Je vais essayer de répondre suivant trois axes différents.
Que la recherche et développement se déroule en France ou ailleurs n'est pas déterminant dans la décision de mener à bien ou non un projet. La recherche, ce sont des ingénieurs, quelques prototypes, et rien de plus. On peut la réaliser n'importe où dans le monde. Il n'y a rien de plus fluide que la matière grise. La France n'a pas le monopole de ce savoir-faire - en tout cas pas notre groupe. On dispose, dans des bureaux d'études étrangers, des mêmes compétences et des mêmes capacités.
Néanmoins, la France jouit, en matière de recherche fondamentale, d'un effet d'expérience et de masse critique, nos moyens étant concentrés ici depuis bien longtemps. Alors que notre pays est le plus cher après les États-Unis, et très loin devant des pays comme l'Allemagne l'Angleterre, ou l'Espagne, où nous possédons beaucoup d'infrastructures industrielles, le CIR remet la France au milieu du peloton, ce qui nous permet de réaliser un calcul économique et de remettre les bureaux d'études français sur un pied d'égalité avec l'étranger.
On doit ensuite déterminer si le projet a ou non vocation à être essentiellement européen. Il peut s'agir d'un véhicule destiné à l'Asie, à l'Amérique du Sud ou à l'Inde. Notre président vient par exemple de lancer en Inde un véhicule très innovant pour le marché indien, qui a été développé en France. Ce véhicule, dont la presse va parler aujourd'hui même, c'est le Technocentre de Renault qui l'a développé. On a dit qu'il viendra peut-être un jour en Europe, car on a déjà vu circuler en France des prototypes qui ont emprunté certaines routes pour les validations. Nous étudions les coûts pour prendre nos décisions économiques, et le CIR nous permet d'être dans la course.
Dire quelle aurait été notre décision si nous n'avions pas bénéficié du CIR n'est guère aisé. Je ne voudrais rien affirmer d'inexact, mais cela donnerait une équation économique différente.
On a signé en France, en 2013, un accord de compétitivité avec nos partenaires sociaux. Cet accord avait comme contrepartie un certain nombre d'engagements pris par la direction, qui cherchait à localiser en France des productions étrangères, notamment à Flins, où Nissan va fabriquer une voiture, ou à Sandouville, ou Fiat va faire la même chose.
Ceci a permis de solliciter l'ingénierie pour des projets qui n'auraient pas existé sans cela. Le fait de bénéficier du CIR nous a permis de répondre à Nissan, à Fiat, ou à Mercedes. Pour eux, c'est encore plus facile que pour nous : ils disposent partout de bureaux d'études, et dans des pays très différents. Ils n'auraient donc trouvé aucun avantage économique à demander à Renault de développer un véhicule pour leur compte si le coût n'avait pas été compétitif.
Le fait de disposer d'un accord de compétitivité et du CIR, qui maintient un coût acceptable pour l'ingénierie, nous a permis de répondre à des appels d'offres. Nous nous sommes quasiment retrouvés fournisseurs et, lorsqu'on développe pour le compte de Nissan ou de Daimler, on refacture ce travail à nos partenaires. Ce sont des factures imposables en France, qui viennent nourrir la masse fiscale française.
Sans notre accord de compétitivité, il aurait été difficile d'attirer Nissan, qui avait le choix entre fabriquer sa voiture en France ou en Inde, où la Micra est aujourd'hui réalisée. Ceci atteste du retour de notre ingénierie à la compétitivité.