Je voudrais tout d'abord rappeler la raison d'être de l'article 10.
Dans le secteur du gaz, nous devons absolument prendre en compte la situation internationale.
Aujourd'hui, 50 % à 60 % des réserves mondiales de gaz - celles qui servent à approvisionner à la fois le Japon, la Chine, les États-Unis et l'Amérique du sud -, se trouvent dans trois pays : la Russie, l'Iran et le Qatar.
La Grande-Bretagne assiste ainsi actuellement à l'extinction de ses réserves propres. Quant aux ressources des autres pays, elles ne représentent qu'un faible pourcentage des réserves mondiales.
En outre, la Russie vient de passer avec l'Algérie un accord qui renforce encore ses marges de manoeuvre.
Face à cette situation, l'intérêt des possesseurs de ces gisements, selon leur stratégie déclarée, se situe clairement en aval. Rien n'est plus facile pour eux que de chercher à valoriser leur production sur l'ensemble de la chaîne. Ils détiennent la rente minière et les canalisations de transport. Ils souhaitent prendre pied sur les marchés et ne pas être dépendants d'intermédiaires qui doivent négocier avec eux.
Cette situation ne va que s'accentuer puisque les trois principaux producteurs vont détenir une part de plus en plus importante des réserves du monde. Pour défendre la sécurité d'approvisionnement de notre pays dans de bonnes conditions en termes de prix et de quantités et assurer la continuité de fourniture, nous avons l'obligation de travailler sur l'amont, de maîtriser l'ensemble de la filière, et de nous approvisionner largement, afin que nos capacités soient supérieures à nos besoins stricts.
Au moment où nous en arrivons à l'article 10, il faut en tirer la conséquence sur la dimension de l'entreprise pouvant faire face à cette situation.
Vous croyez qu'il suffit d'être le gestionnaire français des tuyaux français pour faire le poids dans les négociations internationales. Vous pensez qu'il suffit que l'État demande pour qu'il soit exaucé. Si c'était le cas, vous imaginez bien que l'Ukraine n'aurait eu aucun problème avec la Russie l'année dernière ! Si c'était le cas, vous imaginez bien que l'Italie ne se serait pas préoccupée de se précipiter à Moscou dès le mois de janvier pour s'approvisionner ! Si c'était le cas, pensez-vous que les grands pétroliers s'intéresseraient à ce domaine ?
Nous devons aujourd'hui constater que la taille et la compétence de nos entreprises sont les éléments clés qui permettent d'agir sur l'amont. Notre opérateur, même s'il a beaucoup de qualités, doit pouvoir changer de dimension. Si, à cette fin, on ne lui proposait que de procéder à des acquisitions dans son domaine, il pourrait certes s'agrandir, mais il s'endetterait très rapidement et n'aurait pas de marges de manoeuvre suffisantes. La solution est donc de lui permettre d'ouvrir son capital et de s'agrandir par échange d'actions.
Nous ne souhaitons pas que cette opération se traduise par un abandon des intérêts essentiels que nous essayons de servir. Nous voulons assurer la sécurité d'approvisionnement, nous voulons être certains de pouvoir mener notre action afin de garantir la continuité de fourniture, en contrôlant ce qui se fait dans ce domaine et en ayant le choix de nos partenaires. Ce choix des partenaires, c'est ce que nous permet la minorité de blocage.
En nous octroyant par ce projet de loi la golden-share, cette action spécifique que même la Commission européenne considère comme utilisable dans le cas présent, ...