Cet amendement vise à revenir à la situation antérieure à la loi de 2004. Il tend à rendre à Électricité de France comme à Gaz de France leur statut d'établissement public à caractère industriel et commercial. On peut y voir un retour en arrière, mais aussi un grand bond en avant. Il s'agit de permettre à nos deux opérateurs énergéticiens de répondre aux exigences de service public fixées par la loi.
En 2004, le changement de statut, l'ouverture du capital et l'alignement sur le droit des sociétés anonymes ont été justifiés, notamment, par des besoins nouveaux de financement. Il est en effet beaucoup question des investissements industriels nécessaires au développement du service public en France.
Cette année, la même soupe nous est resservie, quelque peu réchauffée, pour justifier la fusion entre Gaz de France et Suez. Il s'agirait, à en croire les tenants de la privatisation de Gaz de France, de permettre à cette entreprise de faire face aux enjeux énergétiques du futur, en lui donnant l'assise financière nécessaire pour mener toute politique de long terme. Tel est votre discours.
Or la réalité des faits contredit quelque peu cette présentation de la situation. D'une part, le silence le plus complet est fait sur les conditions de la fusion, notamment sur le coût pour Gaz de France de l'offre publique d'échange de titres entre GDF et Suez, qui va atteindre un niveau inégalé.
En effet, s'il faut placer les titres GDF au niveau de ceux de Suez, ce sont au moins 3 milliards d'euros qu'il faudra mettre sur la table, d'entrée, pour favoriser la valorisation des stock-options levées par Gérard Mestrallet et son équipe, ainsi que des actions détenues par les actionnaires de Suez, c'est-à-dire plus que le résultat opérationnel du groupe Gaz de France en 2005 et 180 % du résultat net part du groupe. Comme moyen de financer le développement de notre opérateur énergétique, on pourrait trouver mieux !
Une fois parvenu à ce résultat, on permettra à l'État - faut-il le rappeler ? - d'affecter le produit de la cession des titres au compte des privatisations. Compte tenu du nombre de titres que l'État sera amené à vendre, ce sont plus de 13, 6 milliards d'euros qui seront ainsi versés au compte d'affectation. Comme par hasard - mais est-ce un hasard ? -, ce montant ne correspond absolument pas à celui des produits attendus en 2007 pour ce compte.
De deux choses l'une, monsieur le ministre : ou bien le Gouvernement a renoncé, a priori, à la réalisation de la cession des titres de Gaz de France et n'a donc pas voulu procéder à l'inscription budgétaire de l'opération, ou bien il se garde pour plus tard, notamment si la croissance n'est pas au rendez-vous, une jolie poire pour la soif, d'un montant de 13, 6 milliards si l'on prend en compte la valeur actuelle du titre Gaz de France, de 15 milliards d'euros, une fois prise en compte la revalorisation du titre après l'OPE avec Suez !
La confidentialité invoquée dans les documents préparatoires du projet de loi de finances pour 2007 n'est qu'un rideau de fumée destiné à dissimuler la manipulation financière de grande envergure qui se prépare !
Les fonds de pension américains qui se sont porté acquéreurs d'une part importante du capital de Suez, et qui se nourrissent également des titres de la dette publique indexés sur l'inflation, apprécieront sans doute l'affaire beaucoup plus que nos concitoyens !
Le retour au statut d'établissement public à caractère industriel et commercial est le meilleur moyen de mettre un terme à ces processus infernaux, qui, en bout de course, finiront par représenter pour la collectivité un coût significatif, bien plus élevé que celui qui est inhérent au rachat, dans des conditions similaires à celles de la loi de 1946, des titres aujourd'hui détenus par d'autres personnes morales ou privées que l'État !
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons à adopter cet amendement.