parmi les principales recommandations figurait la perspective d'instauration d'un taux unique de CIR de 20 % pour les grandes entreprises, afin de supprimer, je cite, l'effet d'aubaine qu'il constitue pour elles.

Renault, en 2014, a investi 2,3 milliards d'euros en recherche et développement. Près des trois quarts ont été investis en France, soit un montant de 1,5 milliard d'euros. 777 millions d'euros étaient éligibles au CIR, pour un total de 143 millions d'euros. 20 % de 777 millions d'euros représenteraient 155 millions d'euros, soit plus que ce que nous percevons aujourd'hui. Avec 143 millions d'euros, il n'y a décidément pas d'effet d'aubaine pour Renault, ce qui répond concrètement à la première préoccupation de votre commission d'enquête.

Deuxième affirmation clé : le CIR a permis à Renault d'être bien placé dans la course mondiale à l'innovation, de ne fermer aucun site en France, contrairement à d'autres constructeurs automobiles également bénéficiaires du CIR, et de créer des emplois en France.

Le 12 février dernier, Renault a annoncé 2 000 recrutements en France dès 2015, 1 000 en CDI et 1 000 contrats d'apprentissage pour nos jeunes. Au titre de ces 1 000 CDI, Renault embauche plus particulièrement 500 personnes en recherche et développement en France, ce qui répond concrètement à la deuxième préoccupation de votre commission d'enquête.

Troisième affirmation : Renault ne polémique jamais avec aucun média en France, nonobstant les affirmations non conformes à la réalité susceptibles d'être véhiculées, tout en se réservant d'engager chaque fois que nécessaire les actions de protection de l'entreprise, et ceci pour une raison très simple : dans une société médiatique et court-termiste, Renault n'a pas vocation à se transformer en attaché de presse en quête de buzz, de notoriété et de sensationnalisme.

Renault, entreprise aux racines françaises profondément ancrées, a une responsabilité sociale particulière, et une activité sérieuse : assurer la compétitivité et la performance de ses voitures dans la mondialisation, créer des emplois, et développer une industrie majeure.

Permettez-moi de manifester ma surprise devant la diffusion très inhabituelle dans cette enceinte d'un reportage à sensation exclusivement à charge et erroné. Cette audition n'en est que plus indispensable : elle permettra d'opposer la réalité des faits au choc fallacieux des images et de propos mensongers.

Je vous propose d'organiser mon propos en trois temps. Je présenterai tout d'abord certains éléments de contexte propres à l'industrie automobile qu'il me semble important d'avoir en tête afin d'aborder le sujet du CIR. Je reviendrai avec vous sur certains éléments qui méritent, me semble-t-il une attention toute particulière. Pour terminer, je vous exposerai notre stratégie en matière de recherche et d'innovation, et illustrerai par des exemples concrets l'usage que le groupe Renault fait de son CIR.

Au terme de cet exposé, nous serons, avec mon collègue Gaspar Gascon Abellan, directeur de l'ingénierie de notre groupe, à votre entière disposition pour répondre à vos questions.

Pour ce qui est du contexte, il est important d'avoir présentes à l'esprit les évolutions de l'industrie automobile mondiale ces quinze dernières années, avec un déplacement des foyers de croissance du marché automobile en dehors des frontières européennes. Le développement que connaît l'industrie automobile hors d'Europe est sans commune mesure avec la situation observée dans les marchés français et européens.

Au cours des quinze dernières années, le marché automobile mondial a ainsi enregistré une croissance de près de 60 %, passant de 54 millions de véhicules vendus à travers le monde en 1999, à plus de 85 millions en 2014.

En revanche, dans le même temps, le marché européen a enregistré une baisse de 13 %. Sur la même période des quinze dernières années, la part de l'Europe dans les ventes automobiles mondiales a ainsi été pratiquement divisée par deux. Certains pays du sud de l'Europe ont connu des baisses allant jusqu'à 50 % du marché au cours de la crise de l'euro. Quant au marché français, il a enregistré une baisse de 14 % en quinze ans.

Ainsi, la part de la France dans le marché mondial est passée d'environ 5 % en 1999 à 2,5 % en 2014. Dans ce contexte d'intense compétition commerciale au niveau mondial, le groupe Renault s'est attaché à mener une stratégie de développement de ses ventes hors d'Europe. Celles-ci, qui représentaient 11 % du total des ventes du groupe en 1999, ont atteint 46 % en 2014, soit une progression de 35 points en l'espace de quinze ans. S'agissant de la France, ce marché représente désormais 20 % des ventes du groupe, alors qu'elles en représentaient plus de 40 % il y a quinze ans.

Si les ventes du groupe Renault ont suivi l'évolution du marché mondial, ce n'est pas le cas de ses efforts de recherche et développement, qui sont majoritairement restés concentrés en France. En effet, si la France ne représente que 20 % de nos ventes, 75 % de nos dépenses en recherche et développement y sont réalisées.

Par ailleurs, le nombre de brevets déposés reste toujours élevé : ces dépôts ont représenté six cent huit brevets en France en 2014, positionnant Renault dans le trio de tête français. L'intégralité de la propriété intellectuelle a ainsi été maintenue en France - mais nous y reviendrons. En outre, et je l'expliquerai plus tard, l'activité française de recherche et développement du groupe a même été développée pour le compte de nos partenaires étrangers, Nissan, Daimler et General Motors, par exemple.

Je souhaite insister sur quatre points importants.

Il s'agit de la baisse prétendue des dépenses de recherche et développement du groupe Renault, tandis que le CIR augmente, de la qualification de l'une de nos filiales historiques, IDVU (Ingénierie développement véhicule utilitaire), de « pompe à fric », du fait que la création récente de filiales, telles R-Dream (Renault direction de la recherche et des études avancées et des matériaux) et IDVE (Ingénierie développement véhicule électrique), soit constitutive d'un abus de droit, et enfin de l'absence de personnel dans les filiales.

Vous me permettrez de revenir successivement sur chacun de ces points.

Concernant l'évolution des dépenses de recherche et développement de Renault, il est faux d'affirmer que, depuis 2008, celles-ci n'ont cessé de baisser tandis que, dans le même temps, le CIR aurait augmenté. La recherche et développement des entités Renault varie au gré de l'intensité et des pics de recherche. En toute logique, les dépenses éligibles au CIR varient également, et suivent la même courbe.

Comme nous l'avons indiqué à plusieurs reprises, les dépenses de recherche et développement sont orientées à la hausse depuis 2008, avec une augmentation globale de 8,3 %. Par ailleurs, les effectifs d'ingénieurs en France étaient stables avant les embauches annoncées en février dernier. Enfin, le montant du CIR est également resté stable sur la période.

Deuxièmement, concernant la création soi-disant « récente » d'IDVU et sa qualification de « pompe à fric », la mise en place de filiales du groupe Renault a toujours eu pour origine la nécessité de répondre à certaines contraintes opérationnelles. De nombreuses activités du groupe Renault sont organisées en France, au sein de filiales, sans la moindre cause fiscale. Il s'agit, dans la plupart des cas, de raisons managériales ou opérationnelles. Ces opérations ne sont pas susceptibles d'être qualifiées d'abus de droit.

Contrairement à ce qui a été affirmé, je tiens à souligner qu'IDVU n'a pas été créée en 2009 pour augmenter le CIR du groupe Renault. IDVU a été créée en 1966. Cette société est issue de la fusion de deux bureaux d'études externes, CREOS et CREICA, anciennement Chausson Ingénierie, qui ont été intégrés au groupe Renault. Cette société réalise des dépenses éligibles au CIR depuis plus de quinze ans. Avant même la modification législative de 2007, ses dépenses de recherche et développement éligibles au CIR étaient importantes : elles s'élevaient à 87 millions d'euros en 2007, contre 65 millions d'euros en 2008.

L'analyse chronologique du montant des dépenses éligibles au CIR générées par IDVU depuis plus de dix ans permet de constater que le passage dans la loi de finances pour 2008 d'un système de CIR en « accroissement » à un système de CIR en « volume » déplafonné n'a entraîné, en pratique, aucune augmentation des dépenses de recherche d'IDVU éligibles au CIR mais, au contraire, une baisse. Il est donc inexact de sous-entendre qu'IDVU serait une « pompe à fric » destinée, depuis 2009, à augmenter le CIR de Renault. Les faits démontrent en effet le contraire.

Par ailleurs, ce constat est également valable pour nos filiales R-Dream et IDVE. Ainsi, pour ce qui est de la création récente de R-Dream et IDVE, également montrées du doigt comme un abus de droit, je me dois de réagir. Bien évidemment, la création de ces deux entités a eu un impact bénéfique sur le CIR de Renault. Nous ne le contestons pas, mais ces créations répondaient à des besoins opérationnels, liés à l'émergence de nouvelles technologies pouvant attirer des partenariats.

IDVE a été créée au démarrage d'une activité nouvelle, le véhicule électrique. Le regroupement de l'ingénierie du véhicule dédié à 100 % aux projets de véhicules à zéro émission de CO2 au sein d'une seule et même entité faisait sens. En outre, pour le véhicule électrique, la création d'une société devait permettre de créer une dynamique plus forte pour répondre aux engagements pris dans le cadre du Grenelle de l'environnement. À titre d'exemple, Renault, via IDVE, s'est engagé dans un partenariat stratégique avec le Commissariat à l'énergie atomique en 2010 sur le développement de batteries innovantes pour véhicules électriques et, plus largement, sur la mobilité durable.

Quant à R-Dream, elle a été créée pour regrouper l'ensemble des activités de recherche fondamentale du groupe, pour avoir une meilleure visibilité et une meilleure planification des coûts de ces activités, et pour développer des partenariats publics ou privés.

Je viens d'évoquer les créations récentes de filiales. Il convient par ailleurs de souligner que 85 % des sociétés du groupe Renault génèrent du crédit d'impôt recherche depuis plus de quinze ans et ont plus de vingt ans d'existence. Seules les deux sociétés que j'ai mentionnées, IDVE et R-Dream, ont été créées en 2009. Le montant des dépenses éligibles au CIR de ces deux entités représente 16 % du montant total des dépenses éligibles du groupe. Les dépenses d'IDVE et R-Dream éligibles au CIR sont orientées à la baisse.

Ces créations de filiales ont été réalisées en toute transparence vis-à-vis des autorités fiscales, de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et des organisations syndicales du groupe. Elles sont tout à fait légales et ne contreviennent à aucun texte fiscal. Elles ont toutes fait l'objet de contrôles depuis leur création, contrôles qui n'ont donné lieu à aucun redressement.

Dernier point sur lequel il me semble important d'apporter certaines clarifications : il s'agit de l'absence de personnel dans les filiales que je viens de citer. En effet, l'absence de personnel dans ces trois filiales a récemment été mise en avant, comme étant le signe d'un montage destiné à éluder l'impôt. Il n'en est rien. Nous rappelons que le personnel d'IDVU était localisé dans IDVU jusqu'en 2009, et que le transfert du personnel d'IDVU vers Renault SAS a été réalisé en 2009, avant tout pour des raisons sociales et managériales. Évoquer en 2009 l'absence de personnel dans IDVU est donc totalement anachronique.

Par ailleurs, le fait de centraliser chez Renault SAS une part importante du personnel du groupe Renault en France, et de les mettre à disposition de ses filiales, est une organisation commune, très répandue au sein du groupe, y compris pour des filiales réalisant peu ou pas de dépenses de recherche et développement.

De nombreuses activités d'ingénierie ou industrielles du groupe Renault ont été filialisées au cours des dernières années. Le personnel a été mis à disposition de ces filiales par Renault SAS, sans que cela n'ait le moindre lien avec une éventuelle optimisation du CIR du groupe.

Parmi la trentaine de filiales opérationnelles du groupe Renault, seules deux fonctionnent avec du personnel spécifique, MCA, à Maubeuge, et SOVAB, à Batilly. L'intégralité des autres entités du groupe fonctionne sans aucun personnel propre, mais avec du personnel mis à disposition par Renault SAS. C'est aussi le cas pour toutes les usines.

Le regroupement du personnel du groupe Renault, que ce soit en matière d'ingénierie ou de fabrication au niveau de notre société principale Renault SAS, s'explique par deux principales raisons, tout d'abord le souhait d'améliorer le climat social au sein du groupe et de garantir au maximum aux salariés basés en France, les mêmes avantages sociaux, mais aussi pour des raisons opérationnelles, et pour permettre plus de souplesse dans la gestion des effectifs et dans leur affectation aux différentes activités du groupe.

Cette gestion centrale des effectifs est même un souhait des partenaires sociaux. Elle est protectrice des intérêts des salariés, et n'a rien à voir avec un éventuel montage fiscal destiné à optimiser le CIR. Pour preuve, cette organisation est également déployée dans nos usines de fabrication française, dont la plupart réalisent peu de CIR.

Le groupe Renault, dixième constructeur mondial, dispose de cinq centres de recherche dans le monde : en France avec le Technocentre, au Brésil, en Corée, en Inde et en Roumanie. En dépit de l'attractivité de ces quatre centres basés à l'international, tant pour la compétence de leurs ingénieurs que pour leurs structures de coûts, le groupe a fait le choix de maintenir et de faire prospérer en France 75 % de sa recherche et développement mondiale. Dans ce contexte, le CIR est un facteur essentiel à la compétitivité du coût de l'ingénieur Français. Alors que le coût de la recherche française est le deuxième plus élevé du monde, après les États-Unis, le CIR améliore la compétitivité de la recherche et développement de l'industrie française.

De ce fait, il concourt à rendre le coût de la recherche et développement raisonnable et acceptable par rapport à celui d'autres pays, et permet le maintien et le développement de l'outil industriel en France.

Depuis le début de la crise, en 2008, c'est en partie grâce au CIR que le groupe Renault, présent sur tous les continents, a pu maintenir l'essentiel de ses efforts de recherche et développement en France.

Par ailleurs, entre 2008 et 2015, la recherche fondamentale a pu continuer à croître grâce au CIR. Ce dernier a permis d'éviter la classique coupure des budgets de recherche fondamentale en période de crise. À titre d'exemple, le nombre de doctorants est resté stable, à hauteur de cent personnes durant cette période. En outre, trente nouveaux doctorants bénéficient chaque année des bourses des Conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE), mises en place par l'Association nationale recherche technologie (ANRT).

Renault a pu lancer un important plan d'embauches en France dans le cadre du plan compétitivité, annoncé en février dernier : comme déjà évoqué, il se traduira par l'embauche dès cette année de 500 personnes en recherche et développement en France.

Enfin, Renault SAS travaille avec plus de cent sous-traitants ou partenaires de recherche situés en France, soixante-dix-huit organismes privés et quarante-sept organismes publics. Le montant d'actions de recherche et développement sous-traitées en France est supérieur à 300 millions d'euros. Sur ces 300 millions d'euros, seuls 12 millions d'euros entrent dans le calcul de l'assiette de recherche et développement éligible au CIR, en raison du plafonnement des dépenses de sous-traitance.

Cependant, tous ces points n'auraient pas de sens s'ils ne venaient pas en soutien des grands projets de recherche et développement de Renault.

Outre le développement de gammes toujours plus innovantes, allant de la petite citadine au véhicule utilitaire, en passant par les 4X4, je citerai quatre programmes emblématiques de Renault :

- le, véhicule électrique zéro émission, au contraire du véhicule hybride, avec une gamme complète de quatre véhicules, Twizy, Zoé, Fluence et Kangoo, vendus partout dans le monde ;

- le véhicule connecté, avec des innovations comme R-Link 2, classé numéro un des systèmes connectés ;

- Eolab, la « voiture pour tous consommant moins de 2 litres aux 100 kilomètres », et qui faisait partie des trente-quatre plans de reconquête pour une nouvelle France industrielle, présentée en septembre 2013 par le Président de la République. Eolab atteint même 1 litre aux 100 kilomètres ;

- l'hybride low cost, qui va permettre de faire bénéficier de cette technologie au plus grand nombre, dans la droite lignée de la gamme Dacia, qui est un succès mondial.

Plus de cinq cents projets de recherche et développement éligibles au CIR sont décrits dans le détail, à la disposition de l'administration et du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ces dossiers mettent à contribution plus de sept cents personnes chez Renault pour leur rédaction.

Sur 1,5 milliard d'euros investi en recherche et développement par Renault en France, seuls 777 millions d'euros sont éligibles au CIR, soit un peu plus de 50 % de la recherche et développement française totale. En outre, sur ces 777 millions d'euros, 400 millions d'euros sont plafonnés et donc éligibles à une contribution CIR réduite de 5 %.

La question du coût du travail en France et sa perte de compétitivité est un sujet connu de tous. J'ai sous les yeux un tableau que vous connaissez sans doute. Il n'est pas réalisé par Renault, mais par l'Association nationale recherche technologie (ANRT). Celui-ci figure dans la réponse écrite au questionnaire de votre commission d'enquête. Il compare le coût de la recherche et développement française à celui d'autres pays, et montre comment le CIR permet de l'améliorer. Selon ces chiffres, le CIR permet de réduire de 11 % le coût de l'ingénierie en France. Ce coût est intégré dans nos équations économiques. C'est un paramètre dans les décisions et arbitrages internes relatifs à la localisation au sein des différents centres de recherche de notre groupe des projets de recherche et développement.

Du fait du plafonnement de l'assiette pour les grandes entreprises à 100 millions d'euros, l'impact de la baisse du coût du travail imputable au CIR est inférieur pour celles-ci au taux moyen de 18 % estimé par l'ANRT.

Certains ont pu avancer que les dépenses de recherche du groupe Renault étaient orientées à la baisse. Or, il n'en est rien, et je tiens à rétablir la vérité en vous donnant quelques chiffres qui contredisent cette affirmation.

Pendant la période de la crise, de 2008 et 2009, Renault a fait le choix de préserver le montant de sa recherche et développement. Le groupe n'a cessé de l'augmenter depuis, passant de 1,870 milliard d'euros à 2,03 milliards d'euros entre 2010 et 2014, soit une progression de 8,3 %.

Autre point sur lequel je souhaite insister : le portefeuille de propriété intellectuelle du groupe est entièrement détenu par Renault SAS, entité française. À ce titre Renault SAS a déposé en 2014 plus de six cents brevets en France, soit une hausse constante depuis 2008, et un doublement depuis 2010. Ceci place Renault dans le trio de tête des entreprises innovantes, derrière Sanofi et PSA.

Par ailleurs, il convient de noter que Renault SAS ou ses filiales françaises réalisent pour nos partenaires étrangers - Nissan, Daimler, Fiat, General Motors - de nombreux travaux de recherche et développement dans les domaines des moteurs, du véhicule électrique et des véhicules utilitaires. Ce sont des domaines où les compétences de Renault sont largement reconnues et appréciées. Ces travaux de recherche et développement facturés par Renault SAS à ses partenaires étrangers, pour la seule année 2014, ont représenté un montant supérieur à 260 millions d'euros.

La gestion patrimoniale par le groupe Renault de sa propriété intellectuelle est entièrement organisée en France. Les brevets et le savoir-faire du groupe sont donc entièrement détenus par Renault SAS en France. Nous n'avons pas de patent box aux Pays-Bas ou aux Bermudes, par exemple. Le groupe Renault est une entreprise citoyenne soucieuse du respect de ses obligations fiscales vis-à-vis de l'État français. Les redevances rapatriées en France par Renault SAS, au titre de la concession à ses filiales étrangères de cette propriété intellectuelle représentent environ 300 millions d'euros tous les ans.

Comme nous l'évoquions précédemment, outre ces redevances, Renault SAS facture à ses partenaires plus de 260 millions d'euros de frais de recherche et développement tous les ans. Au titre de la seule gestion de sa recherche et développement, le groupe Renault rapatrie donc tous les ans en France 560 millions d'euros de base fiscale, pleinement imposable à 38 %, plus une CVAE de 1,5 %.

Vous en conviendrez, on ne peut pas parler d'une optimisation fiscale agressive. Ces 560 millions d'euros de base fiscale imposable au niveau de Renault SAS sont à prendre en compte au même titre que le CIR dans l'équation fiscale de la recherche en France.

Le CIR incite les entreprises à réaliser de la recherche et développement en France, plutôt qu'à la délocaliser hors de France. Cette recherche et développement est, de ce fait, détenue par Renault en France et génère de la base imposable en France. Il s'agit là d'un écosystème particulièrement vertueux. Renault assume en conscience la responsabilité particulière qui découle de l'attribution par la collectivité nationale du mécanisme du CIR. De ce point de vue, Renault est plus que jamais une belle industrie inscrite dans le patrimoine et dans l'imaginaire de notre pays et de nos concitoyens, une entreprise citoyenne en pointe en matière de recherche et développement, de localisation de sa recherche et développement, une entreprise performante qui embauche notamment des ingénieurs, en France - mille CDI et mille contrats d'apprentissage cette année.

En conclusion, grâce à l'arsenal mis en place par le législateur français, aux arbitrages du management du groupe Renault, et au talent et à l'investissement de presque 120 000 collaborateurs de notre entreprise, 75 % de la recherche de Renault est faite en France, pays dans lequel le coût du travail reste pourtant élevé. La propriété intellectuelle réalisée à l'étranger est entièrement détenue par Renault SAS en France. Tous les brevets et savoir-faire appartiennent à Renault SAS en France. Les facturations diverses apportent à Renault SAS entre 500 et 600 millions d'euros par an de base fiscale en France. Les deux tiers de nos dépenses éligibles au CIR sont plafonnés à 5 %. 85 % des sociétés éligibles au CIR existent depuis plus de vingt ans. Enfin, Renault s'interdit tout schéma d'optimisation fiscale de sa propriété intellectuelle, telles les patent boxes, ou autres domiciliations au taux d'imposition favorable.

Si Renault recherchait le bénéfice d'un quelconque effet d'aubaine, une délocalisation de la recherche et développement associée à une gestion fiscale plus optimisante de son portefeuille de recherche et développement généreraient des économies sociales et fiscales sans commune mesure avec les gains que représente le CIR. Il est incontestable que Renault s'est toujours interdit d'adopter une telle stratégie. En effet, la recherche et développement compte parmi les activités les plus faciles à délocaliser, car elle ne nécessite au fond aucune autre ressource que l'intelligence et le talent des ingénieurs. Cette intelligence et ce talent ne sont pas les seuls apanages de notre pays, qui n'a pas le monopole de la compétence technique et scientifique.

Je vous remercie de votre attention.

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