Je présenterai les événements et les initiatives prises ces cinq dernières années, tandis que Christian Manable exposera les recommandations que nous avons formulées. Je tiens en premier lieu à souligner le plaisir que j'ai eu à travailler avec Christian Manable pour l'élaboration de ce rapport.
Je rappellerai les faits en quelques mots. Les 27 et 28 février 2010, la tempête Xynthia ravageait le littoral atlantique, causant en France 47 décès, 79 personnes blessées, 767 personnes évacuées, ainsi que de nombreux dégâts matériels, évalués à plus de 2,5 milliards d'euros. 1 520 vies ont été sauvées.
Dès le 25 mars 2010, soit moins d'un mois après les événements, le Sénat a estimé nécessaire de tirer les leçons de cette tragédie, en constituant une mission d'information présidée par notre collègue Bruno Retailleau, alors président du conseil général de la Vendée. En juin et juillet 2010, deux rapports d'information ont permis d'établir que ce drame aurait pu être évité. La mission d'information a mis en lumière d'importantes carences, à tous les niveaux, en termes de culture du risque et d'intégration des politiques. 92 propositions ont été formulées en matière de sécurité civile, de prévention des risques naturels, d'occupation des sols, d'urbanisme et d'indemnisation de victimes.
La nécessité de consolider la chaîne de gestion du risque, selon un triptyque prévision/prévention/protection défini par Bruno Retailleau, allait devoir conduire la réflexion du législateur et l'action des différents acteurs locaux de la gestion du risque : Etat, administrations, élus, associations et citoyens.
Parmi les 92 préconisations de la mission sénatoriale, 24 ont été reprises dans la proposition de loi votée par le Sénat le 3 mai 2011, mais cette proposition n'a, à ce jour, pas été examinée par l'Assemblée nationale.
La tempête Xynthia a également trouvé une traduction sur le plan judiciaire. La décision rendue le 12 décembre 2014 par le Tribunal de grande instance (TGI) des Sables-d'Olonne, actuellement en appel, a en effet constaté des dysfonctionnements dans la gestion du risque, tant au niveau des collectivités que des services de l'Etat.
Immédiatement après la tempête, l'Etat a pris en urgence des mesures pour garantir la sécurité des personnes dans les zones inondables, avant le déploiement, en 2011, d'un plan submersions marines dont les actions doivent se poursuivre jusqu'en 2016.
Xynthia a mis en lumière, d'une part, les insuffisances de nos politiques de lutte contre les risques d'inondation et de submersion marine et, d'autre part, de graves défaillances dans la chaîne de gestion du risque.
Cinq ans après, notre délégation a souhaité évaluer l'action de l'Etat et des collectivités territoriales afin de vérifier si les pouvoirs publics ont pris toute la mesure des actions à mener pour éviter de nouveaux drames.
Sur le volet prévision, le drame a résulté en partie d'une mauvaise compréhension du risque météorologique : le système d'alerte visait à protéger les populations contre des vents violents et non pas contre un risque de submersion marine. Au cours de notre rencontre avec une association de victimes de La Faute-sur-mer, celle-ci nous a expliqué que les habitants avaient fermé leurs volets et avaient ainsi été piégés dans leur maison, l'électricité ayant été coupée. Depuis, l'Etat a pris les mesures nécessaires pour améliorer la connaissance des aléas, grâce au programme vigilance météorologique « vagues/submersion » ; à l'extension du dispositif de vigilance « crues » ; au renouvellement des radars météorologiques ; à la mise en place du dispositif Avertissement sur les pluies intenses à l'échelle communale (APIC). Ce dispositif permet notamment au maire et au préfet de recevoir gratuitement l'information en temps réel par SMS ou via un serveur.
Pour être tout à fait complet, le volet prévision ne saurait être efficace sans une surveillance effective. Sur ce point, le ministère de l'Environnement nous a confirmé le développement actuel, via le Service à compétence national chargé de l'activité de prévision des crues (SCHAPI), d'un nouveau service d'avertissement sur la possibilité de crues soudaines, permettant de raccourcir la chaîne d'information vers les populations. Ceci constitue une « avancée notable » selon le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD).
Sur le volet prévention, le constat réalisé par les différentes inspections qui se sont penchées sur cette politique est sévère : le risque de submersion marine n'est pas suffisamment intégré. Notre pays souffre d'une trop faible culture du risque. Cette carence a évidemment eu des conséquences.
La planification urbaine a en effet trop longtemps sous-estimé les risques d'inondation ou de submersion. Il faut se souvenir que les communes des côtes atlantiques touchées par la tempête n'étaient même pas dotées de Plans de prévention des risques d'inondation (PPRI), alors même qu'elles étaient particulièrement exposées au risque de submersion. Nous nous sommes rendus sur le terrain afin de rencontrer M. Albertini, préfet de Vendée. Celui-ci nous a expliqué qu'un premier PPRI avait été prescrit à La Faute-sur-Mer en 2001, sans être jamais approuvé. Suite à la tempête, un nouveau PPRI a été prescrit, mais, ironie du sort, il vient d'être annulé par le tribunal administratif ! Concrètement, aucun PPRI ne couvre actuellement le territoire de La Faute-sur-mer.
De même, les Plans communaux de sauvegarde (PCS), qui doivent théoriquement couvrir l'ensemble des risques et recenser concrètement les moyens de protection de la population, étaient quasi inexistants dans les zones les plus exposées.
Enfin, de nombreuses constructions ont pu être édifiées dans des zones dangereuses, parfois même sans permis. Ces défaillances dans la gestion des permis ont concerné, hélas, tant les services de l'Etat que les collectivités territoriales.
Depuis le drame, une réelle prise de conscience des acteurs impliqués a eu lieu.
Des progrès ont été enregistrés en matière de couverture des territoires par les PPRI, comme cela nous a été confirmé tant par le ministère de l'Ecologie pour l'ensemble du territoire que par la préfecture de Vendée, département dans lequel nous nous sommes rendus. Il est d'ailleurs notable que l'accélération du rythme de révision des PLU dans le cadre du Grenelle et de la loi ALUR permet de mieux prendre en compte le risque d'inondation et de submersion marine. Les prescriptions de risques pourront ainsi être introduites par les préfets.
S'agissant des PCS, là encore, on peut se féliciter que la situation se soit considérablement améliorée, en particulier sur le territoire vendéen. Au niveau national, le taux de couverture des PCS dans les communes soumises à obligation légale est passé de 44 % en 2011 à plus de 65 % aujourd'hui, l'objectif étant de 70 % dans un ou deux ans.
Enfin, en matière de délivrance des permis de construire, vous ne connaissez que trop bien l'échéance imminente du 1er juillet 2015, qui mettra fin à l'instruction des permis par les services déconcentrés de l'Etat dans les communes membres d'un EPCI de plus de 10 000 habitants. Nous devons répondre à l'inquiétude des maires qui souhaitent préserver la qualité du contrôle de légalité et c'est en ce sens que nous formulons une recommandation, sur laquelle nous reviendrons dans un instant.
Sur le volet protection, plusieurs carences ont été pointées lors de la tempête Xynthia. La première est un défaut général d'entretien des digues, tenant à la complexité du régime des digues qui fait intervenir une multiplicité de propriétaires (Etat, collectivités territoriales, associations, propriétaires privés), dont certains n'ont pas toujours les moyens de les prendre en charge. Sur ce point, nous devons saluer l'action des collectivités territoriales, en particulier sur le littoral atlantique, qui ont dû parfois financer elles-mêmes l'entretien des digues.
Deuxième carence : l'inefficacité d'un système d'alerte vétuste, datant de 1954 et reposant principalement sur des alertes phoniques par le biais de sirènes, dont certaines ne fonctionnent d'ailleurs plus. 5 000 nouvelles sirènes devaient être déployées. À ce jour, 2 800 l'ont déjà été.
En Vendée, le préfet a dénombré presqu'une centaine d'intervenants différents, dont 64 ASA, à réunir pour mettre en oeuvre la GEMAPI. Par ailleurs, sur l'ensemble du territoire national, 99 programmes d'action de prévention des inondations (PAPI) ont été mis en place, dont 25 sur la côte vendéenne. Si les travaux sont en cours, les avancées concrètes sont néanmoins encore insuffisantes, compte tenu de la multiplicité des outils, souvent illisibles, ainsi que des coûts financiers.
Je cède la parole à mon collègue Christian Manable, pour présenter les recommandations que nous avons formulées.